Un peu de recul sur ChatGPT

Comme beaucoup de monde, j’ai testé ChatGPT en lui posant des questions sur les limites de son utilisation et l’usage avec des élèves (Vous trouverez le contenu des échanges à la fin de cet article). Si le résultat est impressionnant, quelques éléments m’interpellent…

1 – ChatGPT ne produit que ce qu’on lui demande

Force est de constater que cette intelligence artificielle produit des textes impressionnants. Cependant, elle ne demande pas de préciser ou de contextualiser une requête qui pourrait être floue et répond par principe. Ce fonctionnement a deux conséquences :

  1. On n’est pas dans un dialogue d’égal à égal mais plutôt dans une position d’interview où l’on demande au ‘sachant’ de nous donner l’information souhaitée. Ce décalage met, d’une certaine façon, le demandeur en position d’infériorité alors qu’il doit avoir un esprit critique aiguisé pour analyser et traiter la réponse fournie par l’IA.
  2. Il faut espérer que notre question correspond exactement à ce que l’on cherche, et l’on sait à quel point c’est compliqué de poser la bonne question. ChatGPT le dit lui-même dans ses limites (cf. ci-dessous) : « Manque de compréhension du contexte : ChatGPT ne peut pas comprendre le contexte dans lequel une question est posée, ce qui peut parfois conduire à des réponses inappropriées ou confuses. »

Je n’ai pas cherché à pousser un questionnement trop précis et je trouve que la réponse est vite approximative, et d’ailleurs, ChatGPT le dit lui-même, « bien que ChatGPT puisse fournir des réponses assez précises, il peut encore commettre des erreurs ou produire des réponses inexactes. » Ainsi, j’aurais tendance à dire que ChatGPT est, au mieux, du niveau d’un collègue un peu baratineur et pas forcément très scrupuleux…

2 – ChatGPT n’est pas un collègue

Il me semble essentiel de rappeler que cette IA n’est pas un collègue et que les échanges que l’on peut avoir avec elle n’apportent aucune satisfaction sociale. On ne ressent aucune empathie pour cet interlocuteur, on ne tisse pas de lien dans la durée. ChatGPT ne va jamais nous raconter ses vacances ou ses problèmes, alors que c’est ce genre de partages qui aident à créer une réelle relation empathique. Nous sortons d’une pandémie qui nous a bien fait sentir que nous avions un besoin essentiel de ces relations humaines, de ces échanges informels, de ces relations qui se façonnent au jour le jour. Il ne faudrait pas tomber dans le piège de cette IA, sorte de ‘Canada dry’ de la relation : ça ressemble à une relation, mais ça n’est pas une relation, et c’est pour ça que ça pose problème …

ChatGPT est d’ailleurs honnête à ce sujet puisqu’il annonce que « ChatGPT n’est pas un être humain, il ne peut pas remplacer une relation humaine et un accompagnement personnalisé. Il ne peut pas prendre en compte tous les aspects d’une situation et peut avoir des biais en fonction des données qu’il a appris. »

Si l’on reprend le décalage de positionnement abordé ci-dessus, couplé avec cette apparence de la relation, on voit rapidement poindre le risque d’une manipulation systématique où l’algorithme nous prescrirait nos choix, comme le dit Eric Sadin dans cette vidéo :

Le point de vue de Eric Sadin sur Chat GPT

3 – ChatGPT risque de nous inciter à la paresse

Que c’est facile de poser une question et d’avoir une réponse qui tombe, toute cuite, prête à digérer !

En contrepoint, on se rappelle que Michel Serres disait « les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents ! »

Effectivement, les différents défis auxquels notre monde est confronté ne pourront pas se résoudre si la population est paresseuse et se contente de réponses prémâchées. Nous avons besoin de personnes engagées, créatives, critiques (au sens de l’esprit critique) et il va donc nous falloir tous développer ces compétences et attitudes de plus en plus essentielles.

4 – ChatGPT pose des questions économiques et écologiques

Même si le travail est facilité pour nous, humains, il est quand même fait et cela nécessite une énergie certaine. A ce sujet, Reuters a publié une étude qui analyse le coût des requêtes sur de tels outils (rapporté par 01net) et les chiffres sont éloquents : « John Hennessy, le président d’Alphabet (la maison mère de Google), a indiqué qu’un échange avec un modèle de langage comme ChatGPT avait probablement un coût dix fois supérieur à celui d’une recherche classique avec de simples mots-clés. » Ce coût se transforme instantanément en énergie consommée et l’impact climatique est très direct !

Peut-être avons-nous intérêt à être intelligent, à travailler en bonne intelligence pour croiser nos compétences et nos points de vue pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés ?

5 – Comment développer les compétences nécessaires chez des élèves ?

Voici une réponse, toute personnelle, qui prolonge la proposition d’initiation proposée par ChatGPT (cf. ci-dessous)

  1. Demander aux élèves, en groupe, de formuler une problématique sur un sujet donné, sous forme de question.
  2. Soumettre cette problématique à ChatGPT en lui demandant une réponse en 500 mots et avec au moins 5 références (avec bibliographie)
  3. Retravailler la réponse : vérifier les références, chercher d’autres références, identifier les influences que le choix de références induit, …
  4. Rédiger tout cela avec un traitement de texte en utilisant le suivi des modifications ou un pad. Cela permet d’avoir en même temps la proposition d’origine la production finale.
  5. Expliciter le cheminement et analyser l’écart entre les deux textes.

Ce qui me semble le plus important dans ce travail ce n’est pas la production finale mais bien le cheminement intégré par les élèves, l’écart entre les deux textes et l’analyse qu’ils en font. Ainsi, ce qu’il faut évaluer dans le travail d’un élève, c’est de moins en moins la production et de plus en plus le processus mis en œuvre et le regard qu’il porte sur son travail (analyse critique de la démarche, de la production, ce qu’il retient si c’était à refaire, …)

6 – En conclusion

Ces outils arrivent dans notre société et il me semble important de les intégrer à notre réflexion sur l’éducation et les apprentissages. Ils nous incitent de plus en plus à centrer notre travail d’éducateur (au sens le plus large) sur des compétences de très haut niveau, en commençant par l’esprit critique : Quand ai-je besoin d’utiliser ces outils ? Quel est l’impact de cette utilisation ? Quelle est la qualité de leurs productions ? Comment les utiliser de manière optimale et juste nécessaire ?

L’ordinateur ne fait que ce qu’on lui demande, et si l’on veut utiliser ChatGPT à bon escient, on a intérêt à bien travailler notre questionnement pour être pertinent. Comme le disait Einstein, « Si j’avais une heure pour résoudre un problème, je passerais 55 minutes à réfléchir au problème et 5 minutes à réfléchir aux solutions »

7 – Les traces des échanges avec ChatGPT

Vous trouverez ci-dessous l’exhaustivité des traces des échanges mentionnés tout au long de l’article.

Quelles sont les limites d’utilisation de ChatGPT ?

Bien que ChatGPT soit un modèle de langage impressionnant, il y a plusieurs limites à son utilisation. En voici quelques-unes :

  1. Précision limitée : Bien que ChatGPT puisse fournir des réponses assez précises, il peut encore commettre des erreurs ou produire des réponses inexactes.
  2. Manque de compréhension du contexte : ChatGPT ne peut pas comprendre le contexte dans lequel une question est posée, ce qui peut parfois conduire à des réponses inappropriées ou confuses.
  3. Incohérence : ChatGPT peut parfois produire des réponses qui manquent de cohérence ou qui sont contradictoires.
  4. Biais : Comme tout modèle de langage entraîné sur des données, ChatGPT peut avoir des biais implicites qui se reflètent dans ses réponses.
  5. Connaissances limitées : ChatGPT a des connaissances limitées à ce qui a été inclus dans son entraînement, ce qui peut limiter sa capacité à répondre à des questions en dehors de ce domaine.
  6. Incapacité à effectuer des tâches complexes : ChatGPT est capable de répondre à des questions simples et de mener des conversations de base, mais il ne peut pas effectuer des tâches complexes nécessitant des compétences spécialisées ou une analyse approfondie.

Il est important de prendre en compte ces limites et de ne pas surévaluer les capacités de ChatGPT. Cependant, en étant conscient de ces limites et en utilisant ChatGPT de manière judicieuse, il peut être un outil utile pour répondre à des questions et mener des conversations de base.

Quelles précautions faut-il prendre pour utiliser ChatGPT à bon escient ?

Voici quelques précautions à prendre pour utiliser ChatGPT à bon escient :

  1. ChatGPT n’est pas un être humain, il ne peut pas remplacer une relation humaine et un accompagnement personnalisé. Il ne peut pas prendre en compte tous les aspects d’une situation et peut avoir des biais en fonction des données qu’il a appris.
  2. ChatGPT est un modèle de langage qui fonctionne en se basant sur les données qu’il a appris. Il peut donc donner des réponses erronées si les données qu’il a appris sont incorrectes ou incomplètes.
  3. Il est important de poser des questions claires et précises à ChatGPT pour obtenir des réponses pertinentes. Les questions ambiguës ou vagues peuvent donner des réponses imprécises ou inutiles.
  4. ChatGPT est entraîné sur une grande quantité de données, y compris des données sensibles. Il est donc important de respecter la confidentialité et la vie privée des personnes concernées lors de l’utilisation de ChatGPT.
  5. Enfin, il est important de garder à l’esprit que ChatGPT ne doit pas être utilisé pour remplacer les services professionnels ou médicaux. Si vous avez des problèmes de santé mentale ou physique, il est important de consulter un professionnel qualifié.

Quels conseils donnerais-tu à un élève qui veut utiliser ChatGPT pour faire un devoir ?

Voici quelques conseils que je pourrais donner à un élève qui souhaite utiliser ChatGPT pour faire un devoir :

  1. Utilisez ChatGPT comme un outil de recherche supplémentaire. Bien que ChatGPT puisse fournir des réponses intéressantes, il ne doit pas être considéré comme la seule source d’informations pour un devoir.
  2. Posez des questions précises et claires. Plus la question est spécifique, plus la réponse de ChatGPT sera précise. Évitez les questions ambiguës ou vagues.
  3. Vérifiez les sources des informations fournies par ChatGPT. Bien que ChatGPT puisse fournir des informations pertinentes, il est important de vérifier la fiabilité des sources citées et de les vérifier auprès de sources alternatives.
  4. Ne plagiez pas les réponses fournies par ChatGPT. Si vous utilisez les informations trouvées grâce à ChatGPT, assurez-vous de les paraphraser et de les citer correctement.
  5. Utilisez ChatGPT pour obtenir de l’inspiration, mais ne comptez pas uniquement sur lui. Utilisez votre propre créativité et réflexion pour développer vos idées et vos réponses.

En somme, l’utilisation de ChatGPT peut être utile pour aider à faire des recherches et trouver des informations, mais il est important de l’utiliser de manière responsable et éthique.

Tu es enseignant et tu souhaites initier une classe d’élèves de 16 ans à l’usage de ChatGPT. Proposes une série de 5 activités progressives pour prendre en main l’outil et comprendre les limites d’utilisation. Pour chaque activité, tu préciseras la consigne donnée aux élèves et les points de vigilances sur lequel l’enseignant doit insister. Tu présenteras le résultat sous forme de tableau : activité, consigne, points de vigilance.

Voici une proposition de 5 activités progressives pour initier une classe d’élèves de 16 ans à l’usage de ChatGPT :

ActivitéConsignePoints de vigilance
1. Découvrir ChatGPTFaire une recherche sur ChatGPT et lire les informations disponibles sur le site officiel d’OpenAI.– Insister sur le fait que ChatGPT est une intelligence artificielle et non une personne réelle. – Expliquer les différences entre l’IA et les humains. – Mettre en garde contre les limitations de l’outil et les erreurs possibles.
2. Pose de questions simplesPoser des questions simples à ChatGPT et évaluer les réponses. Par exemple : « Quel est le nom du plus haut sommet du monde ? », « Qui a écrit le roman ‘Les Misérables’ ? », etc.– Insister sur le fait que ChatGPT ne peut donner que des réponses basées sur des informations existantes dans sa base de données. – Encourager les élèves à poser des questions simples et à évaluer la pertinence des réponses.
3. Pose de questions plus complexesPoser des questions plus complexes à ChatGPT et évaluer les réponses. Par exemple : « Quelle est la différence entre un virus et une bactérie ? », « Comment peut-on réduire l’impact du réchauffement climatique ? », etc.– Insister sur le fait que ChatGPT peut parfois donner des réponses erronées ou imprécises. – Encourager les élèves à poser des questions plus complexes et à évaluer la pertinence des réponses.
4. Création d’un dialogueÉcrire un dialogue avec ChatGPT sur un sujet donné (par exemple, l’environnement, les réseaux sociaux, la vie privée, etc.) et évaluer la qualité du dialogue.– Insister sur l’importance de poser des questions précises et de donner des informations claires pour obtenir des réponses pertinentes. – Encourager les élèves à évaluer la qualité du dialogue en fonction de la pertinence des réponses et de la fluidité du dialogue.
5. Analyse critique de ChatGPTAnalyser de manière critique l’utilisation de ChatGPT dans la vie quotidienne, ses avantages et ses limites. Par exemple : Comment ChatGPT peut-il aider les personnes en situation de handicap ? Quelles sont les limites de l’utilisation de ChatGPT dans le domaine de la santé ?– Insister sur l’importance de la réflexion critique sur les avantages et les limites de l’utilisation de ChatGPT. – Encourager les élèves à prendre en compte les enjeux éthiques, sociaux et environnementaux de l’utilisation de l’outil.

Il est important de rappeler aux élèves que ChatGPT est un outil et qu’il ne remplace pas les compétences humaines, telles que la créativité, le jugement critique et l’empathie. Il est également important de souligner que l’utilisation de ChatGPT doit être encadrée par des adultes responsables et formés à l’utilisation de l’IA.

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Des traces d’apprentissage

Dans le cadre de mon activité, nous nous questionnons sur l’attestation des formations que nous proposons. Après échange avec quelques formateurs, nous avons identifié plusieurs usages différents de ces attestations par les participants allant de la justification de présence à la trace d’apprentissage. Il me semble ainsi intéressant d’identifier la variété de ces traces d’apprentissages. Pour cela je me suis appuyé sur le document « Compétences de médecine générale et traces d’apprentissages – Mode d’emploi à l’usage des internes, maîtres de stages et tuteurs » qui est contextualisé pour la formation des internes en médecine. Le décalage entre la médecine et la formation m’a paru intéressant pour mettre en relief ce qui tient du métier et ce qui tient de l’apprentissage Voici donc quelques traces identifiées, et recontextualisées dans le cadre de la formation d’enseignants.

1 – Le récit de situation complexe

C’est un récit descriptif et analytique d’une situation professionnelle vécue, ‘authentique’ et ‘complexe’. Il est complété par une analyse de la situation, les questions induites, les réponses apportées et l’analyse critique de celles-ci.

Ce travail de récit peut (doit ?) être travaillé avec un tuteur ou un pair. Il peut être intéressant d’identifier les compétences mises en œuvre.

2 – Le Journal de bord

Ce journal de bord informe du quotidien de son auteur, de façon chronologique et structurée. Il informe de la continuité des apprentissages, la façon dont ils évoluent, les écueils auquel l’auteur est confronté, les problématiques à résoudre, etc.

Ce journal est à priori personnel, sauf si l’auteur souhaite le partager (en totalité ou partiellement).

Partant du postulat que l’apprentissage s’appuie sur l’action vécue, Pascal Galvini propose le journal des Kairos, une stratégie en trois temporalités :

  • Un journal personnel, où l’on note les éléments marquants de la journée : ce qui s’est passé, ce qui s’est dit, comment je l’ai vécu, … Cela peut se faire sur un temps très court (5′ par jour, par exemple). On peut se limiter à quelques entrées simples : le geste pertinent, un moment de compréhension, un moment de bonheur.
  • La note réflexive (30 à 45 minutes toutes les 2 semaines) où l’on relit les situations relatées pour noter toutes les idées qui viennent : des questions, des réflexions, des constats. Elle peut intégrer un extrait du journal.
  • Ces notes réflexives sont synthétisées dans un rapport final, qu’il réponde à une attente institutionnelle (rapport de stage ou rapport d’activité ou personnelle (rapport annuel).

3 – Le document produit par l’apprenant

Cela peut être un article, une présentation, une vidéo, sur un sujet donné. Il peut, par exemple, s’insérer ou découler d’un projet ou illustrer la maîtrise d’un geste technique. On peut lui associer des éléments de contexte : analyse réflexive, réactions, questions soulevées, commentaires, …

4 – Compte rendu d’une réunion professionnelle ou d’une formation

Il doit être contextualisé, réflexif et peut déboucher sur des pistes d’améliorations ou stratégies pour l’avenir.

5 – Résumé d’article commenté et critiqué

Bon nombres d’articles scientifiques s’appuient sur des situations professionnelles, les analysent et proposent des éclairages intéressants. L’apprenant peut en faire un résumé rapide en présentant les apports, les limites identifiées et comment cela peut faire évoluer sa pratique professionnelle.

6 – Et mes usages à moi ?

Toutes ces pistes sont intéressantes. J’ai personnellement beaucoup plus investi les 4 dernières en animant ce blog qui est mon portfolio d’apprentissage. Il me semble aussi très riche de capitaliser les réactions de l’entourage (ou des lecteurs) qui sont stimulantes et ouvrent vers des perspectives parfois inattendues.

J’aimerais bien essayer le journal des Kairos, parce que cela me semble assurément très riche, mais la bonne excuse du temps contraint me désarme… Et vous, quelles sont vos traces d’apprentissages ? Comment vous organisez-vous concrètement pour progresser ?

Concevoir un dispositif pour des enseignants

Nous sommes de plus en plus souvent contactés par des inspecteurs pour mettre en place des dispositifs de formation s’appuyant sur m@gistère (plateforme de formation s’appuyant sur Moodle). Bien que ces demandes soient légitimes, il nous semble important de ne pas partir de l’outil (m@gistère) mais du besoin et de proposer une démarche structurée pour concevoir de tels dispositifs en visant le développement professionnel des personnels. Voici quelques réflexions…

1 – L’adulte en formation

Comprendre et connaître les caractéristiques d’un adulte en formation nous semble un préliminaire essentiel pour ne pas passer à côté de l’objectif. François Muller propose 7 caractéristiques de l’adulte en formation qui a de nombreux besoins :

  • Être convaincu que les informations ou apprentissages proposés ont du sens et sont utiles dans son activité professionnelle ;
  • Participer activement à la formation et savoir à tout moment où il en est de ses connaissances et compétences ;
  • Saisir la relation entre ce qu’il maîtrise déjà et ce qu’il apprend ;
  • Comprendre en quoi ce qu’il apprend lui permettra de résoudre des problèmes ;
  • Appliquer au plus vite ses apprentissages ;
  • Recevoir une rétroaction le plus rapidement possible après la mise en pratique.

Tous ces éléments doivent nous guider dans la conception de notre dispositif. Le premier qui tient au sens et à l’utilité perçue du dispositif est essentiel pour ‘assurer’ l’engagement des enseignants.

En parallèle de ces différents besoins, il faut garder en tête que chaque adulte s’est construit des représentations mentales et des stratégies d’apprentissage qui lui sont personnelles et nous devons l’intégrer dans chaque formation.

2 – L’objectif visé par le dispositif

Avant de construire un dispositif, il est indispensable de savoir quel est l’objectif visé. Il nous semble que 5 objectifs principaux peuvent être poursuivis :

  1. Développer les compétences des personnels ;
  2. Produire des documents de travail (scénarios pédagogiques, trames de projets, …) ;
  3. Transmettre des informations ;
  4. Tisser des liens entre les personnels ;
  5. Mobiliser les personnels en développant l’engagement et la persévérance.

Il est rare qu’un dispositif ne vise qu’un seul de ces objectifs mais il est important de les prioriser car c’est à partir des objectifs définis lors de la conception que l’on pourra définir les critères d’évaluation.

3 – Croisement des deux dimensions besoins – objectifs

Il est compliqué de faire coïncider assurément les besoins et attentes de formations des enseignants et les objectifs visés par les cadres. Il est ainsi intéressant d’envisager une offre de formation diversifiée, en croisant les approches disciplinaires, pilotées par les inspecteurs et locales, pilotées par les chefs d’établissement, pour que chaque enseignant trouve la proposition qui lui convient le mieux. Ainsi les réformes, l’arrivée de nouveaux programmes, le projet d’établissement, et par là même, tout événement local ou national, sont des opportunités pour la mise en place de tels dispositifs.

4 – Le contexte du dispositif

Une fois les objectifs définis, il est temps de prendre en compte le contexte du dispositif prévu : nombre de personnes concernées, modalités d’inscription (désigné ou inscription libre), répartition géographique des personnes, besoins en matériels ou logiciels spécifiques, contraintes temporelles, …

Ces éléments sont essentiels à préciser au plus vite pour définir le cadre de liberté dans lequel pourra se construire le dispositif.

Les différents éléments que nous venons d’aborder (adultes en formation, objectifs visés, caractérisation du contexte) correspondent à la phase d’Analyse du modèle ADDIE.

5 – Une démarche pragmatique

La deuxième étape du modèle ADDIE est l’étape de Design. Nous avons l’habitude, à ce stade, de nous appuyer sur les travaux de John Biggs et de Marcel Lebrun pour travailler la conception pédagogique à partir du schéma ci-dessous.

Trois points nous semblent particulièrement importants à noter :

  1. La diagonale de Biggs est centrée sur les activités (M. Lebrun parle plutôt de cohérence objectif / méthode / évaluation) car elle a été envisagée dans une logique de formation. Si l’on vise un autre objectif que le développement de compétence, il faut centrer cette diagonale sur l’élément visé pour assurer la cohérence de notre dispositif.
  2. Le modèle IMAIP de Lebrun peut s’appliquer à tout dispositif, de la réunion locale de travail au MOOC en passant par toutes les hybridations envisageables et peut aussi s’envisager au niveau macro d’une année de formation ou micro pour une séance particulière.
  3. Ce modèle pourrait aussi être pertinent pour organiser le travail (ou au moins des temps de travail) afin de pouvoir rendre apprenantes les situations professionnelles comme abordé dans cet article.

Ce schéma nous permet de séquencer les différents temps de la conception à partir du questionnement qui suit. Les questions sont posées dans un ordre cohérent mais il peut être nécessaire de reboucler le questionnement car tous les éléments sont étroitement liés.

a) La diagonale de Biggs (Objectifs / Activités / Évaluation)

  • Les objectifs ont été définis auparavant, ils servent de base de travail …
  • Quelles activités peuvent permettre de développer les compétences et ou connaissances visées et mettre en place l’évaluation envisagée ?
  • En quoi consiste ce que l’on cherche réellement à évaluer : La production finale des participants ? Le processus (= la démarche) mise en œuvre ? La réflexion des participants autour de l’activité (= le propos) ?
  • Comment peut-on évaluer l’atteinte de l’objectif visé ?

b) La ligne droite de Lebrun (Informations / Activités / Production)

  • En fonction des éléments définis au niveau de l’évaluation, quelle(s) production(s) faut-il envisager ?
  • Quelle production peut donner du sens aux activités prévues ci-avant ?
  • Quelles activités permettent de réaliser la(les) production(s) attendue(s) ?
  • Quelles ressources sont nécessaires aux stagiaires pour atteindre les objectifs ? (textes, vidéos, consignes, guidances, documents de travail, …)

c) Les deux ‘moteurs’ de Lebrun (Motivation / Interactions)

  • Quelles interactions sont prévues ? Entre participants ? Avec le formateur ? Avec d’autres personnes ? Avec la machine ?
  • Quels éléments font que la tâche proposée va susciter l’engagement des participants ?

6 – Reconnaissance du développement professionnel des participants

Il nous semble important, dans une logique de développement professionnel, de reconnaître le travail réalisé par les participants et les apprentissages qui en ont découlé en s’appuyant, par exemple, sur des openbadges. Nous avons repéré deux écueils importants à éviter :

  1. Ces badges ne sont pas des attestations de présences : ils permettent de présenter les productions et/ou apprentissages réalisés.
  2. Ces badges ne sont pas des preuves de compétences : ils participent au faisceau de preuves qui justifient la maîtrise de la compétence.

Cette logique sous-tend que nous ne ‘badgeons’ personne mais nous proposons des badges aux personnes qui peuvent les endosser.

Conclusion

Comme vous pouvez le constater, nous ne parcourons pas encore toutes les étapes du modèle ADDIE : nous n’avons pas (encore) une démarche systématique pour les aborder. En l’état, cette démarche nous semble cohérente mais peut-être avez-vous une autre approche ou des remarques à nous partager. N’hésitez pas, nous avons encore beaucoup à apprendre !

PS : Cet article a initialement été publié sur le blog de la DANE de DIjon : http://dane.ac-dijon.fr/2019/11/07/concevoir-un-dispositif-pour-des-enseignants/

Apprendre du confinement

Le confinement que nous vivons est un contexte exceptionnel, qui nous a tous bousculés dans notre vie et notre organisation, aussi bien au niveau personnel que professionnel. Il nous a forcé à évoluer, à essayer de nouvelles pratiques, de nouveaux outils, en un mot à ‘apprendre’. Si l’on est bien convaincu qu’une formation peut nous permettre d’apprendre, on peut se demander comment un changement de contexte, aussi radical soit-il, nous offre aussi une possibilité d’apprentissage et quels mécanismes mettre en œuvre pour en tirer le meilleur parti.

1 – Comment une situation de travail peut-elle être apprenante ?

Marcel Lebrun modélise un dispositif de formation avec le schéma ci-dessous (cf. 5 facettes pour construire un dispositif hybride : du concret)

Si ce schéma est adapté pour une situation d’apprentissage, il peut aussi convenir à n’importe quelle situation de travail, professionnelle ou bénévole : la différence réside dans l’objectif poursuivi. Si l’objectif d’une formation est d’apprendre et développer des connaissances ou compétences, une situation de travail ‘classique’ vise la production d’une valeur ajoutée (cf. https://prodageo.wordpress.com/2013/11/29/situation-professionnelle-situation-dapprentissage/). Ainsi, de même que la production est un détour utile pour ancrer les apprentissages lors d’une formation, des apprentissages peuvent surgir d’une situation de travail.

2 – Quel est l’impact du contexte ?

Si l’on analyse l’impact du confinement sur la situation de travail, on peut constater que toutes les facettes sont affectées. En effet, les informations (ensemble des ressources mises à disposition) évoluent : de nouveaux outils et de nouvelles procédures apparaissent avec le télé-travail qui modifient largement l’activité quotidienne et les interactions humaines. L’isolement induit par ce confinement peut avoir un impact non-négligeable sur les interactions, l’engagement et la persévérance. Enfin, la production peut être radicalement différente, c’est le cas des enseignants qui découvrent que l’on ne peut pas faire un cours à distance de la même façon qu’on l’organise en classe.

Ce confinement chamboule donc tous les aspects de nos situations de travail, mais ça, vous vous en étiez déjà rendu compte …

3 – Quelles sont les phases de vie dans un tel confinement ?

Dans son article Lessons from a coronavirus refugee (synthèse en français) Sina Farzaneh nous présente les 5 étapes psychologiques d’un confiné.

  1. La phase de survie qui est réactive et correspond à la phase d’adaptation ;
  2. La phase de sécurité est celle de l’entrée dans l’entrée dans le temps long ;
  3. La phase d’appartenance permet de s’installer dans une nouvelle normalité ;
  4. La phase de l’importance doit être focalisée sur l’attention aux nouveautés : nouvelles idées, nouveaux centres d’intérêts, …
  5. La phase d’auto-actualisation demande de prendre du recul par rapport à son évolution.

Ces différentes phases de vie font apparaître deux cycles : un cycle court de l’adaptation dans l’action et un cycle plus long avec la prise de recul pour tirer les conclusions et acter les évolutions à conserver. Cela rejoint le modèle de la compétence (MADDEC) de Coulet, focalisé sur les processus sous-jacents mis en œuvre dans « l’organisation de l’activité mobilisée et régulée pour faire face à une tâche donnée dans une situation déterminée ».

On y retrouve les deux boucles avec la boucle courte qui régule les règles d’actions (dans la phase d’adaptation) et la boucle longue qui impacte les conceptualisations (changement ou renforcement). Il propose aussi un troisième niveau de régulation qui correspond à une réorganisation de l’activité elle-même (ce qu’il qualifie de changement de schème).

L’adaptation se fait ‘sous la contrainte’ pour répondre à l’urgence. Par contre, l’analyse réflexive (boucle longue) n’est pas urgente mais importante et nécessite un effort qui peut paraître conséquent par rapport au résultat envisagé à priori.

4 – Comparaison chronologique ‘formation / confinement’

Le tableau ci-dessous récapitule et compare un dispositif de formation et la situation de confinement, qui peut générer des apprentissages, en s’appuyant sur la place de l’enseignant dans une formation collaborative. Cette comparaison permet de mettre en avant les ressources disponibles ou à mobiliser pour palier l’absence d’enseignant.

Etape Place de l’enseignant Dans le cadre d’un confinement
Conception de la mise en situation A partir des objectifs visés, l’enseignant définit l’évaluation, les activités, la production finale attendue et met en place les ressources et le contexte adaptés pour atteindre l’objectif. La mise en situation liée au confinement n’est choisie par personne, elle est plutôt subie par tout le monde. Elle ne vise aucun objectif d’apprentissage ou de production spécifique. Elle est là, c’est un fait. Chacun est bousculé et doit s’adapter …
Personne ne s’est donc chargé de la ‘conception de la mise en situation’.
Pendant la situation Il suit et accompagne les élèves en s’assurant que chacun progresse et apprend (l’objectif n’est pas la production mais bien l’apprentissage). Il relève les éléments marquants qui touchent autant au contenu disciplinaire qu’aux méthodes de travail et seront exploités lors de la synthèse finale dans une démarche réflexive. L’adaptation nécessaire passe par la recherche d’une méthodologie de travail dans ce nouveau contexte, de ressources pertinentes qui peuvent être des outils, leur guide de prise en main, des retours d’expérience, …
Des personnes ressources existent dans l’Éducation Nationale pour aider et accompagner les enseignants dans cette adaptation :

  • Les ERUN (enseignants référents aux usages du numérique, pour le 1er degré) ;
  • Les référents numériques (RUPN, dans chaque établissement du 2nd degré) ;
  • Les équipes des DANE et DRNE, services académiques du numérique pour l’éducation.

Chacun, à son niveau, a fourni un travail pour répertorier et produire des ressources, accompagner à la prise en main des outils et soutenir les enseignants en proximité.

  • Les inspecteurs et chefs d’établissement se sont aussi mobilisés pour rappeler les grands principes pédagogiques et coordonner les équipes localement.
Après la situation Il relit l’activité réalisée pour en extraire les éléments disciplinaires et méthodologiques à retenir, au regard des objectifs visés. Ce travail se mène en partenariat avec les apprenants. Des temps de relecture sont à prévoir, aussi bien personnellement que de façon collective pour analyser ce qui s’est vécu et ce qui mérite d’être gardé (quitte à l’adapter).

Il pourrait être intéressant de travailler cette relecture en famille, en équipe pédagogique, en classe, … Cette démarche de « relire pour apprendre et progresser » est caractéristique d’une logique d’apprentissage tout au long de la vie, et il est très intéressant de l’initier avant la fin de la formation initiale.

 

5 – Des outils pour soutenir l’analyse réflexive

Comme nous l’avons vu, l’analyse réflexive nécessite un effort important et il semble donc utile d’accompagner cette démarche. Deux directions sont possibles :

  • faciliter la démarche par des outils ou des guides ;
  • rendre la démarche plus désirable par l’attrait d’une production.

Plusieurs pistes sont envisageables, en voici quelques-unes…

a) Des badges pour apprendre en période de confinement

Un badge est une image au format numérique (jpeg, png, svg) dans laquelle sont encodées des méta-données : le nom du badge, de l’émetteur, du récipiendaire, la date de remise, la durée de validité, la preuve d’obtention, … Il permet de reconnaître et valoriser des réalisations, des apprentissages, des valeurs, des contributions, des engagements, …

Les badges se positionnent en complémentarité des diplômes et certifications.

Le projet BRAVO-BFC – porté par la région Bourgogne-Franche-Comté, les académies de Besançon et Dijon, la DRAAF et le SGAR – propose une série de 6 badges pour apprendre du confinement, chacun abordant un aspect spécifique de l’adaptation induite par le confinement. Le tableau ci-dessous présente chacun des 6 badges.

badge aspect spécifiquement abordé
Je planifie Gestion du temps, que ce soit personnel, collectif, de mon équipe ou de mes enfants.
J’organise l’espace Gestion de l’espace pour mettre en place un nouveau cadre de travail. Là encore, pour soi, son équipe ou ses enfants.
Je m’outille Découverte et appropriation de nouveaux outils, numériques ou pas …
Je reste en contact Organisation mise en place pour entretenir et développer mes relation avec mes proches : famille, amis, collègues.
Je pilote mon activité Organisation mise en place pour réaliser votre activité ‘principale’ : méthode de travail, régulation, coordination d’équipe, …
J’évolue Évolution des priorités, des valeurs, des aspirations, …

Il peut y avoir un chevauchement relatif entre les badges car les limites sont poreuses entre les différents domaines qui se recouvrent partiellement.

Ces 6 badges sont à votre disposition pour vous soutenir, individuellement ou collectivement dans ce temps d’analyse réflexive. ils peuvent être utilisable pour tous les publics : télétravailleur contraint, chef d’équipe géodistribuée, parent gérant un ‘espace de coworking familial’, élève ou étudiant …

Chaque badge propose une grille de questionnement pour faciliter la démarche et le badge est, en lui-même, un produit fini qui reconnaît et valorise les réalisations et progrès de chacun.

b) La métaphore du vélo

J’ai récemment croisé cette image, extraite du livre Des enseignants qui apprennent, ce sont des élèves qui réussissent de F. Muller qui me semble parlante et explicite. Elle peut aussi être utile pour questionner l’évolution de son activité en période de confinement.

c) Une approche par le portfolio

J’avais proposé, il y a quelques années, une représentation du portfolio d’apprentissage en m’appuyant sur le travail de Yves Morin.

Ce cadre général peut être étayé par cette série de questions pour soutenir l’analyse réflexive avec des élèves. Il me semble qu’elles sont toujours exploitables, quitte à les adapter à votre contexte.

La démarche de portfolio est contraignante mais la production finale qui capitalise l’ensemble des traces et réflexions est très riche. Ce blog peut être assimilé à un tel objet.

d) Un canevas de réflexion

apprendre confinement SandrineB

J’ai découvert ce canevas proposé par Sandrine B. qui me semble complémentaire des propositions ci-dessus. L’aspect graphique rend le travail de réflexion attirant tout en donnant un cadre au questionnement. Cet outil me semble particulièrement utile pour soutenir un travail en groupe.

6 – Conclusion

Nous avons vu la différence entre une situation de formation qui vise spécifiquement des apprentissages et un contexte subi, comme le confinement que nous vivons actuellement, qui peut générer des apprentissages. Il en ressort le besoin d’un outillage et d’un accompagnement pour soutenir ces apprentissages, tout au long du confinement. Dans l’Éducation Nationale, des personnes sont en première ligne pour cet accompagnement : les ERUN et RUPN, les chefs d’établissement, les inspecteurs et les équipes des DANE et DRNE.

Des outils sont à disposition pour soutenir l’analyse réflexive et apprendre du confinement mais c’est une activité qui nécessite un travail personnel, et qui pourrait être avantageusement étayée par une dynamique collective (pilotée par le chef d’établissement pour l’équipe enseignante, le professeur principal pour une classe, les parents pour une famille, …).

Nous avons chacun déroulé la première boucle ‘courte’ de l’adaptation et avons ainsi parcouru la moitié du chemin. Il serait dommage de ne pas pousser un peu plus loin avec la boucle ‘longue’ en formalisant ces apprentissages pour en tirer le meilleur et progresser ensemble, non ?

Révéler ce qui est tacite pour développer le pouvoir d’agir

J’ai eu l’occasion de visionner quelques interventions de Laurent Bibard, enseignant de gestion et de philosophie et titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité de l’ESCP. Sa vision de la dualité entre complexité et simplicité me semble très éclairante pour comprendre des situations auxquelles nous sommes confrontées au quotidien et inspirante dans une démarche de développement professionnel.

1 – Les concepts de complexité et simplicité

Plusieurs vidéos de conférences de Laurent Bibard sont accessibles sur Youtube, celle-ci est dense et donne les éléments essentiels (7’41”)

L. Bibard définit la complexité comme coexistence de 4 éléments et en déduit une présentation de la simplicité par effet miroir. Le tableau ci-dessous synthétise les grandes idées présentées

Complexité Simplicité
Incertitude
Contradiction
Émergence
Vigilance collective
Sous contrôle
Cohérence
Visible
Leader qui sait pour les autres

Il s’avère que le monde est complexe et cette complexité nous entoure au quotidien. Cependant, nous sommes constamment attiré par un désir et une nécessité de simplicité. Et c’est dans cette tension (à la fois personnelle et collective) entre complexité ambiante et désir de simplicité que réside le nœud de la difficulté constante. Il assimile cette tension simplicité/complexité à la dualité entre les deux logiques de court terme (simplicité) et long terme (complexité) en précisant qu’alors, le long terme peut s’envisager sur des durées très courtes.

2 – Des pistes pour vivre cette tension

Nous oscillons en continu entre des routines que nous maîtrisons (simplicité) et l’incertitude du quotidien (complexité). La solution proposée par L. Bibard consiste à gérer l’incertitude en s’appuyant sur ce que l’on sait déjà faire. On rentre alors dans une démarche d’improvisation, au sens noble du terme, comparable à un travail d’artiste qui s’appuie sur sa technique éprouvée et intégrée pour créer quelque chose de nouveau. Cette démarche d’improvisation ne peut s’envisager que si l’on a conscience de ce que l’on maîtrise effectivement et nécessite donc de révéler (au sens de dévoiler) toutes les aptitudes et compétences intégrées dont nous n’avons plus forcément conscience.

Cette conscientisation de l’ensemble de nos capacités nous permet d’oser affronter des situations que nous ne maîtrisons pas totalement et de nous frotter à cette incertitude. C’est alors que des apprentissages peuvent se développer !

La représentation graphique ci-dessous présente les grandes lignes de cette approche.

3 – Révéler et reconnaître

Il apparaît que l’initiation de la démarche de développement professionnel repose sur la révélation (au sens de rendre visible) et la reconnaissance des aptitudes et compétences de chacun. L’étude réalisée par Aaron Aruck Digital Credentialing for Professional Development Organizations, Benefits, Insights and Recommandations réalisée auprès de responsables de développement professionnel dans différentes institutions et utilisant la plateforme d’openbadges Badge List met en relief deux points intéressants :

  1. L’usage des openbadges est efficace pour aider les personnes à répertorier leurs réussites et à les mettre en perspective dans une logique d’apprentissage toute la vie durant. L’étude précise que la démarche est d’autant plus efficace que les participants peuvent choisir les éléments de preuve qu’ils intègrent au badge.
  2. Les openbadges sont aussi pertinents pour présenter son parcours professionnel, ses apprentissages et les compétences maîtrisées.

Conclusion

Ces éléments tendent à penser que les openbadges peuvent être efficaces pour initier une démarche de développement professionnel en révélant les réussites et compétences de chacun. Cette étape est essentielle pour libérer les énergies et mieux faire face à l’incertitude, aussi bien individuellement que collectivement.

Cette approche ouvre aussi la possibilité d’une ‘éthique de l’essai’, bien en phase avec une obligation de moyen, où l’on n’est pas sûr de réussir, mais on essaie quand même !

 

Des réflexions sur les openbadges

L’open badge est un ‘objet’ à la mode pour reconnaître les compétences informelles. Pour pertinent que peut être cet outil, il serait dommage de ne le voir que comme un bon-point augmenté par la technologie ou comme micro-crédit capitalisable. Il offre la possibilité de passer d’un système déclaratif difficilement vérifiable (le CV) à un autre basé sur la reconnaissance mais ça n’est pas tout. Je vous propose quelques éléments de réflexion à ce sujet …

1 – Compétences informelles, de quoi parle-t-on ?

Pour aborder ce sujet, je vous propose de faire un détour en m’appuyant sur un article de Marc Nagels, La qualité ouverte et dynamique, une opportunité d’apprendre. Il y présente deux approches de la qualité : l’une correspond à la conformité à une norme alors que l’autre s’organise autour d’une démarche d’amélioration continue. Il me semble que cette dualité peut aussi se retrouver dans l’approche des compétences, particulièrement lorsque l’on parle des compétences informelles. On peut voir ces compétences par rapport à une norme, un référentiel, ou dans une démarche d’évolution et d’amélioration continue en s’appuyant sur des expériences variées qui peuvent être des lectures, des échanges, des réalisations, des analyses ou des réflexions.

Cette approche propose ainsi deux perspectives : l’une basée sur ce qui a été validé par le passé, l’autre sur la projection vers l’avenir et le pouvoir d’agir sur son développement personnel et professionnel.

2 – Un point sur la reconnaissance

Jean-Michel Cornu présente dans une courte vidéo les mécanismes de la reconnaissance en comparant ce qu’il nomme l’estime, accordée par le groupe et le prestige, donné par la hiérarchie ou l’institution.

Le tableau ci-dessous récapitule les éléments clivants.

Estime Prestige
Qui l’accorde ? les pairs ou le groupe la hiérarchie ou l’institution
Quelle évolutivité ? évolutif figé
Quel risque d’erreur ? faible fort

Ainsi, si les ‘agents reconnaissants’ sont en nombre limités dans une logique de prestige, ils sont illimités dans une logique d’estime et chacun peut alors être agent reconnaissant et agent reconnu. Les open badges intègrent cette dualité avec le mécanisme d’endossement qui permet l’émission personnelle d’open badges et la reconnaissance par des tiers (pairs, clients, employeurs, …) à postériori, qui approuvent/attestent/valident la compétence ou le projet.

3 – Que peut-on en tirer pour les open badges ?

Ces deux approches offrent des points de vues complémentaires et rejoignent le travail de Serge Ravet qui, dans son article réflexions sur le genèse des Open Badges, propose un plan de la reconnaissance, découpé en 4 quadrants à partir de 2 axes : la forme de la reconnaissance (qui rejoint la dualité estime/prestige)  et de sa modalité (qui rejoint l’approche norme/potentiel)

Chacun des quadrants étant défini comme suit (extrait de l’article cité ci-dessus) :

  • Normatif : l’institution veille à la conformité à la norme (référentiel, curriculum, etc.). Le badge est une accréditation dématérialisée fondée sur des événements passés (supplément au certificat/diplôme).
  • Inclusif : la communauté veille à l’inclusion de ses membres. Le badge est une indication d’appartenance et de participation / contribution à un groupe plus large.
  • Instrumental : les badges émis par l’institution équipent la personne avec des objets dynamiques, à la manière des Tamagotchis qu’il faut nourrir pour qu’ils restent vivants. L’information contenue dans le badge n’est pas tant une description de ce que la personne a fait avant (à destination d’une tierce partie) mais de ce qu’elle peut faire après l’avoir obtenu : participer à certains projets, accéder à de nouveaux parcours d’apprentissage, rendre service à la communauté, etc.
  • Pouvoir d’agir : dans ce quadrant, la personne est l’agent à l’origine de sa reconnaissance et de celle des autres. Elle a le pouvoir de créer ses propres badges (individuels et collectifs) et de rechercher des endossements de tiers au sein de sa communauté et au-delà.

On retrouve bien notre bon-point augmenté dans le quadrant normatif mais il est complété par d’autres facettes des open badges qui sont très riches grâce aux mécanismes d’appartenance, de soutien de la motivation intrinsèque et de développement du pouvoir d’agir, pour ne citer qu’eux.

Ainsi, s’engager dans un projet d’open badges permet d’envisager le développement personnel et professionnel des acteurs avec une approche centrée sur la reconnaissance, décalée de ce qui se vit au quotidien dans nos structures. Que penser de badges comme “bien dans mon travail”, “tu m’as appris …”, “dans un an, j’aimerais être/faire …” ou “le dossier qui me plaît” ? Ils peuvent être farfelus mais aussi apporter une dynamique dans une équipe et soutenir l’engagement dans la durée de collaborateurs sans attester directement de compétences : tout dépend de la façon dont ils sont vécus, utilisés et exploités dans chaque structure. Tout l’enjeu est de faire prendre conscience de cette opportunité à l’ensemble des acteurs concernés par ce sujet.

Et vous, quel badge vous ferait avancer ?

Grille graduée de compétences professionnelles

Il existe de nombreux référentiels de compétences professionnels, je suis tombé sur l’un d’entre eux, développé dans le cadre d’un projet européen sur les compétences des migrants (version originale). Il a l’intérêt de présenter explicitement des niveaux de maîtrise pour chaque compétence, du novice à l’expert.

équipe de professionnels CC0

équipe de professionnels CC0

Les compétences sont regroupées en 3 catégories :

A – A travers le monde du travail

  • Adaptabilité et flexibilité
  • Motivation
  • Sens des responsabilité
  • Gestion du temps

B – Compétences sociales

  • Communication
  • Travail en équipe
  • Gestion des conflits
  • Écoute

C – Atteinte du résultat

  • Prise de décision
  • Résolution de problèmes
  • Créativité et innovation
  • Pensée critique et pensée structurée

Cette approche me semble intéressante et j’ai donc pris le temps de le traduire en français pour qu’il soit plus facilement exploitable. Vous pouvez le consulter ci-dessous ou le télécharger ici.

Il me semble qu’il manque une compétence autour de l’apprendre à apprendre, je vous propose donc de co-construire la grille correspondante en utilisant le pad accessible ici.

Merci à chacun pour votre contribution ! 😉

PS : Cette traduction est toute personnelle, n’hésitez pas à m’informer de toute erreur ou formulation malheureuse.

Culture numérique : enjeux et défis

Plusieurs lectures m’interrogent sur l’impact du numérique sur la société. Quels sont les enjeux, les potentiels, les freins et leviers, … Il me semble que le numérique offre un vrai potentiel de services mais qu’il est aussi source de peurs. Voici quelques réflexions personnelles pour tenter de cerner la question. 

1 – Définition et problématique

Milad Doueihi, titulaire de la chaire d’humanisme numérique à l’université de Paris-Sorbonne, propose lors de son intervention au colloque Edcamp « les humanités numériques pour l’éducation » une distinction entre l’informatique qui est une science et une industrie et le numérique qui est une culture.

On sent bien cette notion culturelle quand on parle de ‘transition numérique’ pour évoquer l’évolution de nos organisations. On est dans la même logique quand on parle de ‘fracture numérique’ pour regrouper toutes les personnes qui sont marginalisées par l’informatique, que ce soit lié à l’équipement, à l’accès ou à la maîtrise de l’usage.

Autant on pouvait faire l’impasse sur cette culture il y a encore quelques années, autant cela devient de plus en plus délicat quand on voit comme tous les services deviennent accessibles (exclusivement) en ligne. Les stratégies de contournement ou de camouflage ne peuvent plus tenir longtemps. Mais alors, comment fait-on pour acculturer nos collègues ? Nos voisins ? Nos parents ? Et toutes ces personnes qui, petit à petit, sont ‘larguées’ par le numérique ?

Pour répondre à cette question, il me semble important de bien préciser de quoi l’on parle.

2 – Les usages des outils

J’avais proposé il y a quelques temps une classification des outils numériques par famille d’usages (à l’époque je ne faisais pas de distinction numérique/informatique) : apprendre, organiser, échanger, traiter des données, se divertir et consommer. des outils numériques pour_14_ par familleIl apparaît que ces outils ne créent pas de nouveaux usages : bien avant l’arrivée du numérique, on jouait déjà, on apprenait déjà, on traitait déjà des données … Si rien n’est nouveau, tout est quand même chamboulé. En effet, l’informatique ne crée pas de nouveaux usages, il les modifie par ce qu’il intègre ‘naturellement’ des potentiels nouveaux.

3 – Les évolutions de l’informatique

L’informatique a évolué ces dernières années dans de nombreuses directions. En voici 7 qui me semblent accessibles au grand public :

  • Social : le numérique est support de réseaux sociaux qui permettent de se connecter et échanger avec le tiers de la population mondiale (soit 2,6 milliards de personnes, selon wearesocialsg)
  • Mobile : les smartphone et les réseaux de communication nous permettent d’accéder à internet de (presque) n’importe où.
  • Big Data : les échanges de données, la diffusion d’informations et la capacité à les analyser et traiter ne cessent de croître. La diversité des données échangés (texte, image, son, vidéo, like, mesures, échanges bancaires, position géographique,…) couplée à leur quantité et l’intensité de ces échanges permet de parler de big data (caractérisé par les 3 V: Variété, Volume, Vitesse).
  • Local : la géolocalisation permet de proposer des services au plus proche (au sens géographique du terme) du besoin, que ce soit des logements (avec AirBnB), des déplacements (avec blablacar ou Uber) ou des courses alimentaires (avec les drive fermiers).
  • IoT – Internet of Things : l’internet des objets regroupe tous ces objets communicants, du thermostat au cardioféquence-mètre qui permettent de traiter les données de notre quotidien ou piloter notre environnement (domotique, etc…)
  • RA & RV – Réalité Augmentée et Réalité Virtuelle : la Réalité Augmentée et la Réalité Virtuelle arrivent pour nous faire vivre des expériences plus riches, que ce soit lors de la visite d’une exposition, la conception d’un nouveau produit ou une opération médicale.
  • IA – Intelligence Artificielle : elle se propage de manière discrète mais certaine, que ce soit pour rendre des objets mobiles autonomes (des drones aux Google cars), pour reconnaître des consignes vocales ou analyser des images (voir 10 startup à suivre dans le domaine)

6 de ces évolutions sont présentes dans Pokémon Go : C’est un jeu foncièrement social (partage d’image, constitution d’équipes) qui se joue sur son téléphone en mobilité (pour aller chercher les pokémons qui apparaissent en réalité augmenté) où que l’on soit et tout près de soi (local). Il génère une quantité phénoménale de données (big data) et on peut s’acheter le bracelet connecté pour chasser les pokemons (IoT).

4 – Les potentiels et enjeux

Toutes ces avancées offrent des possibilités considérables dans trois domaines en particulier. Ces opportunités peuvent être formidables mais chaque médaille a son revers, prenons conscience des limites et enjeux stratégiques qui se cachent derrière chacune d’elles :

  • Fédération de collectif : on se souvient de la pétition contre la loi travail qui a fédéré plus de 1,3 millions de signatures, le développement de wikipédia qui mobilise plusieurs dizaines de milliers de contributeurs, mais aussi les MOOC qui comptent leurs inscrits par (dizaines de) milliers. Ce potentiel est très riche mais il remet en cause les organisations hiérarchiques pyramidales actuelles en introduisant des fonctionnements ‘horizontaux’. Dans les pays anglo-saxons, on parle de Wirearchy pour décrire ces nouveaux fonctionnements qui sont facilités par l’usage des outils informatiques mais sont avant tout des questions d’organisation, de relation et de ‘répartition des pouvoirs’.
  • Mobilité : Toutes les informations et tous nos contacts sont accessibles de n’importe où et où qu’ils soient – et on est bien contrarié quand la technologie nous résiste … Cet aspect est appréciable quand on est à la source de la demande mais elle est beaucoup moins tolérable quand on la subit. les outils informatiques introduisent une perméabilité entre les temps personnels et professionnels (où l’urgence est la norme) ; cela peut générer des pressions difficilement supportables dans la durée.
  • Archivage et traitement des données : Le potentiel d’archivage et de traitement des données ne cesse de croître. Tout est accessible en ligne, de partout et gratuitement. Mais si c’est gratuit, c’est moi le produit ! et je ne suis pas le seul à lire, traiter et analyser tous ces documents que je partage dans mon Google Drive ou tout ce que je poste sur Facebook. Il en va de même pour toutes les traces (inconscientes) que l’on laisse en ligne : requêtes, positions, même un simple clic, tout est enregistré.

Il est aussi à noter que ces services sont accessibles en continu sur Internet, sans question de jour ou de nuit et que cette continuité de service a un coût énergétique assez considérable et un bilan carbone inquiétant (cf. infographie de e-rse.net).

5 – Revenons à l’acculturation

Pour initier à cette culture, on pourrait aborder l’appropriation des outils informatiques selon 3 dimensions :

  1. Tout devrait partir du besoin : qu’est-ce que je veux faire ? La réponse à cette question oriente vers l’outil (ou les outils) et implique un premier niveau de prise en main opérationnelle. On est dans un niveau de savoir-faire qui n’implique pas forcément une compétence.
  2. Dans un deuxième temps, il faudrait comprendre la logique sous-jacente et maîtriser le choix de l’outil adapté à la situation. On passe alors à un premier niveau de compétence liée à l’usage, que l’on pourrait qualifier d’incomplète.
  3. Enfin, il faut maîtriser les enjeux qui englobent les opportunités mais aussi les contraintes (même mes plus cachées …) On pourrait alors parler  de compétence complète qui correspond à un usage pertinent et raisonné de ces outils.

Ces trois niveaux sont très imbriqués et le découpage peut paraître artificiel mais il permet de repérer des niveaux de compétence qui pourraient être croisés avec les différentes familles d’usage repérées ci-dessus. Cette progressivité est dans la logique du B2i adultes et de la littératie numérique comme présentée par Habilo Média et représentée ci-dessous.

La littératie numérique, par Habilo Medias : avoir accès, utiliser, comprendre, créer

La littératie numérique, par Habilo Medias

Cette culture numérique est là ! Et le chantier d’acculturation est très vaste. La question est maintenant de savoir comment déployer une formation massive au numérique pour des personnes éloignées de cette culture ?

Comme vous le constatez, je n’apporte pas de solution clé en main. Vos remarques, analyses, initiatives sont les bienvenues, n’hésitez pas à les partager ci-dessous : nous construirons peut-être ensemble un début de solution !

La classe inversée n’est pas qu’une mode, c’est un bouleversement !

On parle beaucoup de classe inversée : »les leçons à la maison et les exercices en classe ». Ce schéma est réducteur mais il questionne l’organisation globale de la classe et je vois plusieurs raisons pour lesquelles cela ne passe pas comme une mode. Ancienneté du phénomène, re-définition du travail hors classe, nécessité de scénarisation des séquences, autant d’éléments qui justifient le développement de ce phénomène dans la durée. 

1 – Ça n’est pas nouveau

En effet, depuis longtemps des enseignants demandent de lire un document avant une séquence puis s’appuient sur cette lecture préliminaire pour construire leur progression. La ‘nouveauté’ vient de la facilité d’utilisation des technologies (et en particulier de la vidéo) pour créer et diffuser ces ressources préliminaires. C’est aussi grâce à ces technologies simples d’accès que cette démarche s’est largement diffusée depuis quelques années.

Cet aspect des technologies qui ouvrent des possibles et ainsi interrogent les démarches pédagogiques me semble tout à fait intéressant.

2 – La classe inversée interroge la place du travail hors classe

La lecture du dernier dossier de veille de l’IFE aborde ce sujet des représentations et enjeux du travail personnel de l’élève.

En effet, dans une logique de pédagogie inversée, l’enseignant ne demande plus ‘où s’est-on arrêté la dernière fois ?’ mais plutôt ‘qu’avez-vous appris, découvert ou re-découvert depuis la dernière fois ?’. Ainsi, on se centre sur l’élève et son activité d’apprentissage, quel que soit le lieu de sa réalisation. Cette démarche nous fait entrer (élèves et enseignants) dans un continuum d’apprentissage où l’enseignant guide l’élève pour lui faire découvrir les méthodes efficaces pour apprendre : prise de note, carte mentale, analyse réflexive, recherche documentaire, analyse critique, etc.C’est toute la méthodologie d’apprendre à apprendre qui peut se mettre en place en adoptant ce type de pratiques.

Cette logique permet de s’appuyer sur le contenu du programme pour développer des compétences de haut niveau : argumentation, esprit critique, collaboration, synthèse, apprendre à apprendre, etc.

 3 – La classe inversée impose de scénariser les séquences pédagogiques

Cette stratégie pédagogique impose de scénariser sa progression et peut aller beaucoup plus loin que l’inversion proposée à l’origine. C’est ce que propose Marcel Lebrun dans son livre Classe inversée – Enseigner et apprendre à l’endroit ! et sur son blog. En fait, cela s’intègre dans une logique beaucoup plus large d’hybridation des dispositifs de formation. Cela fait plusieurs années que la formation d’adultes s’est lancée dans cette logique qui fait ses preuves : utiliser les temps en face à face pour rythmer des travaux collaboratifs, personnaliser les apprentissages, proposer des remédiations si nécessaire, et renforcer le lien social.

La notion de rythme me paraît essentielle dans cette scénarisation : les activités en classe et hors classe doivent s’articuler, se répondre et se nourrir mutuellement en articulant judicieusement les activités en classe et hors classe, individuelles et collectives.

Conclusion

Tous ces éléments me poussent à croire que la classe inversée a de beaux jours devant elle, non pas parce que c’est la panacée, mais bien parce qu’elle offre des possibilités très riches et pose des questions pédagogiques essentielles. De plus, on peut très bien commencer par une petite séquence avant de chambouler toute sa progression. Des ressources pour se lancer sont répertoriées de-ci de-là (par exemple ici)

Cette démarche, toute pertinente qu’elle soit, nécessite d’être présentée, explicitée, justifiée auprès des élèves mais aussi de leurs parents, voire de la communauté éducative. Voici comment Annick Carter présente aux parents sa démarche.

Enfin, si on analyse la pédagogie inversée au crible de la pédagogie ouverte, on constate qu’elle concrétise tous les aspects liés à la transparence : montrer le processus d’apprentissage, expliquer par l’image et même ouvrir les données (si l’enseignant diffuse ses ressources sous licence libre). De même, elle nécessite des partenariats, au moins avec les parents d’élèves comme précisé ci-dessus (collaboration) et offre une certaine souplesse en laissant des choix aux élèves (participation).

pédagogie ouverte

pédagogie ouverte

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne rentrée à tous et vous proposer de réagir dans les commentaires ci-dessous, ils sont là pour ça !

Accueillir des publics variés : et si c’était une chance ?

Les établissements de formation qu’ils soient scolaires ou universitaires sont de plus en plus confrontés à une variété de publics. Dans ce contexte, nous essayons de voir, au niveau de l’académie de Dijon, comment faciliter cette évolution et comment accompagner les équipes concernées.

1 – Variété de publics, de quoi parle-t-on ?

En effet, il est d’abord essentiel de préciser ce que recouvre cette variété. Elle peut se limiter à une variété de statuts (élèves ou étudiants, apprentis, stagiaires de la formation continue), mais peut aussi englober des réalités sociales plus larges : primo-arrivants, élèves ou étudiants issus d’une réorientation ou d’une équivalence grâce aux multiples passerelles maintenant possibles à tous les niveaux ou les personnes en situation de handicap. Au niveau de l’académie de Dijon, nous nous sommes concentrés, pour l’instant, sur la mixité de statuts et proposons un premier guide qui en présente les différentes facettes.

D’autres institutions sont dans une même démarche, M. Lebrun présente ainsi les évolutions à l’Université Catholique de Louvain « L’université propose des parcours à la carte, en décloisonnant les disciplines. Tout individu (quelque soit son âge et son parcours de vie) peut venir y chercher une formation courte ou plus longue correspondant à son besoin : “la bonne formation au bon moment”, et ceci tout au long de la vie ».

2 – Quels choix pédagogiques ?

Quel que soit le périmètre pris en considération, il faut innover pour proposer une organisation et une pédagogie adaptées à cette variété des publics. Comme le dit P. Meirieu, « l’innovation n’est pas d’abord une question de technique, de savoir-faire, c’est d’abord une question d’adhésion à des valeurs ».

Nous pouvons présenter les choix pédagogiques bourguignons selon trois axes :

  • Donner du sens aux apprentissages : c’est un élément fondamental pour motiver les différents publics. Ce sens passe par une explicitation de la cohérence entre les différentes disciplines et du lien entre savoirs, savoir-faire et savoir-être et la notion même compétence.
  • Orienter les formations vers le développement de compétences : ce deuxième aspect est essentiel pour répondre aux attentes de tous les publics. Les compétences se développent tout au long de la vie, dans la variété des situations rencontrées et les temps de formation sont là pour aider à conscientiser ces apprentissages et les faciliter.
  • Passer du défi de l’hétérogénéité à l’opportunité de la diversité : cela signifie que l’on passe d’un modèle simultané (où tous les apprenants suivent le même cursus) à un modèle mutuel (où l’apprentissage se construit de façon collaborative avec un enseignant qui est une ressource parmi d’autres).

Ces axes nous ont poussés, depuis plusieurs années, à organiser nos formations à partir de mises en situations se rapprochant le plus possible de situations réelles. On peut repérer 5 familles de mises en situation :

  • l’expérience antérieure : elle peut être professionnelle pour tous les stagiaires de la formation continue et  il est alors essentiel de la prendre en compte. Elle peut aussi être associative et est tout aussi valorisable (pôle emploi et l’association fondaction du football ont ainsi développé un guide « Comment valoriser vos activités sportives bénévoles dans le cadre de votre recherche d’emploi ? »)
  • les périodes en entreprises : que ce soit sous forme de stage, de période de formation en milieu professionnel ou d’alternance. La difficulté est alors de suivre l’évolution des compétences de l’apprenant dans ce contexte professionnel que l’organisme de formation ne maîtrise pas. Un gros travail doit être mené, tout au long de ces périodes, pour cadrer les missions de l’apprenant, repérer les activités réalisées et les apprentissages développés.
  • les entreprises d’entraînement pédagogiques : ces entreprises virtuelles sont  utilisées comme lieux de formation pratique pour plonger des apprenants dans un contexte professionnel réel. Ces entreprises sont coordonnées en réseau au niveau français et international.
  • les mises en situations didactiseés : au travers d’un scénario réaliste, les apprenants doivent réaliser des missions de difficulté croissante en utilisant des supports variés. Le réseau des GRETA de Bourgogne collabore avec les Editions Piriac pour développer des coffrets pour travailler les compétences transversales et préparer la certification CléA.
  • Les projets ou problèmes : qui sont des approches pédagogiques permettant de recréer des situations proches d’un contexte professionnel et permettent d’aborder différentes phases du cycle de vie d’un produit commercialisable.

Cycle de vie d'un projet vs. méthode pédagogique

3 – Quelle concrétisation ?

L’approche pédagogique proposée est donc de multiplier les mises en situation pour aider chaque apprenant à développer ses compétences. La démarche proposée se passe en plusieurs étapes :

  1. Réalisation de la mise en situation
  2. Analyse personnelle et/ou collective qui peut se dérouler à la fin de la mise en situation mais aussi ‘au fil de l’eau’, pour être toujours en cohérence avec la démarche d’apprentissage. Elle permet de:
    • relire la situation, son contexte et les paramètres importants,
    • repérer les difficultés rencontrées,
    • présenter les stratégies envisageables et celle qui a été finalement choisie,
    • évaluer la démarche mise en œuvre, ce qui permettra de repérer les pistes d’amélioration,
    • repérer les compétences développées, qu’elles soient transversales ou spécifiques.
  3. Apports spécifiques qui peuvent être fait par l’enseignant-formateur ou en utilisant des ressources existantes,
  4. Remédiation pour faciliter l’appropriation des notions qui ne sont pas encore bien assimilées.

Cette approche renverse le problème de l’intégration de publics alternants dans une section de formation initiale par voie scolaire en se focalisant sur les compétences. En effet, elle vise la professionnalisation des élèves par la voie scolaire autant que les alternants plutôt que la synchronisation du rythme des alternants sur le rythme scolaires. Si ce point de vue peut être critiquable pour des publics de niveau IV et V, je suis convaincu (pour l’avoir vécu et relaté tout au long de ce blog) qu’il est adapté pour les niveaux III et plus.

Graphiquement, cette vision peut se présenter comme suit :

mises en situation et compétences

Cette démarche nécessite un investissement non négligeable des enseignants et il nous a semblé important de proposer un accompagnement pour les équipes pédagogiques intégrant des apprentis ou des stagiaires de la formation continue pour les aider à avancer dans cette direction. Nous avons donc rédigé un deuxième guide accompagner une équipe confrontée à une mixité de publics qui propose 5 axes pour avancer :

  • Les partenaires,
  • L’organisation pédagogique,
  • Le suivi des activités réalisées,
  • La personnalisation du parcours et la remédiation,
  • L’impact de l’alternance sur les autres élèves de la section.

Ce document pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses ! Les contextes sont tellement spécifiques d’un établissement à l’autre, d’un secteur d’activité à l’autre, qu’il nous semble plus pertinent d’adopter la même démarche que celle proposée aux apprenants.

Ces éléments vous interpellent ? N’hésitez pas à réagir ! Ils vous motivent ? utilisez les ressources proposées et racontez-nous vos retours !

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