Engager les participants dans une formation

On m’a récemment demandé d’intervenir pour présenter l’apprentissage expérientiel à des formateurs du 1er degré. Je vous propose ci-dessous un retour sur cette intervention en présentant le contexte, le déroulé et le fruit des échanges. Un très bon moment d’animation, stimulant et riche.

1 – Le contexte de la formation

Si l’on veut qu’une telle intervention soit utile, il me semble essentiel qu’elle s’ancre dans le quotidien professionnel des participants. Tous les participants sont animateurs d’au moins une constellation du plan français du 1er degré. Ces constellations sont des groupes d’une petite dizaine d’enseignants qui se retrouvent 5 à 6 fois par an pour travailler ensemble sur une difficulté partagée dans l’enseignement du français, dans une logique de lesson study. Ce concept est présenté ici et se déroule en 6 étapes :

  1. Choix du sujet d’enseignement ;
  2. Étude de ce sujet ;
  3. Planification ;
  4. Mise en œuvre et observation ;
  5. Débriefing ;
  6. Diffusion.

En amont de la rencontre, j’avais travaillé avec les organisatrices pour identifier les « points de blocage » que rencontrent les participants afin d’être au plus proche du réel. Il est vite apparu que l’engagement des participants dans le dispositif était une difficulté récurrente et que cela pouvait être un bon « cas d’étude » pour notre demi-journée.

2 – L’apprentissage expérientiel

L’apprentissage expérientiel a été conceptualisé par David Kolb et peut se présenter comme suit.

Il faut noter que la phase d’analyse est une relecture de ce qui s’est passé alors que la phase de généralisation est la confrontation avec d’autres points de vue : ce que dit la recherche, des échanges entre pairs, …On peut tout de suite remarquer le lien fort entre cette stratégie d’apprentissage et les lesson studies.

La vidéo ci-dessous présente ma vision des choses sur l’intérêt et la mise en œuvre en classe et dans une logique d’apprentissage tout au long de la vie.

Ainsi, le sujet de travail pour cette demi-journée était « l’engagement des participants dans une formation de type constellation » et la forme suivait la démarche de l’apprentissage expérientiel. Nous avons alterné des temps en petits groupes (pour chaque question) et des temps de synthèse collective pour capitaliser les contributions de chaque groupe et permettre quelques réactions.

3 – Première partie : le point de vue du formateur

a) Quels comportements permettent d’identifier ce comportement négatif ?

Il est important d’être vigilent à ces différents signes pour pouvoir s’ajuster au plus vite et adopter la posture qui nous semble la plus adaptée. Voici donc une liste des signes identifiés : bras croisés, utilisation du téléphone, éléments de discours, silence, autres occupation (correction de copies, de cahiers), absence, retard, départ anticipé, manteau conservé, pas de prise de note, pas de regard, retrait  »physique’ par rapport au groupe, humour déplacé, résistance à la démarche (« je veux des conférences de chercheurs »), soupirs, lever les yeux au ciel, changement de sujet (avec un sujet périphérique qui devient principal), discours contre l’institution, bavardage, regroupement physique des réticents.

remarque : Les différentes listes présentées dans cet article ne visent pas l’exhaustivité, ce sont les contributions des participants. Celle-ci permet quand-même de repérer un bon nombre d’éléments d’alerte.

b) Comment je me suis senti ?

Ces éléments d’alerte ne sont pas qu’externes, on peut aussi en ressentir intérieurement, ils sont aussi à identifier. Je me suis senti : agressé, diminué, vexé, isolé, en alerte, irrité, en colère, remis en question dans ma professionnalité, visé personnellement, déstabilisé, démuni, interrogatif, résigné, compréhensif, stimulé, challengé, partagé (partir ou rester ?).

Il me semble particulièrement intéressant de repérer que si les formateurs se sentent majoritairement blessés et agressés, il est aussi possible de s’appuyer sur ces réactions pour en tirer de l’énergie (stimulation, challenge).

La verbalisation de ces différentes émotions devrait permettre d’y être plus attentif une prochaine fois, de mieux les identifier et, si possible, retourner cette énergie en positif.

c) Comment j’ai réagi ?

Il est maintenant temps de partager comment chacun a réagi dans cette situation. Cela permet, personnellement, de clore la phase d’analyse et, collectivement, d’engager la phase de généralisation.

  • S’appuyer sur son capital sympathie ;
  • Feindre l’indifférence ;
  • Chercher dans ma « bibliothèque de stratégies » ;
  • Poser un cadre clair au départ, logique de contrat par rapport aux attitudes indésirables (manger, téléphone, …) ;
  • S’appuyer sur l’humour ;
  • Lâcher prise : prendre le temps avant de juger, compréhension, écouter le groupe ;
  • Prendre des notes pendant les échanges pour rebondir sur ce qu’ils disent et les valoriser ;
  • Aller dans du contenu pour gagner en légitimité. Cela nécessite d’être confiant dans les apports que l’on va faire qui doivent être solides, penser à nourrir le groupe ;
  • Créer les conditions de l’écoute.

On peut classer ces différentes modalités d’action en 2 catégories : d’une part, celles qui peuvent être anticipées et qui vont permettre de poser un cadre, de créer les conditions de l’écoute ; et d’autre part, celles qui se décident dans l’instant et que l’on va choisir dans notre bibliothèque de stratégies. La phase de transfert correspond ainsi à la préparation de tout ce qui semble pertinent d’anticiper et de se construire ce catalogue de stratégies, à choisir « au débotté ».

4 – Deuxième partie : le point de vue du participant

a) Quels sont les freins ?

Nous abordons maintenant le même sujet en changeant de point de vue. Cela nous permettra d’adopter un autre cheminement, complémentaire au précédent. Les freins identifiés chez les participants sont importants à identifier pour pouvoir les anticiper. Voici ceux que nous avons répertoriés : Les préoccupations extérieures à la constellation / au travail, les horaires, le lieu, le sentiment du travail non reconnu (cela vient se surajouter à tout le reste), les résistances à l’égard de l’institution, le contenu ‘imposé’ (Français ou Maths et pas climat scolaire ou différenciation, …) la peur de s’exposer au groupe, peur des visites croisées, peur de travailler ensemble, en équipe, l’ancienneté de la personne, le côté infantilisant de la formation, les désaccords entre pairs, le mauvais feeling avec le formateur, avec ‘leur histoire de formation’, l’image du conseiller pédagogique perçu comme l’œil de Moscou, la disponibilité intellectuelle (charge mentale) après une journée de classe, les formations sur temps scolaire sont ‘plus porteuses’, la posture du directeur qui n’a pas été pensée dans la constellation, les visites croisées imposées, la question du remplacement.

Comme on peut le constater, cette étape d’analyse permet d’identifier de multiples freins et le formateur n’a malheureusement pas prise sur tous…

b) Comment rassurer et donner envie de s’engager ?

Après avoir identifié les freins, il va falloir chercher à les lever. Voici les propositions qui sont sorties des différents groupes lors de cette phase de généralisation :

  • Être explicite sur le cadre, les attentes, les rôles, que le contrat soit clair.
  • Anticiper sur ce que l’on va donner comme contenu, sur ce qu’on va faire la fois suivante, rappeler par un mail, envoyer des bilans, utiliser des outils numériques pour documenter, capitaliser, …
  • L’idée de contrat est primordiale : tout le monde est engagé (droits et devoirs).
  • Recueil des besoins des enseignants sur leurs attentes.
  • Montrer l’intérêt de la constellation : prendre le temps pour construire sur un point bien précis.
  • Le temps long qui peut paraître un frein est mis à profit pour construire dans la durée. C’est profitable.
  • Penser la différenciation entre les collègues (niveau d’expertise) pour que tout le monde y trouve son compte : ancien maître formateur qui est associé (pour son expertise), content de partager ce qu’il savait, content d’observer des enseignants experts. Un réel point d’appui pour mettre en valeur les geste pro des enseignants.
  • Penser le matériel comme indicateur de ce qui va se passer (c’est rassurant).
  • Penser l’enrôlement du directeur.
  • Le formateur mène la première séance de visite croisée pour libérer les participants.
  • Le cadre est présent mais il offre une certaine liberté ! Choix de ce qui va être mis en œuvre, dans l’organisation, …
  • Logique de co-construction : impliquer tous les participants dans un travail collectif, une dynamique de groupe.
  • Prendre les notes pour donner des bonnes conditions, montrer le sérieux du formateur pour libérer les participants des aspects matériels.

La grande majorité des pistes proposées touchent au cadre que le formateur met en place, aussi bien au niveau de l’organisation matérielle et temporelle que sur la prise en compte des réalités de chaque participant.

c) Que mettre en place ?

L’objectif est maintenant d’identifier ce que l’on peut mettre en place concrètement pour formaliser ce cadre. Il était prévu de travailler sur une charte de la constellation mais nous n’avons malheureusement pas pu mener ce dernier temps… Les organisatrices de la rencontre devraient pouvoir organiser un temps de travail en ce sens ultérieurement.

Il était aussi possible de travailler sur les observations croisées en identifiant des observables intéressants et mettre en place des grilles d’observation.

5 – Des éléments complémentaires

Durant chaque temps de travail en groupe, il était proposé à un participant d’être observateur. Nous prenions 2 minutes ensemble pour identifier un objet d’observation : l’ambiance générale, l’organisation de la prise de parole, l’écoute, la prise de note, … L’observateur faisait un petit compte-rendu à la fin du temps de travail.

Deux participantes m’ont interpelé sur le vocabulaire que j’utilisais qui était plus du domaine affectif que professionnel (« rassurer » plutôt que « sécuriser »). Je trouve cette remarque très pertinente. Je ne fais pas toujours attention au vocabulaire que j’utilise et j’apprécie ce retour précis et professionnel. Il va falloir que j’y veille pour mes prochaines interventions.

Enfin, j’ai repris une idée de François Muller en proposant qu’une personne note « les 10 bonnes idées » identifiées lors de cette demi-journée. Les voici :

  1. Mettre en place un contrat de communication ;
  2. Pour une mise en commun « démocratique » : une idée par groupe, pour permettre à tous les groupes d’échanger en respectant les tours de parole
  3. Bluffer : des formateurs qui font croire aux enseignants qu’ils sont « engagés » (par exemple : tout le monde a répondu au questionnaire ou partager des expériences de classe non vécues)
  4. Poser des observateurs avec une focale
  5. Laisser aller l’atmosphère, d’une certaine manière, lâcher prise sur la forme de l’animation
  6. Après la collecte, le formateur qui souligne des points importants (les mots en gras dans le texte de cet articles). Cela renvoie au groupe un éclairage, redynamise
  7. Chercher en individuel puis collectif
  8. Donner des rôles dédiés aux réfractaires
  9. Garder les bonnes idées
  10. Soutenir le discours avec des images : ça peut apporter de l’humour, de la provocation, de la poésie…

Voilà, vous savez tout sur cette intervention qui fut un réel plaisir à animer, tant le groupe était enthousiaste, dynamique et pertinent.
Merci Stéphanie et Yasmina de m’avoir fait signe, à une prochaine fois !

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La question du plaisir en formation

Le plaisir est un levier puissant pour engager des personnes dans une action spécifique. Qu’en est-il pour une formation ? Quels sont les éléments qui peuvent procurer un certain plaisir ou une satisfaction ? Voici quelques pistes en vrac, pour réfléchir, échanger et avancer…

le CNTRL définit le plaisir comme un « état affectif agréable, durable, que procure la satisfaction d’un besoin, d’un désir ou l’accomplissement d’une activité gratifiante ». Cette définition permet d’avoir une vision large du plaisir et d’analyser une formation selon 3 facettes particulières : le contexte, les activités et les apprentissages.

1 – Un tiraillement initial

Les apprentissages qui se développent dans le cadre d’une formation sont ceux qu’André Tricot caractérise comme non-adaptatifs (cf. cette vidéo) et donc, qu’ils ne s’acquièrent pas de façon implicite et inconsciente. Ils nécessitent un effort qui peut être couteux.

La notion de plaisir est éloignée de l’effort couteux mais c’est une vrai source d’engagement et de persévérance. Il serait donc dommage de se priver de ce moteur puissant, et c’est ce tiraillement entre le plaisir et l’effort couteux que doit gérer le formateur. Comment stimuler les participants, leur faire éprouver du plaisir, de la satisfaction ou un certain épanouissement pour qu’ils s’impliquent durablement dans l’apprentissage ?

Trois éléments me semblent stimulants dans cette logique…

2 – Le contexte

Aller en formation peut être un élément stimulant en soi. D’abord, on peut envisager la formation comme un élément de reconnaissance et il faut en avoir conscience. Ensuite, c’est souvent plaisant de changer de cadre, de sortir la tête du guidon pour prendre en peu de recul et la formation peut permettre cette parenthèse ou ce pas de côté. Enfin, la formation permet aussi de découvrir ou retrouver des lieux dépaysants, des personnes riches. Tous ces éléments sont liés au contexte de la formation et ne doivent pas être négligés lorsque l’on envisage une formation. Ainsi, on ne maîtrise pas forcément la constitution du groupe, par contre, on peut avoir la main et choisir un lieu inspirant et pas trop éloigné des participants.

Les temps de pause sont aussi essentiels en formation. Ils fournissent le cadre à tout l’informel, tant recherché par nombre de participants. faisons attention à l’accueil des participants et à la pause méridienne, nous ne le regretterons pas.

Une question particulière se pose pour les formations à distance où le participant ne change pas de lieu et ne profite d’aucun dépaysement. Le contexte est alors moins stimulant pour susciter du plaisir et il faudra être attentif à cette dimension quand on abordera les autres aspects de la formation.

3 – Les activités

De nombreux éléments liés aux activités d’apprentissage peuvent apporter du plaisir. Passons-en quelques-uns en revue quelques :

  • Les interactions et échanges avec les participants et les formateurs sont stimulantes et sources de plaisir. De nombreux enseignants recherchent ces temps, plus ou moins formels d’échanges entre pairs.
  • Les activités, en elles-même, peuvent être plaisantes. Qu’elles soient ludiques, collectives, créatives, elles peuvent être source d’émotion et procurer une réelle satisfaction.
  • Les productions, fruits de ces activités, sont aussi des éléments qui peuvent procurer un plaisir certain. L’exposition de ces productions est une forme de valorisation très intéressante pour stimuler le plaisir et la satisfaction.
  • L’évaluation des apprentissages est un autre élément qui peut procurer du plaisir. Il est alors essentiel de tolérer le droit à l’erreur et d’instaurer un climat bienveillant. Cette évaluation n’est pas une prérogative exclusive du formateur mais peut tout à fait s’envisager de façon personnelle ou par les pairs pour tisser des relations et reconnaitre, entre participants, les richesses et progrès de chacun (des pistes de réflexions sont proposées ici).

Tous ces éléments sont des leviers, des outils, à disposition du formateur pour construire sa formation. ils sont utiles et pertinents pour assurer une formation vivante, stimulante et dynamique. Cette vidéo permet de parcourir tous ces éléments de façon un peu approfondie.

4 – Les apprentissages

C’est ce dernier élément qui est le plus fort stimulant que l’on peut rechercher en formation et la « vraie raison d’être » de la formation. En effet, toute formation d’enseignant doit l’aider à mieux comprendre sa situation personnelle, ses relations avec les élèves et les difficultés rencontrées. La joie de comprendre, sentir que le voile se lève et que des perspectives s’ouvrent, voilà la raison d’être de toute formation. Dans cette logique, les activités proposées lors de la formation peuvent contribuer à cet ‘eurêka’, dans la mesure où elles sont inspirantes et/ou transposables, sous certaines conditions ou adaptations. Pour atteindre cette compréhension par les participants, il est intéressant d’expliciter ses intentions et la cohérence recherchée afin que les participants comprennent le cheminement et puissent se l’approprier plus facilement.

5 – Et pour le formateur ?

On retrouve les mêmes sources de plaisir pour les formateurs que pour les participants, avec un effet de démultiplication si l’on prend en compte que l’on se fait plaisir en préparant, vivant, animant une formation mais aussi que cela fait plaisir de faire plaisir. Sentir que l’on apporte un éclairage, un outil, une démarche qui va aider les collègues dans leu quotidien est très gratifiant.

Aider à comprendre et à progresser est une grande source d’épanouissement et de satisfaction !

6 – En conclusion

A nous, formateurs, de mettre en place des formations qui éclairent et stimulent nos collègues aussi bien par les contenus de formation que par le contexte de réalisation ou les modalités mises en œuvre tout au long du dispositif. A nous d’être cohérents et d’expliciter cette cohérence pour aider les participants à tisser les liens et construire leur compréhension des situations d’enseignement/apprentissage. Cette cohérence et son explicitation sont d’autant plus essentielles que la formation se déroule à distance.

Enfin, voici trois vidéos inspirantes sur le sujet, d’André Tricot, du FFFOD et de Phiippe Meirieu. Bon visionnage !

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La différenciation, une approche centrée sur les élèves

Il est illusoire de croire que tous les élèves vont pouvoir développer les mêmes connaissances et compétences au même rythme et selon la même chronologie stricte. Même si ce rêve est toujours dans la tête de certains, la réalité du terrain nous contraint à envisager des adaptations de ce mode de fonctionnement, sans forcément aller jusqu’à l’école mutuelle qui était l’alternative à l’éducation centralisée au XIXème siècle. Un juste milieu peut exister, où l’enseignant a toute sa place pour accompagner chaque élève dans ses apprentissages.

1 – De quoi parle-t-on ?

On peut facilement confondre plusieurs notions et il est intéressant de commencer par les définir :

  • L’individualisation est la prise en compte des spécificités d’un apprenant pour lui adapter un parcours de formation ‘sur mesure’. Cela peut se traduire par exemple par la dispense ou l’ajout de certains modules de formation selon le parcours antérieur de chacun. La modularisation de la formation facilite l’individualisation.
  • La personnalisation consiste à tisser des liens sociaux pour mettre en place un accompagnement afin d’intégrer l’apprenant au mieux dans le dispositif de formation : les rencontres, les forums, le tutorat sont des éléments de cette personnalisation de la formation.
  • La différenciation ‘consiste à mettre en œuvre un cadre souple où les apprentissages sont suffisamment explicités et diversifiés pour que les élèves puissent travailler selon leurs propres itinéraires d’appropriation tout en restant dans une démarche collective d’enseignement des savoirs et savoir-faire communs exigés.’ (Halina Przemyscki, La pédagogie différenciée, Hachette éducation, 2004)

2 – Que peut-on différencier et comment s’organiser ?

Les paramètres de la différenciation

Plusieurs paramètres d’une formation peuvent être adaptés dans une logique de différenciation : les ressources proposées, la guidance induite par les consignes, l’accompagnement, la production finale et l’organisation du travail des apprenants. Un dossier de l’IFE paru en novembre 2016 propose des pistes pour différencier ces différentes dimensions.

Voici un tableau pour présenter de façon pragmatique ces possibilités.

Axe de différenciationTemps enseignantTemps élèveRemarques
Ressources proposéesCréer ses propres ressources est très chronophage, mais beaucoup d’enseignants en ont déjà réalisées et les partagent volontiers : utilisez-les !
Guidance des consignesVous ne pouvez pas expliquer simultanément à tous les élèves des consignes différentes, il faut donc prendre le temps de les rédiger (ou de les enregistrer) pour que chacun puisse y avoir accès au bon moment. La rédaction de consignes claires et non équivoque peut être assez chronophage.
Organisation du travailProposer aux élèves de travailler seuls, à deux, en groupe (même pour une activité courte) ne demande pas beaucoup de temps. Cependant, cela ne se met pas en place calmement dès la première fois : c’est un changement de pratique qui nécessite un apprentissage avant de devenir une habitude. Le temps consacré à cet apprentissage doit être considéré comme un investissement.
AccompagnementAccompagner les élèves de façon différenciée ne demande pas de temps spécifique. Il faut par contre être vigilent à bien gérer ces moments différenciés pour se consacrer en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, sans négliger personne. Les élèves les plus avancés peuvent vous aider dans cette mission d’accompagnement.
Production finaleCette diversification peut s’avérer très chronophage pour vos élèves si vous leur demandez de produire une œuvre multimédia. De plus, il est souhaitable que vous sachiez produire une telle ressource avant de la demander à vos élèves afin de repérer les difficultés, le temps nécessaire et d’en définir les paramètres (taille, format, modalité de retour, …) pour vous faciliter l’évaluation.

On peur reprendre le schéma ci-dessous pour repérer les différents paramètres facilement différenciables : les interactions (travaux en groupe ou seul, présence plus moins directive de l’enseignant, intervention de partenaires externes), les ressources à disposition, les activités proposées et les productions attendues des élèves.

Enseignement et apprentissages

L’organisation de la différenciation

Le premier niveau de différenciation, séquentiel, consiste à proposer une diversification successive des activités et supports. Cela permet de varier les approches, les méthodes, les productions attendues, les ressources et soutient ainsi la motivation. Le second niveau consiste à réaliser une différenciation simultanée.  L’enseignant doit alors anticiper sa séquence pour baliser le chemin de chacun et ne rien oublier.

3 – La différenciation : une source de motivation

Rollland Viau, qui a étudié la motivation des étudiants, a répertorié 10 conditions pour motiver les élèves et la pédagogie différenciée en valide quatre :

  • Proposer des activités diversifiées,
  • Exiger un engagement cognitif pour l’élève,
  • Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix,
  • Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres.

Les autres facteurs de motivations (clarté des consignes, temps imparti pour réaliser l’activité et caractéristiques des activités proposées : sens, défi cognitif, authenticité, interdisciplinarité) sont tout aussi intégrables dans une pédagogie différenciée mais ne s’y trouvent pas « naturellement ».

4 – Des outils et des ressources pour différencier

Le premier travail dans la différenciation pédagogique est de planifier sa séquence en partant des objectifs visés afin de définir tous les paramètres essentiels et les dimensions qui seront différenciées. La grille présentée ci-dessous peut vous aider dans cette démarche.

La première page est la version vierge de la grille (visible ci-dessus), la seconde est un exemple de son utilisation lors d’une formation d’enseignant sur la classe inversée (visible si vous téléchargez le document en cliquant sur l’image …).

Une fois ce travail préparatoire réalisé, il est intéressant de voir comment les outils numériques peuvent aider à s’organiser pour ne pas être débordé :

  • L’ENT est l’espace à préférer pour capitaliser ses documents, mettre les ressources à disposition des élèves, les accompagner et récupérer leurs travaux.
  • Une multitude de ressources sont déjà disponibles sur internet et la ‘mode’ de la classe inversée a motivé de nombreux enseignants à se lancer dans la production de ressources. N’hésitez pas à parcourir des ’dépôts’ répertoriés, vous devriez déjà trouver des éléments pour commencer.
  • Il est intéressant d’organiser la différenciation avec des plans de travail. (Une présentation détaillée de cet outil et de son utilisation, avec des exemples est accessible ici). Ce plan de travail correspond à une présentation de la grille pédagogique (présentée ci-dessus) adaptée à l’élève en lui précisant l’organisation chronologique des activités proposées (si nécessaire, on peut prévoir des embranchements dans son scénario).

Enfin, si vous voulez avancer dans vos pratiques, voici deux conseils pragmatiques :

  1. Prenez le temps d’analyser à postériori comment les séquences que vous avez différenciées se sont déroulées : Les objectifs visés ont-ils été atteints ? Cela s’est-il déroulé comme prévu ? Avez-vous remarqué des élèves satisfaits/insatisfaits de la séance ? Tout ne se mettra pas en place tout de suite mais vous progresserez très vite en adoptant une démarche d’amélioration continue (comme le propose le cycle de Kolb). La rédaction d’un carnet de suivi vous permettra de constater rapidement vos progrès.
  2. Rapprochez-vous d’enseignants qui se sont déjà lancés ! Et comme il n’est pas sûr que vous en trouviez dans la classe d’à côté, n’hésitez pas à utiliser les réseaux sociaux pour entrer en contact avec des communautés actives autour de ces pratiques. L’apprentissage par les pairs est très efficace entre enseignants, rejoignez les communautés déjà existantes ! Vous pouvez par exemple commencer par quelques communautés sur twitter autour d’un hashtag : #NumEdu et #edumix peuvent être vos premières portes d’entrées, après vous pouvez aller sur #Num1D_OT si vous enseignez en primaire ou sur #cadre21, #eduprof, #tacEdChat ou #cocreatic si vous voulez voir ce qui se passe au Québec, nos amis de la belle province sont très dynamiques !

5 – En conclusion

La différenciation est une pratique riche, qui suscite la motivation des élèves et permet de faire progresser chacun. L’organisation de telles séquences peut être chronophage, surtout au début, mais vous n’êtes jamais obligé de tout différencier. Il est tout à fait compréhensible d’avancer pas à pas dans cette approche qui, vous le verrez, vous apportera de nombreuses satisfactions.

PS : Cet article a déjà été publié ici en 2017 http://dane.ac-dijon.fr/2017/07/06/la-differenciation-une-approche-centree-sur-les-eleves/

Ce que je retiens du MOOC ‘Vers une planète apprenante’

Je me suis inscrit au MOOC ‘Vers une planète apprenante’ pour voir, parce que le sujet m’intéresse beaucoup. Je vous propose ici un rapide retour d’expérience des deux heures que j’y ai consacrées.

1 – Les 4 modèles d’apprentissage

Un questionnaire est proposé lors de la première semaine du MOOC pour savoir quel est notre mode d’apprentissage privilégié. Je synthétiserai les 4 types d’apprenants du modèle à partir d’une des phrase du document de présentation comme suit :

  • Individuel hiérarchique : Les contenus académiques sont la base de l’apprentissage ;
  • Individuel distribué : Les apprenants apprennent pour et par eux-mêmes, pour développer leurs connaissances et leurs compétences propres :
  • Collectif hiérarchique : Le personnel encadrant a pour mission de créer les conditions sociales favorables à l’apprentissage ;
  • Collectif distribué : En assumant tout à la fois les rôles d’enseignement et d’apprentissage, les individus génèrent, alimentent et sont les garants de la communauté d’intérêt.

2 – Les résultats et l’analyse que j’en fais

Je n’ai pas été très surpris des résultats : je suis fortement en phase avec le type individuel distribué (80%), très en phase avec les deux types collectifs (65% et 70%) et beaucoup moins en phase avec le modèle individuel hiérarchique (33%).

Un détail vient aiguiller ma réflexion.

Je suis un adepte de l’apprentissage individuel distribué : j’aime me nourrir de ressources variées et intégrer les apports que j’y trouve à mes représentations. De nombreux articles publiés dans ce blogs sont initiés par une lecture ou le visionnage d’une vidéo et les quelques modèles que j’ai construits sont le fruit de ces apports successifs. Le schéma Comment j’apprends explicite toujours bien ma démarche :

Mon EAP en 2013

Par contre, je suis convaincu que nos élèves ne sont pas spontanément des apprenants individuels distribués et ne savent même pas quel est leur modèle d’apprentissage préféré. Ainsi, quel que soit le modèle qui leur convient, il faut les accompagner pour les faire progresser vers une démarche d’apprentissage en continu, construite et autonome. Et il me semble que le modèle collectif hiérarchique (que j’avais modélisée sous le nom de pédagogie ouverte) est le plus adapté pour mettre en place cet accompagnement. J’avais d’ailleurs abordé ce distingo entre le modèle d’apprentissage pour moi et celui pour des élèves dans cet article : Pourquoi je n’enseigne pas comme j’apprends ?

pédagogie ouverte

Cette approche permet, de plus, d’ouvrir chaque élève à un ensemble de possibles en matières de modalité d’apprentissage et les prépare aux différentes approches distribuées, que ce soit individuellement ou collectivement.

Enfin, je vois deux éléments qui me font basculer dans le mode collectif distribué :

  • Le partage : je me nourris des partages de mon réseau, et j’espère le leur rendre en partageant ici mes réflexions et sur twitter mes trouvailles. C’est, me semble-t-il, une première approche constructive dans une communauté d’intérêt ‘informelle’
  • Des projets collectifs : je pense que les projets sont des contextes où l’intérêt du collectif prime sur l’intérêt personnel et m’incite à co-apprendre.

Je crois que je vais m’en tenir là pour mes contributions à ce MOOC : je préfères picorer que suivre un parcours complet : cela correspond plus à mon style d’apprentissage individuel 😉 Merci à ceux qui l’ont préparé et monté, même en n’y consacrant que peu de temps, cela m’a donné l’occasion de faire une petite rétrospective bien plaisante et d’ajouter un peu de cohérence à mes représentations.

En vous souhaitant de bonnes vacances …

Sens du travail et apprentissages

Le phare : un guide qui donne confiance

Nous avons déjà abordé dans ce blog le point de vue d’André Compte-Sponville sur le sens du travail et voici une nouvelle étape dans cette réflexion. En effet, j’ai récemment été interpelé par un article qui rapporte les réflexions de Pierre d’Elbée sur le travail et le sens qu’on lui donne. Je vous les partage et vous invite à réagir pour que l’on avance ensemble sur ces questions …

1 – Le point de vue du Philosophe

Pierre d’Elbée présente sa réflexion sur le travail inspiré autour de 7 mots qui sont rapportés ci-dessous avec des citations de l’article d’origine qui m’ont éclairées mais qui résument sans doute de façon minimaliste la pensée de l’auteur.

  1. Réussir : « pouvoir, à travers son travail, faire quelque chose qui parle au fond de soi » en s’appuyant sur la sagesse et le don.
  2. Objectifs : « Il faut réfléchir sur la finalité, sur ce qui nous anime, car nous sommes parfois trop portés sur les objectifs. »
  3. Acteur : Nous sommes beaucoup plus « réactifs » que réellement « actifs » et il est essentiel de prendre du recul avec un « souci de soi » pour éviter de se perdre.
  4. Confiance : qui résulte d’un doux mélange de bienveillance, de confiance et de capacité à s’opposer.
  5. Sérendipité : qui est la capacité à exploiter de façon positive des circonstances inattendues et défavorables.
  6. Motivation : Le manager doit permettre à ses collaborateurs de trouver un sens à ce qu’ils font, plutôt que de la motivation.
  7. Méditer : « nous avons besoin de cette méditation, car nous sommes saturés de volontarisme, de rationalisme, de quête de résultats, et c’est desséchant. A l’inverse, le remède se trouve dans le fait de prendre du temps pour être bien avec soi. »

2 – Le point de vue du pédagogue

Cette liste de 7 mots peut interpeler le pédagogue par la proximité qu’il peut trouver avec son champ lexical habituel. On retrouve ainsi les questions de motivation et de sens, chères à Rolland Viau et ses critères pour engager les étudiants dans les apprentissages. De même, la notion d’apprenant acteur de ses apprentissages est courante, Philippe Carré propose même de la prolonger en positionnant  l’apprenant auteur de ses apprentissages dans une logiques d’apprentissages tout au long (et tout au large) de la vie.

On peut aussi mettre la confiance en parallèle du statut de l’erreur : L’erreur est normale et fait partie intégrante du processus d’apprentissage,comme le dit Jean-Pierre Astolfi.

La notion d’objectifs est très présente en pédagogie et John Biggs propose d’aligner les objectifs, les activités proposées et l’évaluation des apprentissages. Cette cohérence est nécessaire pour engager les élèves ou étudiants dans le processus d’apprentissage comme le présente Marcel Lebrun dans son blog (on retrouve la question de sens et de motivation) …

Je n’ai pas de pendant direct à ‘méditer‘, même si j’aurais tendance à lui associer l’analyse réflexive. Cette association est sûrement limitative par rapport à l’étendue possible de la méditation mais dans un contexte d’apprentissage, cette relecture à postériori permet de faire le point sur le parcours réalisé et de prévoir des ajustements comme dans l’apprentissage expérientiel de David Kolb.

Enfin la réussite est étroitement liée à l’évaluation des apprentissages avec deux questions qui se posent :

  • Qu’évalue-t-on ? la production ? le processus ? les apprentissages réalisés ?
  • Qui est l’évaluateur ? moi ? les autres ? l’enseignant ? un jury ‘anonyme’ ? …

Le dernier mot, sérendipité, fait écho à l’apprenance, concept proposé par Philippe Carré, qu’il définit ainsi : « ensemble durable de dispositions… … favorables à l’acte d’apprendre… dans toutes les situations : formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite ».

Il me semble que la majorité de ces notions se retrouvent dans cette vidéo réalisée il y a quelques années mais qui me paraît toujours d’actualité.

3 – Discussion

mandelaCette proximité entre le sens que l’on trouve dans son travail et les attitudes et processus liés aux apprentissages m’interpelle. Est-ce qu’apprendre est une activité professionnelle comme une autre ? Il serait alors intéressant de voir comment si ce schéma se retrouve dans d’autres activités professionnelles et comment il se traduit. De même, un travail est-il épanouissant parce qu’il est source d’apprentissages ? Et alors, est-il pertinent d’activer ce levier et comment faire ?

Nelson Mandela nous a peut-être donné un élément de réponse quand il a dit : « Je ne perds jamais ; soit je gagne, soit j’apprends. »

Qu’en pensez-vous ? Partagez-nous votre point de vue, les commentaires vous sont largement ouverts !

Crédit photo : CC0 Phare & CC0 Nelson Mandela

Quand on compare un MOOC à un restaurant

On a tendance à décrier les MOOC pour leur taux très élevé d’abandon mais à partir du moment où la formation est ouverte, on donne le droit à chacun de s’inscrire, même si c’est juste pour voir !

J’ai déjà comparé un MOOC à plusieurs types d’événements, que ce soit un voyage, une fête des voisins ou une conférence. Je vous propose aujourd’hui de le comparer à un restaurant pour préciser et illustrer des éléments relatifs à la motivation des participants. Bon appétit !

1 – Le menu324px-Menu_des_années_1940

Les restaurateurs savent bien que le menu gastronomique n’est pas adapté à tous les clients, c’est pour cela qu’ils proposent plusieurs versions, et vont même parfois jusqu’à la formule ou au plat du jour. Si on compare avec un MOOC, Quelle formule ou plat du jour proposent-ils ?

Le MOOC Gestion de projet est bien dans cette logique en proposant plusieurs niveaux de certification qui correspondent à différents niveaux d’implication des participants, mais c’est un des rares dispositifs à rentrer dans cette logique, c’est peut-être une piste à creuser …

2 – Le coût

Une des caractéristiques d’un restaurant est le coût du repas que l’on mesure en euros. Pour un MOOC (comme pour tout apprentissage), le coût n’est pas financier, mais il se mesure en efforts réalisés et en temps passé : c’est bien là que chaque participant paie la facture ! On imagine bien que quelqu’un ne soit pas prêt à payer le prix fort pour découvrir un restaurant et préfère aller y boire une bière ou un café, juste pour voir comment ça se passe, le cadre, le service fourni, etc… Pour un MOOC, c’est exactement pareil : on peut ne pas être prêt à fournir beaucoup d’efforts et y consacrer le temps nécessaire mais juste avoir envie de voir comment ça se passe, sentir l’ambiance, peut-être y apercevoir une célébrité !

3 – La motivation

Il est important de savoir pourquoi les clients viennent : par faim, gourmandise, curiosité, … ? La question se pose de la même façon pour un MOOC : quelles peuvent être les différentes motivations. L’article d’Annie Jézégou rappelle différentes formes de motivation :

  • le plaisir : plaisir d’apprendre, de la relation sociale, des échanges, …
  • les valeurs ou convictions présentées ou défendues par la formation,
  • l’avantage identifié qui découle de la formation,
  • la contrainte.

Il pourrait être intéressant de demander ses motivations à chaque participant qui s’inscrit à un MOOC. Est-ce : par plaisir ? par rapport à ses convictions relatives au sujet abordé ? pour en tirer un avantage identifié ? par nécessité (pour ne pas dire par contrainte) ? ou juste pour voir ? Cette clarification permettrait de repérer les ‘vrai’ décrocheurs (ceux qui avaient une motivation identifiée et qui ne sont pas allé jusqu’au bout de la formation) et les ‘raccrochés’, qui venaient pour voir et finalement se sont laissés prendre au jeu et ont participé jusqu’au bout.

Cette clarification me semble intéressante, et je serai curieux de savoir si cela vous est déjà arrivé de vous inscrire à un MOOC pour voir et d’y rester finalement jusqu’à la fermeture …

Crédit photo : Menu de déjeuner du mardi 11 avril 1944 – domaine public

MOOC et tutorat

coffee MOOC
Il nous a semblé intéressant de réfléchir à un cas concret de tutorat dans les MOOC en partant du MOOC francophone ITyPA qui démarrera le 10 octobre prochain. Plutôt que de prendre le problème à l’envers et voir comment soutenir un groupe de participants, je vous propose d’analyser le problème en partant des objectifs que nous visons, à savoir : développer leurs compétences en TIC (veille, réseaux sociaux, collaboration à distance) et leurs compétences pédagogiques.

La première compétence (TIC) que nous cherchons à développer rejoint assez bien le programme du MOOC ITyPA. En parallèle, nous savons bien que la persévérance dans un MOOC est difficile : un accompagnement nous semble donc nécessaire afin d’aider les participants à ‘réussir leur parcours’. Ce nouveau parcours (ITyPA + accompagnement) conserve toute la richesse du MOOC d’origine avec en supplément, d’une part, un cadre rassurant pour les participants, et d’autre part, un outil riche à étudier.

L’accompagnement aura plusieurs objectifs :

  • soutenir la motivation,
  • aider les apprenants à évoluer dans le MOOC,
  • les aider à relire leur cheminement et évaluer leurs progrès,
  • relire l’organisation pédagogique mise en place.

1 – la motivation et l’aide à l’évolution dans le MOOC

Rolland Viau a défini 10 facteurs de motivation pour un apprenant, voyons comment ils s’intègrent dans un MOOC. Les activités proposées doivent être signifiantes, diversifiées, authentiques, interdisciplinaires, assez longues. Elles doivent aussi comporter des consignes claires, représenter un défi, exiger un engagement cognitif, responsabiliser l’apprenant et être source d’interaction et de collaboration.

Tous ces points sont importants. Le MOOC connectiviste, dans sa structure de type ‘joyeux bazar’, ne répond pas directement à plusieurs de ces aspects puisque c’est à l’apprenant de se prendre en main, de se fixer des objectifs et des tâches à réaliser. le soutien de la motivation me semble donc très lié à l’assistance pour évoluer dans le MOOC : Quels objectifs je me fixe ? Comment me repérer dans tous ces contenus ? Comment repérer les personnes qui ont des centres d’intérêts proches des miens ? etc… Ainsi, l’accompagnement pourra aider chacun à se fixer des objectifs réalisables mais qui nécessitent quand même un engagement. De même, il pourra aider à relier ce qui se passe dans le MOOC avec le contexte quotidien de l’apprenant, professionnel ou pas, ce qui permettra de mettre en avant le sens et l’authenticité des activités vécues.

2 – la relecture

L’analyse réflexive dans un tel dispositif me paraît très importante afin de tirer au maximum partie de ce qui se vit et de l’organisation pédagogique mie en œuvre. L’accompagnement devra développer cet aspect ‘métacognition’. C’est à ce prix que l’on pourra travailler des compétences de haut niveau comme ‘apprendre à collaborer’ ou ‘apprendre à apprendre’ et profiter d’ITyPA comme d’un tremplin vers le social learning. Une telle relecture devrait nous permettre de prendre conscience du rôle de l’accompagnement (qui peut s’apparenter à un tutorat), de la place relative des ressources, des activités et des productions dans un parcours de formation et de l’importance de la motivation et des interactions pour assurer une dynamique. On retombe sur le schéma pragmatique de Marcel Lebrun. Cela pourra aussi être l’occasion de réfléchir à ce qui se fait en présentiel et ce qui se fait à distance, ou entre les séances de regroupement.

pédagogie M.Lebrun2

modèle pragmatique de Marcel Lebrun

3 – Conclusion

En y regardant de plus près, un tel dispositif transforme un MOOC en une classe inversée. Et c’est peut-être pas une mauvaise idée, ça ! En plus, ça devrait pouvoir être transposable pour de nombreux MOOC et de nombreux publics. Et vous, qu’en pensez-vous ? Le tutorat dans les MOOC vous intéresse ? Nous aurons l’occasion d’en parler avec Jacques Rodet aux journées e-learning.

Crédit Photo #edcmooc Cuppa MOOC CC-By Cikgu Brian

Partager le plaisir d’apprendre

Université de Salamanque (XIIIè siècle)

Université de Salamanque (XIIIè siècle)

Je suis en train de lire « la révolution de l’amour » de Luc Ferry. Il y présente, entre autre, l’évolution de la société de l’antiquité à nos jours  en s’appuyant sur un exemple très concret : « Pourquoi des parents veulent que leur enfant apprenne à jouer du violon ? » (pp. 290-294 dans la collection j’ai lu). Cette question permet de soulever les motivations que l’on peut avoir pour apprendre. Il présente trois grandes approches qui correspondent à trois motivations très différentes. Cette analyse m’a beaucoup intéressé et me semble très pertinente pour analyser la position de l’école dans la société.

1 – L’approche aristocratique

On apprend à jouer du violon pour être le meilleur, devenir concertiste. C’est une approche très élitiste de l’enseignement qui s’inscrit dans une dynamique de compétition, basée sur les talents et où « la vertu se définit d’abord et avant tout en terme d’excellence ». On peut critiquer l’approche mais elle existe et elle convient à certaines personnes. Les grandes écoles avec leurs concours et classes préparatoires me semblent les exemples les plus significatifs de cette approche dans notre système éducatif.

2 – L’approche républicaine

On apprend à jouer du violon parce que c’est formateur. « Ce qui compte ici, c’est la culture au sens le plus fort […], la formation de soi par le travail qui vous transforme et vous façonne, qui vous humanise et vous conduit à être, au final, autre que vous n’étiez au départ… [Ce travail] s’inscrit aussi dans un cadre social, plus ou moins collectif où l’enfant fera des rencontres qui peuvent l’enrichir par la suite. » On retrouve bien l’école actuelle avec ses devoirs, ses progressions et son rôle socialisant.

3 – L’approche ‘authentique’

On apprend à jouer du violon pour se faire plaisir, s’épanouir, se réaliser, s’éclater … Le violon est une proposition et l’enfant peut choisir de ‘mordre’ ou pas. D’emblée, la porte du renoncement est ouverte. L’enfant est libre de s’investir, rien ne lui est imposé par ses parents. L’école ne s’inscrit pas dans cette vision, mais certains élèves ou étudiants sont complètement dans ce schéma …

4 – Discussion

En tant qu’enseignant, on est de plus en plus confronté à ces jeunes qui viennent en ‘consommateur’, démotivés, qui se complaisent dans l’approche authentique. Faut-il pour autant que l’école sorte de son approche de l’effort et du mérite qui fonde la construction de la personne sur le travail ? Je ne crois pas. Par contre, il y a un gros travail à faire pour aider les jeunes à prendre conscience que l’on peut se faire plaisir en travaillant, que cela peut apporter un certain épanouissement. Nous devons alors travailler dans deux directions :

  • Motiver les jeunes à s’impliquer dans leur formation. Plusieurs modèles de motivation existent, Rolland Viau en propose un qui me semble assez clair et fonctionnel.
  • Les aider à percevoir qu’ils progressent, s’épanouissent et prennent du plaisir. Cela se rapproche de l’auto-éfficacité de Bandura (qui correspond à la conscience de sa compétence).

Ces deux points sont étroitement liés puisqu’ils se nourrissent et se répondent mutuellement. Encore faut-il que l’enseignant les intègre à sa pédagogie (voir Collaboration et analyse réflexive : des sources de motivation).

Si les élèves ne travaillent plus autant, qu’ils ne sont pas motivés, ils n’en sont pas forcément complètement responsables. La société que nous leur construisons va dans ce sens et nous y vivons très bien. Les enseignants doivent donc  relever ce passionnant défi : partager le plaisir d’apprendre.

Beau programme !

Crédit photo : CC BY Pablo Sanchez, Fray Luis de León’s  classroom in Salamanca university (XIII century) http://www.flickr.com/photos/pablosanchez/1016242147/lightbox/

Vers un développement des compétences

knowledgeLes formations ne peuvent plus se limiter à demander aux apprenants d’accumuler des savoirs, elles doivent aussi leur demander d’exploiter ces savoirs pour développer des compétences. En s’appuyant sur la définition de compétence de Le Boterf, on peut définir quelques pistes pour faire évoluer nos formations … Et si la pédagogie ouverte était un élément de réponse pertinent à ces questions ?

Cela fait quelques temps que je tombe sur  des affirmations du type « The world only cares, and will only pay for, what you can do with what you know » (Thomas Friedman dans le NY Times) et je pense que c’est très vrai (et peut-être même de plus en plus vrai). Soit ! Mais quel impact cela peut-il avoir sur nos formations ?

Cela implique un changement de paradigme de l’enseignement : passer de la transmission de savoirs à un développement de compétences.

Dans son livre Construire les compétences individuelles et collectives, Guy Le Boterf définit les compétences comme suit :

« Les compétences peuvent être considérées comme une résultante de trois facteurs :

  • le savoir agir qui suppose de savoir combiner et mobiliser des ressources pertinentes (connaissances, savoir-faire, réseaux, …) ;
  • le vouloir agir qui se réfère à la motivation personnelle de l’individu et au contexte plus ou moins incitatif dans lequel il intervient ;
  • le pouvoir agir qui renvoie à l’existence d’un contexte, d’une organisation du travail, de choix de management, de conditions sociales qui rendent possibles et légitimes la prise de responsabilité et la prise de risque de l’individu. »

Nous avons ainsi dans nos formations le devoir de créer des situations favorisant le pouvoir-agir et le vouloir-agir de nos étudiants afin de développer leur savoir-agir. Cela implique de se poser des questions sur :

  • le contexte que nous pouvons créer : l’ambiance de travail, l’organisation pédagogique et technologique, …
  • le choix de management : quelle relation entretenons-nous avec les apprenants ? Dans quelle mesure ont-ils une part de liberté ou d’autonomie ? Quel droit de regard ont-ils sur le dispositif de formation ?
  • la motivation des étudiants : qu’est-ce que je fais pour motiver les étudiants ? Rolland Viau propose des pistes riches à ce sujet (La motivation des étudiants à l’université : mieux comprendre pour mieux agir – Conférence non publiée, Université de Liège – 2006)

De plus, il me semble essentiel de valoriser la production des apprenants afin de nourrir leur sentiment d’efficacité personnelle (cf. Maïlys Rondier A. Bandura, Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle), moteur de leur motivation.

Il est aussi important  de les faire réfléchir sur la transférabilité des compétences qu’ils développent. Ce travail doit alors se faire en deux temps :

  1. Quelles compétences ont été mises en œuvre pour réaliser cette production ? (il n’est pas sûr que ce soit exactement les compétences visées par l’enseignant et annoncées dans le syllabus)
  2. Dans quelles situations (ou familles de situations) pourrais-je utiliser ces compétences ?

Ce travail d’analyse réflexive me paraît important afin que, tout au long de la formation, les étudiants prennent conscience de leurs progrès et du développement de leur employabilité … Dans cette optique, une auto-évaluation peut être aussi riche (voire même plus riche) qu’une évaluation par l’enseignant.

La pédagogie ouverte (présentée ici à partir d’un exemple) peut être une approche pour construire de tels dispositifs.

pédagogie ouverte

pédagogie ouverte

  • Le pôle coopération tient du contexte et de l’organisation de la formation. Il apporte du sens, des liens entre les enseignements et des interactions, aussi bien entre apprenants qu’avec des personnes extérieures : ce sont de gros facteurs de motivation.
  • Le pôle transparence, par l’utilisation de syllabus et d’analyse réflexive pour montrer le processus d’apprentissage, permet de développer l’auto-éfficacité des apprenants.
  • Le pôle participation impacte directement le management de la formation et la relation entre l’équipe enseignante et les apprenants.

Et vous, quelle(s) démarche(s) adoptez-vous pour développer les compétences des apprenants ?

Crédit photo Knowledge CC-by ofbeaton

Dis ! C’est quoi un classe-MOOC ?

Voilà une bonne question !open window

Un classe-MOOC c’est la rencontre entre la classe,en tant qu’ensemble d’étudiants-élèves-apprenants regroupés physiquement en un lieu, et un MOOC. Et dans cette rencontre, le MOOC ouvre la classe sur le monde.

– Et alors, la classe pour toi, c’est quoi ?

C’est un endroit où l’apprenant (appelons-le ainsi) apprend. Et comme le dit Philippe Carré « on apprend toujours seul mais jamais sans les autres ». Je vois donc l’organisation de la classe comme cela :

  • Les étudiants collaborent localement (Partager, Communiquer, Collaborer).
  • Ils travaillent dans un contexte disciplinaire, interdisciplinaire ou pluridisciplinaire (Analyser, Créer, Réaliser, Construire, Chercher, Concevoir).
  • Une phase de structuration des connaissances permet de faire ressortir les points essentiels, aussi bien disciplinaires que méthodologiques ou relationnels. Cette étape peut se dérouler seul, en groupe ou en classe entière Comprendre, Conserver, Archiver, Structurer).
  • Les productions sont ré-exploitées, partagées, publiées (Exploiter, Partager, Communiquer).

C’est une vision du modèle centré sur les apprenants que j’ai déjà présentée ici par exemple et voici une représentation graphique de cette organisation :

Modèle centré sur les apprenants

– Et un MOOC, c’est quoi ?

La meilleure explication que je peux te proposer est une petite vidéo (4’27), en anglais, mais elle se comprend bien grâce aux illustrations explicites …

– Mais comment faire le lien entre une classe et un MOOC ? Ça n’a rien à voir !

Effectivement, ça n’a rien à voir. Et c’est justement cette différence, qui est en fait une complémentarité, qui est intéressante. Regarde : Le dernier aspect que nous avons vu sur la classe, c’est que les productions sont publiées, partagées et ré-exploitées. Qui te dit que cette ré-exploitation doit se faire uniquement dans la classe, par les mêmes apprenants ? Si plusieurs classes travaillent, en même temps, sur le même thème, il y a de fortes chances que tout le monde trouve son intérêt à partager son travail pour profiter du regard des autres et générer ainsi des interactions beaucoup plus larges et plus riches que si on se limite à une réflexion interne à la classe.

D’un autre côté, il est possible de faire intervenir simplement des acteurs professionnels qui connaissent bien le thème abordé. Leur participation peut être une petite vidéo, une interview, un (ou plusieurs) article(s) de blog, voire même juste un commentaire de-ci de-là. De toutes petites interactions peuvent apporter une grande richesse sur le contenu produit par les apprenants et soutenir la motivation de chacun durant toute la durée du travail. L’organisation d’un classe-MOOC permet de mutualiser ces interactions et d’en multiplier l’effet. Ça n’est plus une personne qui s’adresse à une classe mais à un ensemble de classes qui sont toutes concernées.

En fait le MOOC offre une occasion d’ouvrir la classe sur le monde !

– Pourquoi ne pas faire un MOOC directement ?

C’est vrai que ça serait plus dans la lignée de ce qui se développe actuellement. Mais je ne crois pas que tous les apprenants ont les compétences de bases requises pour s’engager seul dans un MOOC. Il est donc important de les accompagner, de les soutenir pour qu’ils puissent en tirer un profit optimum. La classe est un contexte connu et rassurant dans lequel la majorité des apprenants ont leurs repères. Les enseignants peuvent jouer ce rôle d’accompagnateur, de soutien : c’est peut-être une nouvelle posture pour beaucoup mais elle est très riche et porte beaucoup de fruits.

– En fait, c’est un peu un MOOC adouci, ou initiatique …

Tout à fait ! Il est adouci parce que le contexte est stabilisant et initiatique parce que l’ampleur des interactions est toute autre. mais je crois que c’est surtout pour l’enseignant que ce sera une initiation. Comme je te le disais,  c’est une nouvelle façon de travailler et une nouvelle relation avec les apprenants : ça fait beaucoup de changements ! Mais aussi beaucoup de plaisir ! Et c’est ce qui me semble essentiel : prendre conscience que l’on prend du plaisir à apprendre et travailler … ensemble …

– Ça me tente bien ton classe-MOOC, ça commence quand ?

Pour l’instant, on prévoit de vivre ça pendant une semaine, à temps plein, durant le mois de septembre. on est en train de voir avec des enseignants d’autres institutions toute l’organisation pratique mais ne t’en fais pas, dès que tout sera ficelé, je te tiendrais au courant !

Crédit photo : Open window CC By andyarthur

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