Engager les participants dans une formation

On m’a récemment demandé d’intervenir pour présenter l’apprentissage expérientiel à des formateurs du 1er degré. Je vous propose ci-dessous un retour sur cette intervention en présentant le contexte, le déroulé et le fruit des échanges. Un très bon moment d’animation, stimulant et riche.

1 – Le contexte de la formation

Si l’on veut qu’une telle intervention soit utile, il me semble essentiel qu’elle s’ancre dans le quotidien professionnel des participants. Tous les participants sont animateurs d’au moins une constellation du plan français du 1er degré. Ces constellations sont des groupes d’une petite dizaine d’enseignants qui se retrouvent 5 à 6 fois par an pour travailler ensemble sur une difficulté partagée dans l’enseignement du français, dans une logique de lesson study. Ce concept est présenté ici et se déroule en 6 étapes :

  1. Choix du sujet d’enseignement ;
  2. Étude de ce sujet ;
  3. Planification ;
  4. Mise en œuvre et observation ;
  5. Débriefing ;
  6. Diffusion.

En amont de la rencontre, j’avais travaillé avec les organisatrices pour identifier les « points de blocage » que rencontrent les participants afin d’être au plus proche du réel. Il est vite apparu que l’engagement des participants dans le dispositif était une difficulté récurrente et que cela pouvait être un bon « cas d’étude » pour notre demi-journée.

2 – L’apprentissage expérientiel

L’apprentissage expérientiel a été conceptualisé par David Kolb et peut se présenter comme suit.

Il faut noter que la phase d’analyse est une relecture de ce qui s’est passé alors que la phase de généralisation est la confrontation avec d’autres points de vue : ce que dit la recherche, des échanges entre pairs, …On peut tout de suite remarquer le lien fort entre cette stratégie d’apprentissage et les lesson studies.

La vidéo ci-dessous présente ma vision des choses sur l’intérêt et la mise en œuvre en classe et dans une logique d’apprentissage tout au long de la vie.

Ainsi, le sujet de travail pour cette demi-journée était « l’engagement des participants dans une formation de type constellation » et la forme suivait la démarche de l’apprentissage expérientiel. Nous avons alterné des temps en petits groupes (pour chaque question) et des temps de synthèse collective pour capitaliser les contributions de chaque groupe et permettre quelques réactions.

3 – Première partie : le point de vue du formateur

a) Quels comportements permettent d’identifier ce comportement négatif ?

Il est important d’être vigilent à ces différents signes pour pouvoir s’ajuster au plus vite et adopter la posture qui nous semble la plus adaptée. Voici donc une liste des signes identifiés : bras croisés, utilisation du téléphone, éléments de discours, silence, autres occupation (correction de copies, de cahiers), absence, retard, départ anticipé, manteau conservé, pas de prise de note, pas de regard, retrait  »physique’ par rapport au groupe, humour déplacé, résistance à la démarche (« je veux des conférences de chercheurs »), soupirs, lever les yeux au ciel, changement de sujet (avec un sujet périphérique qui devient principal), discours contre l’institution, bavardage, regroupement physique des réticents.

remarque : Les différentes listes présentées dans cet article ne visent pas l’exhaustivité, ce sont les contributions des participants. Celle-ci permet quand-même de repérer un bon nombre d’éléments d’alerte.

b) Comment je me suis senti ?

Ces éléments d’alerte ne sont pas qu’externes, on peut aussi en ressentir intérieurement, ils sont aussi à identifier. Je me suis senti : agressé, diminué, vexé, isolé, en alerte, irrité, en colère, remis en question dans ma professionnalité, visé personnellement, déstabilisé, démuni, interrogatif, résigné, compréhensif, stimulé, challengé, partagé (partir ou rester ?).

Il me semble particulièrement intéressant de repérer que si les formateurs se sentent majoritairement blessés et agressés, il est aussi possible de s’appuyer sur ces réactions pour en tirer de l’énergie (stimulation, challenge).

La verbalisation de ces différentes émotions devrait permettre d’y être plus attentif une prochaine fois, de mieux les identifier et, si possible, retourner cette énergie en positif.

c) Comment j’ai réagi ?

Il est maintenant temps de partager comment chacun a réagi dans cette situation. Cela permet, personnellement, de clore la phase d’analyse et, collectivement, d’engager la phase de généralisation.

  • S’appuyer sur son capital sympathie ;
  • Feindre l’indifférence ;
  • Chercher dans ma « bibliothèque de stratégies » ;
  • Poser un cadre clair au départ, logique de contrat par rapport aux attitudes indésirables (manger, téléphone, …) ;
  • S’appuyer sur l’humour ;
  • Lâcher prise : prendre le temps avant de juger, compréhension, écouter le groupe ;
  • Prendre des notes pendant les échanges pour rebondir sur ce qu’ils disent et les valoriser ;
  • Aller dans du contenu pour gagner en légitimité. Cela nécessite d’être confiant dans les apports que l’on va faire qui doivent être solides, penser à nourrir le groupe ;
  • Créer les conditions de l’écoute.

On peut classer ces différentes modalités d’action en 2 catégories : d’une part, celles qui peuvent être anticipées et qui vont permettre de poser un cadre, de créer les conditions de l’écoute ; et d’autre part, celles qui se décident dans l’instant et que l’on va choisir dans notre bibliothèque de stratégies. La phase de transfert correspond ainsi à la préparation de tout ce qui semble pertinent d’anticiper et de se construire ce catalogue de stratégies, à choisir « au débotté ».

4 – Deuxième partie : le point de vue du participant

a) Quels sont les freins ?

Nous abordons maintenant le même sujet en changeant de point de vue. Cela nous permettra d’adopter un autre cheminement, complémentaire au précédent. Les freins identifiés chez les participants sont importants à identifier pour pouvoir les anticiper. Voici ceux que nous avons répertoriés : Les préoccupations extérieures à la constellation / au travail, les horaires, le lieu, le sentiment du travail non reconnu (cela vient se surajouter à tout le reste), les résistances à l’égard de l’institution, le contenu ‘imposé’ (Français ou Maths et pas climat scolaire ou différenciation, …) la peur de s’exposer au groupe, peur des visites croisées, peur de travailler ensemble, en équipe, l’ancienneté de la personne, le côté infantilisant de la formation, les désaccords entre pairs, le mauvais feeling avec le formateur, avec ‘leur histoire de formation’, l’image du conseiller pédagogique perçu comme l’œil de Moscou, la disponibilité intellectuelle (charge mentale) après une journée de classe, les formations sur temps scolaire sont ‘plus porteuses’, la posture du directeur qui n’a pas été pensée dans la constellation, les visites croisées imposées, la question du remplacement.

Comme on peut le constater, cette étape d’analyse permet d’identifier de multiples freins et le formateur n’a malheureusement pas prise sur tous…

b) Comment rassurer et donner envie de s’engager ?

Après avoir identifié les freins, il va falloir chercher à les lever. Voici les propositions qui sont sorties des différents groupes lors de cette phase de généralisation :

  • Être explicite sur le cadre, les attentes, les rôles, que le contrat soit clair.
  • Anticiper sur ce que l’on va donner comme contenu, sur ce qu’on va faire la fois suivante, rappeler par un mail, envoyer des bilans, utiliser des outils numériques pour documenter, capitaliser, …
  • L’idée de contrat est primordiale : tout le monde est engagé (droits et devoirs).
  • Recueil des besoins des enseignants sur leurs attentes.
  • Montrer l’intérêt de la constellation : prendre le temps pour construire sur un point bien précis.
  • Le temps long qui peut paraître un frein est mis à profit pour construire dans la durée. C’est profitable.
  • Penser la différenciation entre les collègues (niveau d’expertise) pour que tout le monde y trouve son compte : ancien maître formateur qui est associé (pour son expertise), content de partager ce qu’il savait, content d’observer des enseignants experts. Un réel point d’appui pour mettre en valeur les geste pro des enseignants.
  • Penser le matériel comme indicateur de ce qui va se passer (c’est rassurant).
  • Penser l’enrôlement du directeur.
  • Le formateur mène la première séance de visite croisée pour libérer les participants.
  • Le cadre est présent mais il offre une certaine liberté ! Choix de ce qui va être mis en œuvre, dans l’organisation, …
  • Logique de co-construction : impliquer tous les participants dans un travail collectif, une dynamique de groupe.
  • Prendre les notes pour donner des bonnes conditions, montrer le sérieux du formateur pour libérer les participants des aspects matériels.

La grande majorité des pistes proposées touchent au cadre que le formateur met en place, aussi bien au niveau de l’organisation matérielle et temporelle que sur la prise en compte des réalités de chaque participant.

c) Que mettre en place ?

L’objectif est maintenant d’identifier ce que l’on peut mettre en place concrètement pour formaliser ce cadre. Il était prévu de travailler sur une charte de la constellation mais nous n’avons malheureusement pas pu mener ce dernier temps… Les organisatrices de la rencontre devraient pouvoir organiser un temps de travail en ce sens ultérieurement.

Il était aussi possible de travailler sur les observations croisées en identifiant des observables intéressants et mettre en place des grilles d’observation.

5 – Des éléments complémentaires

Durant chaque temps de travail en groupe, il était proposé à un participant d’être observateur. Nous prenions 2 minutes ensemble pour identifier un objet d’observation : l’ambiance générale, l’organisation de la prise de parole, l’écoute, la prise de note, … L’observateur faisait un petit compte-rendu à la fin du temps de travail.

Deux participantes m’ont interpelé sur le vocabulaire que j’utilisais qui était plus du domaine affectif que professionnel (« rassurer » plutôt que « sécuriser »). Je trouve cette remarque très pertinente. Je ne fais pas toujours attention au vocabulaire que j’utilise et j’apprécie ce retour précis et professionnel. Il va falloir que j’y veille pour mes prochaines interventions.

Enfin, j’ai repris une idée de François Muller en proposant qu’une personne note « les 10 bonnes idées » identifiées lors de cette demi-journée. Les voici :

  1. Mettre en place un contrat de communication ;
  2. Pour une mise en commun « démocratique » : une idée par groupe, pour permettre à tous les groupes d’échanger en respectant les tours de parole
  3. Bluffer : des formateurs qui font croire aux enseignants qu’ils sont « engagés » (par exemple : tout le monde a répondu au questionnaire ou partager des expériences de classe non vécues)
  4. Poser des observateurs avec une focale
  5. Laisser aller l’atmosphère, d’une certaine manière, lâcher prise sur la forme de l’animation
  6. Après la collecte, le formateur qui souligne des points importants (les mots en gras dans le texte de cet articles). Cela renvoie au groupe un éclairage, redynamise
  7. Chercher en individuel puis collectif
  8. Donner des rôles dédiés aux réfractaires
  9. Garder les bonnes idées
  10. Soutenir le discours avec des images : ça peut apporter de l’humour, de la provocation, de la poésie…

Voilà, vous savez tout sur cette intervention qui fut un réel plaisir à animer, tant le groupe était enthousiaste, dynamique et pertinent.
Merci Stéphanie et Yasmina de m’avoir fait signe, à une prochaine fois !

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Les pratiques collaboratives au service de apprentissages

L’inspection générale vient de sortir un rapport sur les pratiques collaboratives qui semble en phase avec les démarches et valeurs portées par ce blog depuis plus de 15 ans … réjouissons-nous ! Il est accessible ici

Voici la liste des préconisations pour développer les pratiques collaboratives de manière efficace et durable.

Recommandation n° 1, à destination des enseignants

En s’appuyant sur la recherche et la formation (notamment entre pairs), professionnaliser dans sa classe l’organisation des apprentissages coopératifs :

  • choisir des moments opportuns centrés sur les notions à acquérir ;
  • mettre en place des activités, des projets et des modalités de travail rigoureusement structurés, de l’amont à l’aval ;
  • mettre en place des modalités de travail fondées sur l’interdépendance positive, visant l’engagement actif de chacun et une interaction fructueuse ;
  • développer les habiletés coopératives des élèves ;
  • expliciter les apprentissages aux élèves, en amont et en aval.

Recommandation n° 2, à destination des chefs d’établissement et des équipes de direction

2.a. Faciliter, structurer et organiser les pratiques collaboratives au service des apprentissages entre enseignants :

  • organiser des temps d’échange collaboratifs entre pairs en réservant des temps spécifiques dans les emplois du temps ;
  • passer du partage informel d’informations à la mise en œuvre collective animée et organisée en :
    • faisant prendre conscience des limites des organisations informelles,
    • structurant la circulation de l’information par des outils adaptés,
    • mobilisant et clarifiant l’usage dédié du numérique (ENT, plateformes collaboratives…).

2.b. Faire connaître les retombées positives des pratiques collaboratives sur le bien-être à l’école et les apprentissages des élèves :

  • identifier, reconnaître et valoriser les compétences acquises lors de projets collaboratifs : se saisir des documents existant dédiés à l’évaluation (bulletin, livret de compétences, etc.) et de ceux accompagnant les parcours éducatifs (portfolios du PEAC, fiche avenir, etc.) ;
  • informer les parents sur les pratiques coopératives, les associer aux projets de l’unité éducative et les intégrer à certaines actions.

Recommandation n° 3, à destination des autorités académiques et nationales

3.a. Former à et par la coopération de la formation initiale à la formation continue, en lien avec la recherche :

  • inscrire des temps collaboratifs de formation dans les formations des professeurs stagiaires et les former au travail coopératif ;
  • développer la formation continue entre pairs (de type lesson studies, « constellations », communauté d’apprentissage…) ;
  • renforcer les liaisons inter degrés autour de la question des pratiques collaboratives afin d’éviter les ruptures ;
  • former les professeurs à varier les démarches pédagogiques en les sensibilisant au rôle de l’interaction et des compétences socio-comportementales dans les apprentissages.

3.b. Faciliter et encourager le développement du travail collaboratif dans les écoles et les établissements :

  • renforcer l’action des cellules « bâti scolaire » des académies, notamment par la production de ressources documentaires sur les agencements d’espaces favorables aux pratiques collaboratives ;
  • impliquer les référents numériques et la délégation académique au numérique éducatif pour aider les équipes éducatives à la recherche de solutions numériques facilement accessibles, techniquement légères, rapidement efficaces ;
  • accompagner une dynamique académique de proximité autour des pratiques collaboratives : développer un réseau de professeurs ressources ou de référents ;
  • intégrer un état des lieux explicite du travail collaboratif des équipes dans les étapes du processus d’évaluation des établissements.

Ce que Prodageo peut apporter au débat …

Il est très positif que ces questions soient abordées, débattues et portées au niveau national. Voici une recension d’articles de ce blog en lien avec ces propositions :

Affaire à suivre …

pédagogie ouverte

Choisir une activité pour une formation accompagnée

Vous devez mettre en place une formation hybride ou totalement à distance et vous ne savez pas trop quelles activités choisir. Voici quelques pistes et réflexions en fonction des objectifs que vous poursuivez.

Remarque : cet article est à l’origine une entrée du wiki m@gistère, cela explique que nombres de liens pointent vers cet espace.

1 – Donner du rythme à votre formation

Cela s’obtient avec des rendez-vous réguliers et deux pistes sont à envisager

a) Les rencontres synchrones

Vous pouvez envisager cela entre 1 fois par semaine et 1 fois par quinzaine. Ces rencontres synchrones sont des temps très attractifs et stimulants pour les participants, à condition d’être animées et scénarisées. Elles peuvent être utiles pour donner du rythme en proposant :

  • Une synthèse des activités passées,
  • Le lancement des activités à venir,
  • Des temps de travail en groupe,
  • L’intervention d’un ‘spécialiste’ pour apporter du contenu ou d’un témoin pour un retour d’expérience.

Il faut s’assurer que les participants peuvent se libérer :

  • Informer des dates et horaires bien à l’avance,
  • Ne pas toujours placer ces rencontres sur les mêmes plages horaires pour ne pas pénaliser toujours les mêmes classes (spécifique 2D),
  • Envoyer des ordres de missions aux participants pour qu’ils puissent se libérer.

Trois outils sont envisageables pour mettre en place ces rencontres synchrones :

  • BBB : outil adapté pour des temps plutôt ‘magistraux’
  • VIA : outil adapté pour des temps interactifs (avec les sondages, le tableau blanc collaboratif et les ateliers). On peut aussi utiliser VIA pour des temps ‘magistraux’
  • Chat : utile pour créer des temps d’échanges à plusieurs. Il faut un animateur-régulateur pour poser des questions et réguler les échanges.

b) Le forum des annonces

Un forum peut être efficace pour donner du rythme à une formation. Pour cela, il faut planifier les besoins de communication pour que les messages partent toujours les mêmes jours. On peut prévoir 1 ou 2 messages par semaine, (si vous voulez une base de 2 messages par semaine, vous pouvez, par exemple les envoyer le lundi et le jeudi). Cela nécessite de prévoir un tableau partagé entre les différents formateurs pour noter toutes les informations à transmettre dans chaque message. Ce tableau peut être très simple et regrouper la date de publication, le contenu à proposer et le responsable de ce message. Cette planification collective permet de faciliter le travail d’accompagnement et de créer un ‘rendez-vous’ régulier avec la formation.

Quelques conseils :

  • Un message par semaine peut être un bon compromis entre la quantité d’informations à transmettre et l’avalanche de messages reçus par les participants.
  • N’hésitez pas à varier les modalités de communication : vous pouvez très bien ne pas vous limiter à du texte et envoyer un message audio ou vidéo. Voici par exemple une série de gazettes vidéos pour une formation de formateurs

2 – Les différentes activités que vous pouvez proposer dans votre parcours

a) Apporter des notions ou des connaissances

il est souvent utile de proposer quelques ressources dans votre parcours pour apporter du contenu. Ces ressources doivent être choisies et en nombre limité pour ne proposer que ce qui est juste utile. Ce n’est pas au participant de faire le tri mais à vous de lui faciliter le travail en limitant la sélection des ressources aux ‘essentielles’. Il est préférable que chaque nouvelle ressource soit présentée : quel est son contenu, combien de temps faut-il y consacrer, quelle ‘pertinence’ par rapport aux objectifs de la formation.

Pour aider les participants à identifier et s’approprier les points essentiels du contenu présenté, il est pertinent de mettre en place un questionnaire de compréhension et/ou mémorisation.

b) Questionner les participants

Le questionnement individuel

Si vous souhaitez mettre en place un questionnement ‘simple’ pour une mise en application directe d’une notion ou une aide à la mémorisation, cela ne suscite pas d’interactions entre participants,. L’activité doit alors être courte et peut prendre des formes variées. Vous pouvez utiliser les outils suivants :

Le questionnement collectif

Vous pouvez aussi envisager de proposer des questionnements sur des pratiques, des retours d’expériences, des représentations. Dans ce cas, il est intéressant que cela se vive comme une discussion de groupe. Les outils suivants sont alors utilisables :

Le questionnaire qui permet de voir les réponses des autres après avoir répondu mais ne permet pas de réagir. Il peut être anonyme.

Le forum qui permet de voir les réponses des autres soit à priori, soit après avoir répondu, selon la configuration. Il ne peut pas être anonyme mais permet toujours de répondre aux contributions des uns et des autres.

c) Capitaliser des contributions

Il est souvent tentant de vouloir capitaliser des contributions de participants pour les mutualiser. Plusieurs outils sont à votre disposition suivant l’exploitation que vous souhaitez en faire :

  • L’atelier : pour organiser une lecture croisée entre pairs
  • La base de données : pour capitaliser et les contributions et faciliter la recherche selon des critères prédéfinis
  • Le dossier partagé : pour mettre dans un ‘pot commun’
  • La contribution (appelée devoir, sous moodle): où seuls les formateurs voient les documents déposés

Point de vigilance sur l’engagement des participants

Il est important de garder en tête que plus ce que vous demandez est personnel (scénario pédagogique, séquence, …), plus cela expose le participant et moins vous risquez d’avoir de retours. Ainsi, il est souvent plus efficace de demander aux participants de partager une ressource qu’ils ont trouvée sur internet plutôt qu’une ressource qu’ils auraient construite, ou de réagir à une ressource proposée (à travers un forum). Dans ce dernier cas, l’analyse d’une production externe permet, en miroir, de réfléchir sur sa pratique professionnelle

L’atelier, une activité très pertinente

L’atelier est une activité qui se déroule en deux temps :

  1. une capitalisation des contributions
  2. une lecture croisée

Le temps de lecture croisée permet à chaque participant d’accéder à plusieurs ressources partagées par les pairs, de les analyser et d’inciter à réfléchir sur ses pratiques. De plus, ceux qui ont partagé leur contribution reçoivent des rétroactions qui peuvent être très riches.

d) Produire à plusieurs

Il est compliqué de produire collectivement totalement à distance quand on ne connaît pas bien les autres participants. Cependant, dans le cadre d’une communauté de pratique ou d’apprentissage, où le parcours est jalonné de rencontres (par exemple si vous animez une constellation), m@gistère peut vous aider à produire à plusieurs. Voici des outils qui pourront alors vous être utiles :

  • VIA ou BBB pour mettre en place un temps de rencontre et d’échange synchrone à distance
  • Etherpad (genre de bloc note collaboratif) pour prendre des notes et structurer un document commun
  • Document collaboratif (basé sur Collabora, suite office en ligne) pour finaliser la mise en forme du document
  • Sticky notes pour recenser les idées, les points à aborder, …

3 – Et si la formation se déroule en autonomie ?

Courez lire l’article précédent qui traite de ce sujet … 😉

Bilan d’une formation en ligne

Nous avons organisé l’année dernière une formation de formateurs en ligne avec plusieurs cohortes dont deux avaient plus de 600 inscrits. Il nous a semblé intéressant de relire ces expériences et de formaliser un peu ce retour. Voici donc une vidéo-bilan de ce que l’on en a retiré qui aborde les points listés ci-dessous :

  • Rappel du contexte et de l’enjeu
  • Des questions sur la scénarisation
  • Le parcours de l’apprenant
  • L’organisation tutorale
  • Des gazettes vidéos pour tisser des liens
  • Forum ou questionnaire : une question d’engagement
  • Prendre en main magistère : une proposition
  • Quelle activité pour travailler la scénarisation ?
  • Comment aider à prendre du temps ?

Tous ces points sont abordés dans la vidéo ci-dessous (14’50)

Le scénario de la formation réalisé avec l’outil Learning designer de l’UCL (de Londres, pas de Louvain 😉 ) est accessible en ligne.

scénario de la formation

N’hésitez pas à apporter vos remarques, vos demandes d’explicitation ou d’explication sur certains points, si nécessaire…

En vous souhaitant une excellente année 2022 !

Retours d’expérience et apprentissages

Les retours d’expérience sont souvent utilisés par les organisations pour aider les collaborateurs à monter en compétence. Il peut être intéressant de se questionner sur l’efficacité de ces pratiques et les modalités les plus pertinentes pour les organiser. Voici donc quelques éléments de réflexion en m’appuyant sur l’article de recherche « Les retours d’expériences dans la gestion de situations critiques » par Anne-Lise Marchand qui s’appuie sur des entretiens avec des pilotes d’avion et navigateurs.

1 – Contexte de l’étude

Cette étude s’attache a mettre en exergue l’utilité et l’efficacité des différents types de retour d’expérience dans des situations critiques. Elle s’est appuyée sur des entretiens avec des pilotes et navigateurs de l’armée de l’air autour de situations critiques afin d’identifier les connaissances sollicitées pour agir.

Il est souhaitable que la majorité des enseignants ne soient pas confrontés à des situations aussi critiques dans leur quotidien professionnel. Cependant, même si le niveau de stress n’est pas aussi élevé, il semble raisonnable d’étendre cette étude aux situations critiques ‘courantes’ des enseignants (perte d’autorité, de légitimité, gestion d’indiscipline grave ou de violence, etc.), surtout pour les jeunes collègues.

« Lorsqu’un individu est confronté à une situation de résolution de problème, il raisonne à un niveau de contrôle cognitif où il doit élaborer une nouvelle stratégie à partir des ressources qu’il a à sa disposition pour résoudre le problème posé. » Dans cette logique, l’auteure cherche à identifier si des retours d’expériences sont des ressources mobilisées dans les situations critiques.

2 – Éléments caractéristiques d’un retour d’expérience

L’article d’Anne-Lise Marchand propose plusieurs éléments pour caractériser un retour d’expérience : l’origine de l’épisode, l’objectif visé du retour d’expérience et le type de savoirs que l’on en ressort.

Il y a trois origines repérées :

  • Individuelle, c’est à dire issue de la confrontation directe de l’individu avec des événements imprévus ;
  • Collective, où le retour d’expérience est présenté de façon plus ou moins formelle par un pair ;
  • Organisationnelle, quand les retours d’expérience sont capitalisés dans une base de données.

De même un retour d’expérience peut viser trois objectifs distincts et complémentaires :

  • L’analyse d’événements spécifiques, on parle alors de retour d’expérience événementiel ;
  • La mise en valeur de pratiques positives pour les retour d’expérience positif ;
  • La détection d’événements précurseurs pour les retours d’expérience à signaux faibles.

Enfin, il peut ressortir de ces retours d’expérience trois types de savoirs :

  • Les savoirs analytiques qui permettent de caractériser la situation afin de mieux diagnostiquer le problème ;
  • Les savoirs procéduraux sur les actions réalisées et leur effet ;
  • Les savoirs réflexifs qui correspondent aux connaissances sur l’état de la personne durant la situation critique.

L’analyse des résultats quantitatifs de l’étude peut se présenter avec ce graphique qui présente le nombre de savoirs identifiés de chaque type dans les retours d’expérience mobilisés lors d’un entretien où les personnes interrogées relataient une situation critique, selon leur origine.

Synthèse quantitative des savoirs identifiés selon l’origine des retours d’expérience mobilisés

3 – Quelles sont les conclusions de l’étude ?

Les solutions proposées pour les 24 épisodes évoqués ont été évaluées par les sujets comme efficaces pour 14 épisodes et inefficaces pour 8 épisodes (deux des épisodes ne présentant pas de solution).

Les retours d’expérience collectifs apportent en moyenne 11 savoirs et les individuels 9. Ces deux types de retours d’expérience sont souvent mobilisés.

Les retours d’expérience organisationnels sont très peu mobilisés. L’auteure indique que cela est dû à la difficulté d’indexer de façon efficace une telle ressource pour pouvoir l’identifier facilement par la suite.

L’auteure a conscience de plusieurs biais dans l’étude : les données exploitées sont déclaratives et issues d’interviews à postériori et non pas pendant la situation de crise.

4 – Que pourrait-on en tirer pour la formation des enseignants ?

  • Cette étude identifie que les retours d’expérience sont des matériaux mobilisables dans les situation de crise et peuvent ainsi être un moyen de se ‘construire une expérience par procuration’. Il semble cependant important qu’ils soient précédés par un temps d’analyse réflexive de l’épisode pour en identifier les éléments significatifs le plus précisément possible.
  • La grille de lecture selon les 4 dimensions « caractérisation de la situation / événements précurseurs / pratiques / évaluation du résultat » peut permettre de mettre en exergue les éléments structurant de l’épisode et faciliter son appropriation et son transfert. L’émission de France Culture Superfail présente ainsi des ‘ratés’, des ‘erreurs’ en analysant le contexte, les actions menées et les conclusions à tirer ou les pratiques efficaces…
  • La capitalisation de tels retours d’expérience pour une mise à disposition ‘libre’ ne semble pas efficace. Cependant, une captation vidéo de ces témoignages pourrait s’avérer utile pour un usage en formation, sans mobiliser le témoin régulièrement.
  • L’analyse réflexive de sa propre pratique est aussi très efficace pour se construire son expérience et des schèmes opératoires, que ce soit au cours d’entretiens d’explicitation, ou de séances d’auto-confrontation.

Ces retours d’expérience semblent très utiles et sont souvent très appréciés des enseignants. C’est une stratégie efficace pour les outiller et les préparer aux situations aux limites (voire en dehors) de leur zone de confort. Ainsi, les formations des nouveaux enseignants, mais aussi des nouveaux formateurs et des accompagnateurs de constellations pourraient avantageusement s’appuyer sur de tels retours d’expérience pour les outiller efficacement et rapidement. De plus, les 5 focales de Roland Goigoux peuvent permettre d’identifier les éléments pertinents pour construire un tel retour d’expérience.

Les 5 focales de Roland Goigoux

5 – Pour aller un peu plus loin …

Il me semble que cette activité mentale qui consiste à exploiter l’expérience d’autrui rapportée lors de retours d’expérience vient s’imbriquer dans le modèle MADDEC proposé par Jean-Claude Coulet qui définit 3 boucles de rétroactions comme présenté ci-dessous. Ainsi les retours d’expérience de pairs viennent enrichir la ‘base de connaissance’ personnelle utile et nourrir les formes de régulation, au même titre que les feedbacks personnels issus des tâches antérieures réalisées.

Les 3 boucles de rétroactions (courte, longue, changement de schème)
Le modèle MADDEC de JC Coulet

Quantifier l’intensité des interactions dans un collectif

On m’a récemment fait connaître le travail mené par Claire Lambert-Louis pour son CAFFA sur l’analyse d’un collectif d’enseignants. Dans ce mémoire, l’auteur présente un outil pour quantifier l’intensité des interactions qui m’a particulièrement intéressé et j’ai essayé de voir comment on pouvait triturer l’outil pour en tirer des informations. Voici donc quelques pistes pour pousser la réflexion …

1 – Présentation de l’outil utilisé

L’outil utilisé est une adaptation du travail de JF Marcel et A. Murillo présenté dans Analyse du fonctionnement de collectifs enseignants : propositions méthodologiques. Il s’appuie sur une évaluation personnelle de l’intensité des interactions avec chaque membre du collectif grâce à une grille à 5 niveaux :

  • 0 : Aucune collaboration
  • 1 : Collaboration faible (discussions informelles, peu d’échanges)
  • 2 : Collaboration moyenne (quelques échanges de documents, d’idées, d’outils…)
  • 3 : Collaboration forte (échanges fréquents de documents, d’idées, d’outils…)
  • 4 : Collaboration très forte (co-construction de documents, échanges fréquents de documents, d’idées, d’outils)

Les retours des différents participants sont capitalisés dans une matrice, reproduite ci-dessous. Pour simplifier l’exploitation, j’ai renommé les 15 participants avec des lettres, de A à O.

Matrice d’évaluation des interactions entre participants d’un collectif enseignants

C. Lambert-Louis, dans son mémoire fait une analyse des écarts d’appréciation de la collaboration. Ainsi, K évalue la collaboration avec G comme très forte (4), alors que G l’évalue comme faible (1). C’est le plus gros écart et le seul cas où il y a un tel écart entre deux participants.

Voyons comment pousser un peu plus loin l’exploitation de ces données.

2 – La perception globale des interactions

Le premier élément qui m’a intéressé a été de comparer les lignes (ma perception des interactions avec les autres) et les colonnes (la perception des autres sur les interactions avec moi) en faisant la somme des valeurs de chaque ligne et chaque colonne. Si on trouve une moyenne identique (et c’est normal), l’écart type est sensiblement différent. La courbe ci-dessous montre les deux perceptions pour chaque personne.

Ainsi, on constate souvent un écart significatif de perception des interactions selon qui les observe. On pourrait imaginer qu’un observateur extérieur aurait peut-être une vision encore différente de ces interactions.

3 – Le nombre de relations

Pour aller plus loin, il peut être intéressant de comparer aussi le nombre de personnes avec qui chacun est en relation. En regardant la matrice d’origine, et comme vu précédemment, la perception des relations n’est pas symétrique. J’ai donc voulu créer une nouvelle matrice ne répertoriant que 3 niveaux :

  • 0 : pas de relation ;
  • 1 : relation unidirectionnelle, non identifié par l’une des personnes ;
  • 2 : relation bidirectionnelle, identifiée par les deux personnes.

Ce filtrage a permis de repérer le nombre de partenaires identifiés par chacun et de construire la courbe ci-dessous

On constate une grande diversité dans l’étendue des relations de chaque personne. Certains participants ont des profils très marqués :

  • E et I sont en relation avec tous les autres acteurs, quitte à ne pas être reconnu ;
  • A, L, M et N « ne perçoivent pas » les interactions émanant d’autres personnes quand ils ne s’impliquent pas, eux-aussi dans la relation (Cela n’est sans doute pas généralisable à toutes les situations et tous les contextes pour ces personnes …)

4 – La qualité des relations

Des deux données précédentes, il semble naturel de chercher à quantifier la qualité des relations en divisant la perception globale par le nombre d’interactions. Encore une fois, il faut faire la distinction entre ce que chacun perçoit personnellement et ce que les autres perçoivent à mon sujet. Voici les deux courbes qui ressortent

6 personnes se démarquent (E, G, I, K, L et O) par une qualité d’interaction perçue, par eux et/ou par les autres, sensiblement plus haute que la moyenne (qui vaut 1,72). Nous les retrouverons par la suite …

5 – Les relations bidirectionnelles

Les relations unidirectionnelles (non perçues par l’une des personnes) sont majoritairement de niveau 1 (discussion informelle, peu d’échange), voire de niveau 2 (quelques échanges de documents, d’idées, d’outils). Il m’a semble plus intéressant de me concentrer sur les relations bidirectionnelles et de calculer la moyenne de l’indicateur de qualité de la relation perçue par les deux interlocuteurs.

A partir de ce tableau, il semble intéressant de construire un graphe des relations entre les différents acteurs. Le voici :

Graphe des relations bidirectionnelles

Ce graphe met en avant l’intensité des interactions entre 6 participants : E, G, I, K, L et O. Ce sont les 6 personnes qui avaient une qualité d’interaction perçue supérieure à la moyenne. Ils forment un groupe dynamique avec un certain équilibre, c’est le noyau du collectif.

  • L est exclusif avec le noyau (il n’a pas d’autres relation bidirectionnelle) ;
  • G et K sont majoritairement en relation avec le noyau, ils ont quand même quelques relations d’ouverture ;
  • O, I et E sont à la fois impliqués dans le noyau et des passeurs avec les autres participants.

On remarque aussi la présence de nœuds de communication : I, N et O (qui ont 9 relations bidirectionnelles ou plus), et dans une moindre mesure, C, E, G et J (qui en ont 7).

6 – En conclusion

L’exploitation et l’analyse de ces données est personnelle et je ne sais pas quelle est leur validité, n’ayant que peu de connaissances dans le sujet. Cela m’a cependant semblé intéressant de creuser l’exploitation d’un tel jeu de données pour voir ce que l’on pouvait en tirer et comment on pouvait le mettre en valeur.

Toutes les pistes présentées ne me semblent pas aussi intéressantes. Je pense que le graphe final est la représentation la plus riche par la mise en avant des nœuds de communication et du noyau du collectif.

Voici le fichier tableur utilisé pour réaliser ce travail.

Le graphe des interactions bidirectionnelles a été réalisé manuellement, je n’avais pas envie de me casser la tête à le faire générer par la machine …

N’hésitez pas à apporter vos remarques pour avancer sur le sujet, je suis preneur.

Merci à Claire Lambert-Louis pour son travail inspirant, bravo pour le CAFFA et bonne continuation ! 😉

Continuité pédagogique V2 : quelques réflexions

La situation sanitaire actuelle incite à penser que la COVID-19 va créer des situations d’enseignements très diverses et parfois compliquées. Il peut être judicieux de profiter du temps que l’on a encore devant nous pour penser une organisation la plus pertinente possible, en nous appuyant sur l’expérience que nous avons maintenant. Voici quelques réflexions personnelles, dans une logique de ‘document martyre’ à amender pour aider à anticiper les différentes situations et organisations possibles… N’hésitez pas à réagir et apporter votre point de vue, tout apport constructif est bienvenu !

1 – Des principes généraux

Il semble normal de s’appuyer sur le fonctionnement ‘normal’ des établissements dans un cas d’une épidémie de grippe ou gastro : comment s’organise alors la continuité pédagogique ?

Les enseignants et chefs d’établissements attendent des directives supportables technologiquement, humainement et dans la durée. Ainsi la continuité synchrone avec caméra dans la classe fait porter une charge cognitive très importante sur l’enseignant et peut être très anxiogène. Si elle peut être envisageable, il peut être compliqué de la préconiser.

a) Les besoins d’un élève à distance

Un élève à distance peut être dans des conditions de travail compliquée : par rapport à l’ambiance de travail, à l’accès aux outils numériques et à internet. (cf. ici et ) Voici un récapitulatif de ce que l’institution scolaire peut apporter :

  • Un cadre favorable :
    • l’établissement peut intervenir pour prêter du matériel.
      Il était question de constituer une flotte de matériel de prêt au niveau académique et/ou national. Ce serait utile pour les élèves du 1er degré. Je ne sais pas où l’on en est.
    • Il était question d’accompagner les élèves pour la connectivité internet. Je ne sais pas où l’on en est.
    • Cette continuité doit être orientée vers le confort de l’élève : il est ainsi souhaitable que tous les enseignants utilisent les mêmes outils pour faciliter la vie de l’élève.
  • Un accompagnement pédagogique (cognitif, motivationnel, des consignes claires)
  • Un lien social (avec ses camarades et l’institution)
  • Un accompagnement médico-social, si besoin.

b) L’organisation de la continuité pédagogique pour répondre à ces besoins

L’organisation de la continuité est plus large que la question pédagogique et peut se prolonger jusqu’à la continuité affective et médico-sociale.

Il est de la responsabilité du chef d’établissement de coordonner cette continuité dans toutes ses dimensions : choix des outils communs, des modalités de communication, du rythme des échanges en classe virtuelle.

A minima, doivent être définis :

  • Un espace unique de dépôt des ressources pédagogiques : documents mis à disposition des élèves, résumés de cours, … Cet espace doit être accessible par toute la classe et organisé par discipline, par exemple en s’appuyant sur l’ENT (Cahier de texte, rubrique, …) A ce titre, il paraît important de spécifier ce qui se fait en classe (contenu de séance) et ce qui se fait hors classe (travail à faire). Quand la classe est fermée, il n’y a plus de travail en classe (contenu de séance), tout le travail se fait hors classe (travail à faire).
  • Les modalités de communication asynchrone entre enseignants et élèves : quel outil de messagerie utiliser ?
  • Les modalités de communication synchrone entre enseignants et élèves : classe virtuelle, téléphone, …

Les outils institutionnels sont à privilégier : ENT, classe virtuelle du CNED, …

2 – Propositions pour l’organisation de la continuité pédagogique

a) Quelques recommandations générales

  • Il est conseillé aux enseignants de s’appuyer le plus possible sur les ressources existantes (manuels scolaires, papier ou numérique) pour les apports de connaissances et les supports pour les activités (exercices, études de documents, …). En plus de ces ressources, si nécessaire, l’enseignant peut transmettre ‘l’essentiel du cours’ (ou ‘ce qu’il faut retenir’) et les consignes pour les activités à réaliser.
  • Les activités doivent être proposées en avance pour laisser à l’élève le temps de s’organiser en fonction des contraintes matérielles et organisationnelles de la famille.
  • Pour aider les élèves à s’organiser, il est important d’être très clair dans la progression pédagogique en précisant :
    • la chronologie des étapes ;
    • les ressources à utiliser à chaque étape ;
    • le temps que l’élève doit accorder à chaque activité.
  • Il peut être utile de proposer des éléments d’autoévaluation (grille ?) pour aider l’élève à évaluer son travail : c’est un élément fort de motivation et de régulation personnelle dans ses apprentissages.
  • La continuité pédagogique doit s’appuyer sur la complémentarité des échanges synchrones et asynchrones.

b) Situation où un ou plusieurs élèves sont en quarantaine

Les enseignants peuvent échanger par messagerie avec les élèves (un à deux messages par semaine suffisent pour conserver le lien disciplinaire et motivationnel) pour informer des travaux à réaliser, apporter une rétroaction sur les travaux remis, soutenir la motivation, …

Il serait intéressant de désigner un enseignant référent ‘absents’, pour échanger une fois par semaine de façon synchrone (classe virtuelle ou téléphone, 1h par semaine devrait suffire) avec les absents pour faire le lien méthodologique et organisationnel. Ce référent est le contact privilégié de ces élèves et partage à l’équipe pédagogique les fruits des échanges (difficultés rencontrées, notions non comprises, …). Il est intéressant de prévoir ces temps avec tous les absents d’un classe en même temps pour conserver un lien collectif et une dynamique liée à la classe. De même, il peut être important de planifier les temps d’échanges entre enseignants. Ce référent peut être désigné pour une période donnée (avec un roulement toutes les 3 à 4 semaines, par exemple)

c) Situation où une ou des classes sont fermées

Les enseignants peuvent toujours échanger par messagerie avec les élève (un à deux messages par semaine suffisent pour conserver le lien disciplinaire et motivationnel) pour informer des travaux à réaliser.

il peut être adapté d’organiser une classe virtuelle hebdomadaire dans chaque discipline pour faire le point avec la classe. Un temps de récréation (10 à 15 minutes) peut être proposé afin que les élèves échangent avec leurs camarades. Ces classes virtuelles sont des temps de régulation (échanges, rétroactions, clarification de consignes ou concepts) plus que de transmission de connaissances.

d) Situation où un établissement est fermé

Cette situation ne semble pas nécessiter de recommandations particulières par rapport à la situation où une classe est fermée.

e) Situation où un enseignant est en quarantaine

Comment fait-on actuellement quand un enseignant est malade ? Peut-on reproduire le même fonctionnement dans le contexte COVID ?

Deux cas sont alors à envisager :

  1. L’enseignant est cas contact : Il peut continuer à travailler de chez lui. L’enseignement pourrait se dérouler comme suit :
    • L’enseignant transmet les consignes et documents par l’outil choisi par l’établissement ;
    • Les élèves travaillent la discipline pendant les heures de cours définies selon l’emploi du temps ;
    • Cela nécessite la surveillance de la classe pendant les heures de cours concernées.
  2. L’enseignant est malade : On envisage un remplacement de la même façon que toute absence pour maladie.
    En cas d’impossibilité de remplacement, une réflexion pourrait être menée sur l’utilisation de ces heures pour du travail selon des modalités plus transversales où l’élève pourrait avoir plus d’autonomie (projet personnel ou collectif, pour aller plus loin, …)

Voici un rapide tour d’horizon des situations repérées et de quelques éléments de réponse possibles. Ce premier jet est évidemment perfectible, les commentaires vous sont ouverts pour apporter vos propositions …

Former un grand nombre d’enseignants en pair à pair : le ‘Plan français’

J’ai été récemment sollicité pour accompagner la mise en place de la formation des CPC (conseillers pédagogiques de circonscription, dans le 1er degré) référents français dans le cadre du Plan français. Le défi que représente ce projet me semble intéressant et je me permets donc de vous en faire une présentation rapide et vous partager mes réflexions. L’objectif de cet article n’est pas de lancer un débat pour ou contre ce plan de formation mais plutôt de formaliser quelques éléments autour des questions pédagogiques et d’organisation.

1 – Le Plan français : un défi de taille !

Ce plan prévoit la formation de la totalité des enseignants du 1er degré sur 5 ans en s’appuyant sur une formation entre pairs en petits groupes (appelés constellations). Dit comme ça, cela semble assez simple ; cela devient un défi quand on parle chiffres ! En effet, au niveau national, il y a environ 400 000 enseignants dans le 1er degré : on envisage donc des promotions de 80 000 personnes, regroupées en 10 000 constellations (6 à 8 enseignants par constellation), animées par 1 700 conseillers pédagogiques (un CPC anime 6 constellations).
Ce plan démarre maintenant et il faut commencer par former les conseillers pédagogiques à cette nouvelle mission.

2 – L’organisation prévue pour ces formations

a) La formation des CPC référents

Cette formation est articulée entre des temps nationaux (sous formes de classes virtuelles) et d’autres locaux. Le guide de présentation de ce plan prévoit de former ces CPC « à de nouvelles modalités de travail avec les enseignants, horizontales, en groupe et en réseau. »
Il est aussi précisé que le CPC « doit attester une maîtrise assurée de l’ensemble des aspects scientifiques, didactiques et pédagogiques de l’enseignement du français dans ses différents domaines. La grande majorité des 24 journées de formation sont consacrées à développer cette expertise ». N’étant pas compétent sur cette partie disciplinaire, c’est un aspect de la formation que je n’aborderai pas.

b) La formations des enseignants participants

Le guide mentionne aussi la lesson study comme modalité d’organisation possible pour les constellations. Cette approche structurée et appuyée sur la recherche nécessite, à mon avis, de développer la maîtrise de la démarche scientifique (problématique, recherche documentaire, hypothèse, expérimentation, analyse et interprétation, conclusion, diffusion) par les CPC concernés.

Dans une logique de cohérence, il semble important de chercher à aligner les objectifs, les modalités de formation et l’évaluation. Cette évaluation ne peut pas être une évaluation sanction ou certificative mais bien un ensemble de rétroactions pour aider chacun à évoluer dans ses pratiques professionnelles pour accompagner ‘au mieux’ les enseignants (pour les CPC) et les élèves (pour les enseignants). Reste à définir les critères et indicateurs nécessaires.

Voici un tableau récapitulatif des 2 formations à mener en parallèle (les CPC d’une part, les enseignants d’autre part)

 CPC référents françaisEnseignants
Nombre de personnes concernées dans notre académie4010 000 sur 5 ans, soit 2 000 par an.
Durée de la formation24 jours sur 3 ans : 6 jours (formation nationale délocalisée) + 18 formation académique18h sur une année + 12h de visites individuelles (4 x 3h)
Objectifs de la formationAnimer de petits groupes (constellations)
Intégrer la démarche scientifique
Développer les compétences pédagogiques et didactiques pour l’enseignement du français
Activités collectives prévues par le guide« Partage de ressources et de pratiques, analyse des modalités d’accompagnement, mutualisation de productions, etc. [entre CPC de l’académie] »« … de façon exceptionnelle en groupe complet [i.e. regroupant les 6 constellations du CPC] pour présenter le dispositif, réfléchir ensemble aux objets de travail prioritaires, ou faire un bilan du travail de l’année. »

3 – Un cadre de réflexion

Nancy Dixon, dans son article Ten big ideas of knowledge management (en anglais) récapitule dix éléments fondamentaux sur la connaissance et l’apprentissage que je vous présente rapidement, avec une traduction libre (et perfectible), et une structuration personnelle.

a) La connaissance

  • La connaissance se crée et se partage par des échanges.
  • Elle se présente sous différentes formes :
    • Les connaissances explicites peuvent être accessibles sous forme de documents ;
    • Les connaissances tacites nécessitent un échange, une discussion ;
    • Les connaissances tacites ne sont accessibles que par l’observation et/ou l’accompagnement.
  • Le questionnement ouvre la porte de la connaissance.

b) Les conditions d’apprentissage

  • Les petits groupes sont favorables aux échanges en profondeurs.
  • Le cercle est une disposition favorable, où chacun a sa place, sans hiérarchie.
  • On apprend en exposant et formalisant ses idées.
  • L’expérience nécessite une analyse réflexive pour être source d’apprentissage.

c) La collaboration

  • La confiance est un préalable nécessaire.
  • Le grand groupe (ou la communauté) est utile pour une consolidation collective.
  • La réciprocité est le moteur de l’apprentissage entre pairs.

4 – Des points de convergence

On constate que l’organisation proposée par le guide est globalement en phase avec les conseils de N. Dixon. De plus, ces conseils permettent de repérer quelques éléments qui sont de la responsabilité de l’animateur de constellation et donnent ainsi des pistes de critères d’évaluation pour leur formation :

  • Le degré de confiance qui règne dans le groupe ;
  • La dynamique et la qualité des échanges dans le groupe ;
  • La position de l’animateur et sa faculté à questionner plutôt qu’à ‘enseigner’.

A cette liste, il faut aussi ajouter la démarche de recherche scientifique et l’accompagnement des participants dans ce cheminement (ce qui est cohérent avec la faculté de questionnement de l’animateur).

Ces éléments d’évaluations, qui mériteraient d’être précisés, me font penser à une organisation de la formation par la pratique, avec des temps d’observation de constellations pour l’évaluation et une pratique de la constellation, aussi pendant la formation. Des observations croisées pourraient ainsi être très riches pour donner à chaque CPC un peu de recul sur ce qui se passe dans une constellation et sa pratique personnelle.

5 – Un décalage subsiste

N. Dixon insiste sur l’importance du grand groupe qui est à la fois caisse de résonnance qui permet de consolider les apprentissages de façon collective et espace de ‘réciprocité généralisée’ qui soutient l’engagement des participants dans le partage de la connaissance. Cet aspect n’est que très légèrement mentionné dans le guide : « L’accompagnement des différents groupes par le référent français et leur travail collaboratif en réseau impliquent la maîtrise à minima d’outils numériques adaptés. Les référents sont formés ou sensibilisés à l’utilisation de ces outils numériques »

Il se pose ainsi la question de l’organisation du travail en réseau des différentes constellations : partages, échanges, mutualisation, … autant d’aspects qui ne sont abordés qu’entre CPC d’une même académie, mais pas entre enseignants.

Cette absence de collaboration en grand groupe est dommage, elle pourrait enrichir avantageusement le dispositif.

6 – Une proposition d’organisation

a) Pour la formation des CPC référents

Il semble important de former les CPC par la pratique en les mettant en situation de collaboration dans des constellations, afin qu’ils puissent vivre de l’intérieur ce qui s’y passe (confrontation, négociation, consensus, blocage/déblocage, partage, …). Chacune de ces constellations de CPC doit être animée par un formateur et un temps d’analyse doit être proposé pour relire ce qui s’est passé et formaliser des ‘principes’ pour l’animation de ces groupes.

b) Pour la formation des enseignants

Il paraît utile de mettre en place un espace de partage/mutualisation entre constellations. Un outil comme stackoverflow ou le forum apprenant (basé sur Question2Answer) pourrait répondre avantageusement au besoin :

  • L’entrée se fait par une question : la problématique sur laquelle travaille la constellation.
  • A la fin de chaque rencontre, les éléments co-construits sont capitalisés dans le fil de discussion, sous la question.
  • Les contributeurs ne s’exposent pas trop : ils partagent le travail du groupe, qui a été construit et validé conjointement : cela donne une certaine légitimité et ôte l’aspect personnel de la contribution.
  • Tout un chacun peut suivre les avancées de chaque constellation, voire apporter une contribution en partageant un lien, une ressource, un témoignage, … Cela peut intéresser les enseignants des différentes constellations de voir ce qui se passe ailleurs, mais aussi les enseignants qui ne sont pas impliqués dans ce plan cette année, les formateurs et cadres qui suivent cette formation, … Enfin, cela peut ouvrir des portes à des chercheurs en mettant à disposition du matériau brut et en ouvrant les classes vers la recherche.
  • Avec 250 constellations dans l’académie, cela peut permettre de capitaliser rapidement un bon nombre de problématiques abordées et documentées.

Pour synthétiser l’organisation qui me semble pertinente, je reprends un schéma ‘historique’ de ce blog avec 4 cercles concentriques :

modèle des apprenants au centre
  • Les enseignants participants sont au centre, dans leur constellation. Le CPC référent français est en charge de l’animation du groupe (partager, collaborer, communiquer) selon une démarche scientifique.
  • Cette démarche se concrétise dans différentes activités (chercher, construire, concevoir, réaliser, créer, analyser).
  • Un travail réflexif permet de repérer et formaliser les ‘invariants’ de la démarche mise en place (comprendre, structurer, conserver, archiver).
  • Un espace de mutualisation entre les différentes constellations permet de mettre à disposition le travail accompli, au fil de l’eau, tout au long de l’année (partager, communiquer, exploiter).

7 – En conclusion

Le Plan français offre une opportunité intéressante de faire évoluer les pratiques de formation dans l’Éducation Nationale et il serait dommage de ne pas la saisir. Une partie de l’organisation est pilotée au niveau académique et offre donc une marge de manœuvre dans les modalités de déploiement et de mise en œuvre. Deux pistes semblent intéressantes à développer :

  • Former les CPC référents à la démarche scientifique en s’appuyant sur des petits groupes (constellations de CPC) pour faire vivre la démarche et l’analyser ;
  • Créer un espace d’échanges entre constellations, en ligne, pour assurer une capitalisation/mutualisation et un suivi des travaux.

N’hésitez pas à réagir pour apporter votre point de vue et votre contribution, les commentaires vous sont ouverts …

Continuité, éloignement et synchronisme

Avec le déconfinement et le retour à l’école, se pose la question de l’organisation des apprentissages. Cette réflexion vaut pour la reprise actuelle mais peut aussi être utile pour préparer la prochaine rentrée scolaire qui ne sera peut-être pas comme la précédente.

1 – Les principes structurants

Trois principes structurent cette réflexion pour préparer cette reprise :

  1. L’objectif n’est pas de ‘boucler le programme’ ;
    « on a trop tendance, dans nos institutions, à oublier que la motivation, le sens de l’effort et l’autonomie, l’exigence à l’égard de soi-même ne peuvent pas être des préalables à l’entrée dans une activité pédagogique mais sont les objectifs mêmes de cette activité, indissociablement liés à l’acquisition des savoirs. » (P. Meirieu, 17 avril 2020, café pédagogique)
  2. L’activité d’enseignement-apprentissage doit se vivre à un rythme soutenable pour les enseignants et pour les élèves ;
  3. Dans une même classe, des élèves seront en classe pendant que d’autres seront hors classe.

2 – Différentes situations d’enseignement-apprentissage

Notre réflexion s’appuiera sur une analyse des situations d’enseignement-apprentissage en se repérant selon deux dimensions :

  • La dimension géographique : l’activité de l’élève se déroule en classe ou hors classe ;
  • La dimension temporelle : l’activité de l’élève se déroule-t-elle avec l’enseignant (on parlera d’activité synchrone) ou en autonomie (activité asynchrone).

Vous retrouvez sur le schéma des grands modèles d’organisation de l’enseignement-apprentissage :

  • l’enseignement simultané (synchrone, en classe), avec ses cours et devoirs surveillés ;
  • l’enseignement a-simultané (asynchrone, en classe), avec les tâches complexes, les travaux de groupes, les classes inversées et plans de travail qui peut aller jusqu’à l’enseignement mutuel. Cette modalité fait surgir un besoin de régulation dans le quadrant au-dessus (pour réguler les activités, de façon synchrone entre l’enseignant et les élèves). C’est dans ce quadrant que peut se mettre en place la coopération comme décrite par S. Connac avec ses différentes modalités : aide, entraide, tutorat et travaux de groupe ;
  • l’enseignement à distance (asynchrone, hors classe), qui intègre toutes les activités hors classe : devoirs à la maison, révisions, lectures, …
  • l’enseignement synchrone, hors classe, qui se limitait, avant le confinement à l’organisation mise en place pour les élèves empêchés.

3 – L’irruption du confinement

Le confinement a rendu les salles de classes inaccessibles et les enseignants ont donc dû ‘se débrouiller’ pour assurer une continuité pédagogique avec les seules modalités hors classe. Si les devoirs ne sont plus d’actualité dans ce contexte de confinement, les cours se sont beaucoup transposés en classe virtuelle. Nous avons eu des retours positifs d’enseignants qui avaient déjà initié des démarches collaboratives ou de classe inversée : il semble que la transposition à distance de ce type de démarche se passe plutôt bien : Les élèves travaillent ‘en autonomie’, à distance (seuls ou en groupes) et des régulations régulières avec l’enseignant permettent de valider les progrès, de corriger les erreurs et d’avancer. Cette approche nécessite évidement un accompagnement méthodologique ( démarche, jalon, sens de l’activité, production attendue, …). On retrouve là une partie du pré-requis émis par P. Meirieu.

De même, et pour aborder les autres éléments soulevés par P. Meirieu, il semble important de se poser la question de la motivation des élèves dans ce nouveau contexte où le cadre de la classe, les amis et l’enseignant ne sont plus présents. Nous vous invitons à relire les deux articles sur les besoins des élèves (créer le cadre et soutenir l’engagement).

4 – Et maintenant, le déconfinement …

Nous entrons dans une situation où des élèves peuvent être complètement en cours alors que d’autres ne viennent que partiellement et d’autres, pas du tout. Cette situation, inenvisageable il y a quelques mois, nécessite une réflexion pédagogique particulière pour être pertinente pour tous les élèves tout en ménageant l’enseignant (notion de rythme soutenable).

L’articulation simultanée de situations ‘en classe’ et ‘hors classe’ peut s’envisager de façon synchrone avec une classe virtuelle (soit en filmant l’enseignant faire son cours, soit en diffusant la voix et l’écran de l’enseignant) mais cela a des limites :

  • Cela fait peser une charge mentale conséquente sur l’enseignant qui doit gérer ne même temps les interactions en classe, la diffusion et les interactions avec les élèves à distance. La DANE de Grenoble propose un guide sur la classe filmée (https://dane.web.ac-grenoble.fr/article/les-classes-filmees-elements-de-reglementation) qui propose de travailler à deux enseignants pour gérer tous les aspects en parallèle.
  • Cela nécessite un équipement de l’établissement (micro, caméra) et une bande passante non-négligeable, surtout si plusieurs enseignants envisagent de diffuser leur cours en même temps.
  • Youtube et Netflix ont des atouts indéniables pour concurrencer sérieusement les enseignants (on revient sur la question de la motivation) ;
  • Cela ne garantit une qualité pédagogique : le cours magistral filmé n’est pas toujours la solution idéale pour créer les conditions favorables à l’apprentissage.

Une autre approche, plutôt asynchrone est centrée sur l’activité de l’élève qui produit, seul ou en groupe, jalonnée par des régulations :

  • L’enseignant peut étaler dans le temps le suivi des élèves selon l’urgence, les besoins, l’avancée des travaux ;
  • Vu le nombre restreint d’élèves accueillis, les temps en classe peuvent être des opportunités pour organiser ces régulations avec un accent particulier sur la méthodologie de travail. Des classes virtuelles peuvent être proposées aux élèves restant hors classe toute la semaine ;
  • Cela nécessite un travail en équipe pédagogique pour coordonner les travaux demandés afin d’assurer une charge de travail raisonnable et un rythme soutenable pour l’élève ;
  • Le suivi méthodologique peut être mené de façon collégiale par l’équipe pédagogique ;
  • L’élève travaille à son rythme, avec les ressources proposées, il est épaulé et soutenu par l’équipe enseignante ;
  • Une différenciation est envisageable en variant les productions attendues, le degré d’accompagnement, le degré de guidage des consignes, …
  • Les outils numériques sont sollicités pour donner les consignes (par l’enseignant dans ENT), déposer les productions intermédiaires ou finales (par l’élève dans ENT), accompagner et réguler (échanges à travers l’ENT ou l’outil de classe virtuelle du CNED).
  • Les productions intermédiaires permettent de travailler la méthodologie et d’accompagner l’élève dans sa démarche d’apprentissage.

Dans cette seconde approche, l’enseignant n’est plus dispensateur des savoirs mais garant des apprentissages, il se concentre sur l’accompagnement de l’élève pour le soutenir dans son cheminement.

Les classes mutuelles sont inspirantes par la logique qu’elles portent : tous les participants, élèves et enseignants, sont au service de l’apprentissage de chacun. Il n’y a ainsi plus de ‘triche’ mais de l’aide ou de l’entraide (cf. S. Connac).

Les classes inversées nous proposent des démarches intéressantes pour l’organisation méthodologique et temporelle de l’apprentissage avec une alternance de temps asynchrones (ou ‘solitaires’) de recherche et de production avec des temps synchrones (ou ‘collectifs’) de mise en commun, partage et co-construction.

En conclusion

Ces deux approches de la continuité pédagogique ne sont pas exclusives et l’on peut (doit ?) envisager une alternance féconde des différentes modalités. Le tableau ci-dessous récapitule les caractéristiques de chaque approche.

Continuité synchroneContinuité asynchrone
organisation généralecentrée sur l’enseignementcentrée sur l’apprentissage
charge mentalecentrée sur l’enseignantrépartie entre les participants
posture de l’enseignant (cf. D. Bucheton)contrôle et enseignementaccompagnement et lâcher-prise
organisation du travail élèvetravail solitaireaide, entraide, tutorat, travaux de groupes

Dans cette logique, les outils numériques peuvent aider à transposer des activités classiquement synchrones en classe en activités asynchrones hors classe : il suffit par exemple que l’enseignant s’enregistre à l’oral pour transformer une dictée en classe en activité hors classe. Cette transposition pourrait être enrichie en utilisant le correcteur orthographique du traitement de texte…

Ces idées peuvent prêter à débattre, n’hésitez pas à partager votre point de vue.

Projet expérimental et numérique : retour d’expérience sur l’accompagnement proposé

Afin d’accompagner les enseignants dans le projet expérimental et numérique de 1ère, la DANE de Dijon a proposé un parcours d’accompagnement, étalé sur 5 semaines, totalement à distance.  Ce parcours était ouvert à tous les enseignants intéressés et abordait toutes les questions liées à l’organisation d’un projet pédagogique. Nous vous proposons un bilan de ce travail.

1 – Organisation de l’accompagnement mis en place

La session proposée visait d’aider les enseignants à mettre en place le projet expérimental et numérique prévu dans les nouveaux programmes de 1ère. Elle s’organisait en 5 semaines comme suit :

Semaine Objectif Activités & livrables
0 Les capteurs et outils présents dans mon laboratoire · Liste collaborative des capteurs et logiciels pour le traitement de données
Classe virtuelle 1 – Lancement (30’)
1 Les objectifs du projet et les activités réalisables · Des problématiques et mesures possibles
· Une organisation temporelle possible du projet
2 L’évaluation du projet · Forum : quels critères de réussite ?
· Forum : évaluation, traces et indicateurs. Comment faire ?
Classe virtuelle 2 – Alignement constructiviste (30’)
3 L’engagement des élèves · Forum : Quels leviers activer pour engager les élèves ?
· Forum : quelles interactions entre élèves ?
4 La place de l’enseignant · Proposition d’un planning du projet
· Proposition d’une grille d’évaluation du projet
Classe virtuelle 3 – Lecture croisée (30’)
5 Lecture croisée · Lecture critique (constructive) de la proposition des pairs

2 – Participation et activité des participants

Nous avons eu 99 inscrits sur le parcours mais cela n’est pas forcément représentatif de l’activité réelle sur le parcours. Le graphique ci-dessous présente :

  • en bleu : le nombre de personnes qui se sont connectées pour la dernière fois durant cette période ( = les décrocheurs) ;
  • en orange : le nombre d’inscrits durant cette période ;
  • en gris : le nombre de personnes “en lien avec l’accompagnement” ( = qui se sont connectées durant la période ou après).

On constate les éléments suivants :

  • De nombreuses personnes s’inscrivent ‘pour voir’, sans réel engagement (cf. les 19 personnes qui se sont inscrites et ont décroché avant même le début du parcours) ;
  • Le nombre d’inscrits augmente les 3 premières semaines puis stagne ;
  • Toutes les semaines, il y a entre 10 et 15 décrocheurs ;
  • Les nouveaux entrants compensent ceux qui décrochent donc, le nombre de personnes en lien avec l’accompagnement stagne durant quelques semaines ;
  • A partir du moment où il n’y a plus de nouveaux entrants, l’effectif des participants diminue au grès des décrocheurs.
  • Les enseignants continuent à utiliser ce parcours après sa fin : au 10 janvier, ils étaient 14 à être revenu sur le parcours (cf. diagramme ci-dessus), au 28 février, ils sont 25.

Afin de refléter la réalité précise, il est utile de savoir que 5 participants ont eu une activité soutenue et suivie tout au long du parcours, à participer aux classes virtuelles ou à les suivre à posteriori et à s’impliquer dans la lecture croisée. Cette participation ‘complète’ est relativement faible (5%) mais comparable à la moyenne des MOOC qui est la modalité dont nous pouvons le plus rapprocher notre proposition. Le graphique ci-dessus montre qu’un quart des participants étaient encore “en lien avec l’accompagnement” lors de la dernière semaine et que l’activité s’est prolongée au-delà de la durée officielle du dispositif.

3 – Que peut-on tirer de cette expérience ?

Voici, en vrac, quelques conclusions que nous tirons de cette première session d’accompagnement.

  1. L’organisation globale du parcours est cohérente et répond aux attentes des enseignants. Il semble pertinent de regrouper les semaines 3 et 4 pour maintenir la densité du parcours et réduire la durée totale sur 4 semaines.
  2. La mise en activité des participants dès l’inscription (construction collective d’une liste de matériels et logiciels disponibles dans les laboratoires) est intéressante pour les engager au plus vite, sans attendre le début ‘officiel’ du parcours.
  3. La fonctionnalité ‘atelier’ de moodle est intéressante d’un point de vue pédagogique et assez simple à mettre en œuvre. A l’usage, on constate qu’une lecture critique de production d’un pair est une activité très riche mais qui nécessite un engagement certain (en temps et en investissement intellectuel).
  4. Les 3 classes virtuelles de 30′ ont été utiles pour soutenir les participants assidus. La durée nous semble bonne pour pouvoir apporter les informations nécessaires (aussi bien sur le contenu que sur les modalités et l’organisation du travail)
  5. Le nombre d’inscrits est relativement décevant : la communication en amont d’un tel dispositif est essentielle pour mobiliser les publics potentiels. Nous avons de gros progrès à faire dans ce domaine ! Il était peut-être plus raisonnable, pour ce premier essai de n’avoir qu’un nombre limité de participants afin de ne pas nous mettre trop la pression …
  6. La charge de travail des animateurs était raisonnable et devrait pouvoir être supportable même avec un public plus nombreux.
  7. Quelques enseignants se sont inscrits ‘en groupe’ sur un même établissement et cela semble avoir été un élément important pour soutenir l’engagement et la persévérance de chacun. Les activités proposées tout au long du parcours alimentaient sans doute le travail collectif local.

4 – En guise de conclusion

Ces conclusions nous semblent encourageantes et nous pouvons déjà vous informer que nous proposerons à nouveau ce parcours (dans sa version condensée) à la rentrée prochaine ! De même, la démarche nous semblant fiable, nous envisageons peut-être de décliner cette proposition sur d’autres sujets, comme par exemple “faire travailler les élèves à l’oral” … A suivre, donc !

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