Pour des jeunes diplômés plus expérimentés

Lors d’une rencontre avec un responsable d’équipe au sein d’une entreprise, nous tenions la discussion suivante :

« – Tu vois, je trouve qu’ils ne sont pas terribles les étudiants qui sortent de l’école, ils ne savent rien faire, je préfère de beaucoup embaucher un gars qui a suivi sa formation en alternance…
– Est-ce que tu as conscience que toi aussi, tu ne savais rien faire lorsque tu es sorti de l’école et que des ‘vieux routiers’ disaient la même chose de toi ?
– euh !…
– Et que fais-tu quand tu reçois une demande d’alternance de la part d’un étudiant ?
– Ah, non ! Tu comprends, je ne peux pas me permettre d’investir comme ça sur un jeune, passer du temps à le former, parce que ça prend du temps, et pour risquer qu’il parte, en plus ! J’ai un problème de rentabilité, moi ! »

Avec des discussions comme ça, on sent que ça va être compliqué d’avoir des jeunes professionnels qui correspondent aux attentes des employeurs. Et ne riez pas, je suis sûr que vous avez déjà eu, vous aussi, ce genre de remarques …

Même si j’ai beaucoup de mal à accepter ces critiques de la part de personnes qui ne sont pas prêtes à se remonter les manches, il y a quand même matière à se poser la question : Qu’apprend-on à l’école si les employeurs considèrent que les jeunes diplômés ne savent rien faire ?

En fait, les employeurs voudraient que les jeunes diplômés aient de l’expérience ! Qu’à cela ne tienne, apprenons aux étudiants à travailler comme des pros… Oui mais quelles sont les qualités attendues ? Au retour de stage, nos étudiants ont listé ce qu’ils ont découvert en entreprise. Il en ressort quelques compétences que l’école peut très bien approfondir :
l’autonomie : attention, l’autonomie se construit, s’éduque, ça n’est pas un abandon de l’étudiant face à ses apprentissages. Il faut « laisser errer mais ne pas laisser échouer » (franc-parler sur la pédagogie par projet). En entreprise, l’autonomie est attendue par exemple pour la prise de décisions, la recherche d’information, la réalisation de tâches ‘métier’…

– le travail en équipe : cette compétence n’est pas antinomique avec la précédente. Elle consiste à savoir écouter, argumenter, débattre, concilier, … Cela sous-entend par exemple que l’on vient à une réunion en l’ayant préparée à partir de l’ordre du jour.

Une fois ces grandes lignes définies, il faut construire les séquences pédagogiques qui développent ces compétences : travail par projet, par problème, toutes ces démarches pédagogiques où l’apprenant devient acteur et construit ses connaissances. La création de situations comparables au cadre professionnel est indispensable mais cela ne suffit pas, il faut aussi (et surtout) prendre le temps de la relecture avec les étudiants pour formaliser les méthodes mises en œuvre et évaluer leur efficacité. Ce temps de synthèse permet d’expliciter l’expérience acquise au cours de la séquence. La capitalisation personnelle de cette expérience (sous quelque forme que ce soit : portfolio, journal de bord, …) permettra aux étudiants de :
– suivre et évaluer leur progression
– avoir un support pour analyser leurs méthodes de travail, ainsi que leurs forces et faiblesses, …

Dans une telle optique, le contenu disciplinaire est un cadre, à l’enseignant de construire la progression qui formera des jeunes diplômés plus expérimentés.

N’hésitez pas à réagir !!!

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3 Réponses to “Pour des jeunes diplômés plus expérimentés”

  1. Bruno Devauchelle Says:

    Un de mes enfants a terminé l’école d’ingénieur il y a un an et travaille en entreprise, un autre est en alternance pour devenir ingénieur (encore une année). Dans les échanges qu’ils ont avec nous et leurs amis des deux « mondes » on perçoit bien des différences, mais qui se situent simplement sur le point d’entrée des tâches. Entrée par une pratique à théoriser ou une théorie à mettre en pratique. Dans le premier cas, il y a opérationnalité immédiate, mais risque de difficulté à prendre de la distance; dans le second cas il y a d’abord appel aux « concepts » puis mise en application, mais cela peut prendre du temps, c’est cela qui est reproché. Au bout du compte, en début de carrière ils ont tous les deux l’impression qu’il leur manque un morceau des outils pour travailler.
    Henri Mintzberg signale cependant que certains apprentissages ne peuvent se faire en dehors de l’alternance, (Former des managers des vrais pas des MBA). Il faut aussi prendre en compte cela. Aussi lorsque les écoles envoient faire des stages en milieu professionnel elles seraient plus efficaces si elles prenaient vraiment en compte ce point

    • duboisj Says:

      Merci pour ces remarques qui sont pertinentes. L’idée est justement de combler ce morceau manquant. Il me semble que l’école (dans le cadre d’une formation professionnelle et quel que soit le niveau) peut aider les élèves à être plus performants et plus professionnels :
      – en s’appuyant sur ce que les élèves apprennent/découvrent en stage, aussi bien au niveau du contenu que des méthodes de travail,
      – en présentant/proposant aux élèves des pratiques et méthodes de travail professionnelles.
      Cela devrait permettre de mieux « apprendre à travailler » dans les formations.

  2. apprendre en projet « Prodageo Says:

    […] Ça y est ! Nos étudiants se lancent dans leur projet de BTS. Étant donné que ce projet fait partie intégrante de leur formation, il me semble important de travailler l’aspect pédagogique de cette activité : Qu’apprend-on en projet ?  Comment peut-on formaliser cet apprentissage ? Cette préoccupation rejoint les thèmes d’articles précédents (ici et là). […]


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