Les apprenants au centre – et les outils, on les met où ?

Voici le troisième billet de la série exploitant le modèle centré sur les apprenants. Après avoir étudié l’influence de ce modèle sur la motivation des étudiants puis sur les champs d’intervention de l’enseignant, nous allons aborder l’influence que ce modèle peut avoir en termes d’outils. La conclusion est navrante de simplicité : l’outil ne fait pas l’usage !

Si l’on reprend le modèle, les différents cercles concentriques concernent :

  • la collaboration, le partage, la communication,
  • l’approche disciplinaire,
  • l’analyse réflexive,
  • l’exploitation, la publication, le partage.

Nous n’aborderons pas l’approche disciplinaire car chacun connaît déjà les outils, logiciels, ressources disponibles pour telle ou telle discipline et je ne me risquerai pas à en faire une liste … Par contre, les 3 autres dimensions, plus génériques et facilement transférables dans un contexte spécifique me semblent intéressantes à explorer, à partir d’analyses de pratiques.

1 – Les étudiants collaborent

Au départ, il me semblait essentiel de faciliter le partage et les échanges entre étudiants. Pour cela, j’avais envisagé 3 outils : un forum, pour la discussion ‘à bâton rompu’, un outil de partage de signets (diigo), pour le partage de liens pertinents en lien avec la formation et un wiki pour construire une mémoire collective, un partage d’expérience, une base de connaissances. Finalement, de ces 3 outils, seul le wiki a été réellement utilisé par les étudiants (par exemple, ici).

En fait, beaucoup de situations collaboratives n’ont pas nécessité d’outil spécifique. Étant donné que les étudiants se voient tous les jours et sont en cours avec nous 18 heures par semaine, on peut comprendre qu’ils ne ressentent pas le besoin d’utiliser un outil particulier pour communiquer et partager.

Cela permet de rappeler que la collaboration et le partage sont d’abord un état d’esprit , les outils sont là pour faciliter leur mise en œuvre.

Afin d’aider à la mise en place d’un dispositif, si l’on doit choisir un (des) outil(s), il me semble pertinent d’analyser les besoins selon trois directions :

  • les contraintes de distance et de temps des participants,
  • l’archivage des participations,
  • l’humanité (l’outil permet-il une certaine convivialité ou complicité ?).

2 – Les étudiants relisent pour analyser

Pour instrumenter cette pratique réflexive, il me semble important d’offrir aux apprenants un outil avec les caractéristiques suivantes :

  • gestion d’un espace double : privé / public (dans l’idée de publication/partage),
  • archivage de tout type de ressources (vidéo, audio, texte),
  • espace d’expression/rédaction libre.

Je viens de dresser les grandes caractéristiques du portfolio ! Plusieurs outils sont envisageables, mahara est très abouti mais je pensais que le blog aurait été plus facile à prendre en main Finalement : ni l’un, ni l’autre ! En effet, l’outil n’est d’aucune utilité si les apprenants ont des difficultés pour relire leurs expériences 😦 ! L’année a donc été plus orientée vers l’apprentissage de cette relecture. Pour cela, encore des outils …

Dans un premier temps, j’intégrais dans l’évaluation des modules une question du type : « Qu’avez-vous appris, découvert ou redécouvert ? » (comme ici) ou  « Pour quelle(s) raison(s) êtes-vous fier de vous ? » (comme). Ces questions permettent d’avoir un premier niveau de relecture en facilitant une certaine objectivation de l’expérience. Par contre, cela ne permet pas d’aborder toutes les phases de l‘experiential learning de Kolb. Nous avons donc approfondi le sujet et proposé une grille complète de lecture de nos modules.

Après un rappel du cadre du module, qui reprend les grandes lignes du syllabus en insistant bien sur les objectifs visés, la grille se décompose en 4 chapitres :

  • relecture du déroulement du module (en s’appuyant sur un journal de bord)  : démarche adoptée, temps passé pour chaque étape, productions marquant l’avancement dans l’apprentissage et la validation des étapes
  • analyse de l’activité : difficulté rencontrées et démarches pour les surmonter, regard critique sur les artefacts produits, écart entre le prévu et le réalisé, ressenti (satisfaction, fierté, …)
  • extrapolation : quelle conclusion peut-on tirer de ce module ? au niveau des démarches adoptées, des recherches effectuées, de l’exploitation des trouvailles, … On apprend de ses erreurs, mais on peut aussi retenir les bonnes idées !
  • transposition : qu’avez-vous appris ? que faut-il mémoriser ? que faut-il archiver ?

(voici un exemple de grille complète)

Cette approche permet de parcourir une bonne partie du cycle de Kolb. Pour faire la boucle complète, il faudrait intégrer un temps de préparation au début de chaque module pour planifier son organisation en fonction des conclusions des précédentes expériences…

Encore une fois, il apparaît que l’outil ne fait pas l’usage et le portfolio, sous quelque forme qu’il soit, n’est d’aucune utilité si les étudiants ne savent pas ‘apprendre à apprendre’. Il faut donc les initier …

3 – Les étudiants exploitent, publient et partagent

Vu les blocages présentés à l’étape précédente, il n’a pas été évident de mettre en place une réelle dynamique de publication. Le partage s’est beaucoup développé, pendant les cours, dans l’objectif de ne laisser personne de côté sur le bord du chemin. Enfin, pour faciliter la ré-exploitation, l’usage de stockage en ligne (avec dropbox) commence à se généraliser pour archiver des ressources et les organiser.

Voici la cartographie des outils de notre formation. Elle n’est nullement un modèle mais plutôt une mise en perspective des différents outils envisagés dans le dispositif.

les outils dans le modèle centré sur les apprenants

4 – Analyse

Cette lecture des outils présente un bilan peu glorieux de ce modèle pédagogique qui est pourtant satisfaisant d’un point de vue intellectuel. D’où vient donc ce décalage ? Trois éléments de réponse peuvent ‘sauver’ notre modèle.

a) Il apparaît que ce modèle est parfaitement adapté pour des apprenants qui savent déjà collaborer et apprendre à apprendre. Ainsi, si l’on analyse le déroulement d’une conférence ‘à la mode’, on retrouve bien notre modèle :

  • au début de la conférence, on annonce le mot-clic (#hashtag) pour twitter, cela revient à créer l’espace de collaboration-communication-partage qui permet, d’une part,  d’enrichir l’intervention, et d’autre part, de suivre à distance ce qui s’y dit, de poser des questions, de réagir.
  • pendant toute la conférence, on baigne dans le contexte disciplinaire …
  • après la conférence, les plus courageux compilent les différents tweets dans un storify ou rédigent un (ou plusieurs) billet(s) de blog. A ce sujet, la réflexion d’Ostiane Mathon sur sa présence/absence à la conférence WISE 2011 est tout à fait pertinente : c’est un bon exemple d’analyse réflexive en lien avec le sujet …
  • Toutes ces productions, qui permettent de garder une trace du vécu ou de la réflexion, seront bien sûr largement partagées et diffusées pour en faire bénéficier le plus grand nombre … et le storify d’une conférence donne un regard ‘humain’, qui complète la publication liée à l’intervention.

Les étudiants n’étant pas encore autonome dans cette démarche d’apprentissage, il faut les accompagner. Le modèle est donc une cible à atteindre, mais aussi un cadre pour repérer les différentes étapes et évaluer les évolutions ou difficultés rencontrées. C’est un repère, comme le phare qui guide le marin et l’aide à mesurer le chemin parcouru …

b) Les leviers pour développer les deux compétences visées par le modèle (collaboration et apprendre à apprendre) sont similaires : les usages, les outils, les objectifs poursuivis et la dynamique instaurée. Comme nous l’avions vu pour la formation à la collaboration, c’est en développant des situations variées que nous initierons nos étudiants à ces nouvelles pratiques … A nous d’être inventifs, créatifs et motivants !

c) Il me paraît réducteur d’évaluer l’acquisition de ces compétences à l’aune de l’usage d’outils. Certes, mais alors comment évaluer ces compétences ? Quels critères peut-on mettre en place ? Quels indicateurs  peuvent permettre de les quantifier ? Voilà une bonne piste de réflexion pour la suite, non ?

3 Réponses to “Les apprenants au centre – et les outils, on les met où ?”

  1. E-Pédagogie | Pearltrees Says:

    […] Les apprenants au centre – et les outils, on les met où ? Enquete plateformes pédagogiques 2011 Les nouvelles technologies conduisent au nouvel humain : Web developpement durable Dans le domaine littéraire, un Scénario est un canevas, le plan détaillé d'une pièce de théâtre, d'un roman. Au cinéma, c'est la trame écrite et détaillée des différentes scènes d'un film, comprenant généralement le découpage et les dialogues. C'est cette démarche d'écriture et de préparation que l'on peut vouloir transposer pour en faire une méthode dans l'enseignement et la formation : un scénario devient alors un travail préparatoire où un projet (de cours, de séquence, de module) est décrit, raconté, mais aussi découpé, structuré avant d'être réalisé de façon réelle. En fait, dans l'enseignement, il y a toujours eu quelque part cet acte de scénarisation de par le fait même que l'on pense le déroulement d'une séance, la répartition horaire, l'alternance de la théorie et de la pratique, etc. […]

  2. Les apprenants au centre – et les outils, on les met où ? | FLE TICE multimédia éducation_aux_médias | Scoop.it Says:

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  3. Les apprenants au centre – et les outils, on les met où ? | Sur l'art d'enseigner | Scoop.it Says:

    […] Voici le troisième billet de la série exploitant le modèle centré sur les apprenants. Après avoir étudié l’influence de ce modèle sur la motivation des étudiants puis sur les champs d’i…  […]


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