Diversifier les activités proposées aux apprenants avec ABC-LD

Diana Laurillard a repéré six types d’activités d’apprentissage et Clive Young et Nataša Perović se sont basés sur ce travail pour développer un outil, ABC-LD, pour aider les enseignants à construire des séquences dynamiques et cohérentes. François Jourde et Erwan Gallenne ont récemment proposé une nouvelle instance de cet outil, basé sur la suite Google. Ces 6 activités d’apprentissage (ou expériences d’apprentissage) me semblent intéressantes pour analyser et concevoir un dispositif. Je vous propose de comparer cette approche à d’autres que j’utilise régulièrement. Ce modèle et le canevas associé me semblent très pertinents parce qu’ils mettent en avant la variété des activités proposées aux apprenants. Il me semblerait utile de plus formaliser les aspects d’évaluation et d’aide à l’auto-évaluation au sein de chaque activité pour gagner encore en efficacité.

Les 6 activités types dans ABC-LD

Diana Laurillard a donc repéré 6 activités types qui sont rapidement présentées ici :

  • Acquisition : appropriation de l’information par des cours, des documents textuels audio ou vidéo ;
  • Enquête : recherche d’information (dans les cours précédant, dans les notes de cours, sur internet, …), analyse de données, d’idées, de concepts, comparaison ;
  • Pratique : activité préparatoire, travaux pratiques, jeux de rôle, activité personnelle (formalisation/premier jet, analyse réflexive, …) ;
  • Collaboration : travail en groupe, négociation, argumentation, … (orienté production) ;
  • Production : formalisation du produit fini qui découle des activités antérieures ;
  • Discussion : évaluation, rétroaction, échanges orientés vers les apprentissages.

Le modèle précise que les deux activités Discussion et Collaboration se réalisent en groupe, les 4 autres se vivent seul.

Il me semble intéressant de confronter cette approche à d’autres modèles que j’utilise couramment dans le cadre de différentes formations.

Le modèle ICAP

Le modèle ICAP classifie les activités d’apprentissage selon l’implication affichée des apprenants en 4 catégories : Co-créatif, Créatif, Actif, Réceptif (traduction libre de ICAP en Co-CAR). De ce niveau d’engagement de l’apprenant, découle la profondeur de l’apprentissage (d’un apprentissage en profondeur à un apprentissage superficiel). La classification d’une activité dans une catégorie dépend de l’activité proposée, mais aussi de la production des participants : un élève qui écoute un cours peut être dans un état réceptif s’il se limite à écouter, il peut aussi être actif s’il prend des notes… Cela justifie que des activités se retrouvent dans plusieurs catégories. Voici une première proposition de correspondance entre les deux modèles.

modèle ABC-LDmodèle ICAP
AcquisitionRéceptif, Actif
EnquêteActif, Créatif
PratiqueActif, Créatif
CollaborationCo-créatif
ProductionActif, Créatif
DiscussionCo-créatif

Le Modèle IMAIP

Nous utilisons le modèle IMAIP de Marcel Lebrun (présenté ici par l’auteur) pour identifier les éléments essentiels à prendre en considération lors de la conception d’une formation. Il apparaît tout de suite que les deux modèles ne se situent pas au même niveau. En effet ABC-LD intègre le pôle ‘activité’ du modèle IMAIP. Cependant, ces différentes activités sont en lien avec les autres pôles du modèle.

  • L’acquisition et l’enquête sont plus en lien avec l’acquisition de contenus et donc le pôle information (même si celui-ci intègre aussi les consignes, les conseils et outils méthodologiques et organisationnels) ;
  • La collaboration et la discussion sont en lien avec le pôle Interaction ;
  • La discussion est aussi liée à la rétroaction ;
  • La production est bien sûr en lien avec le pôle Production ;
  • La pratique n’est en lien qu’avec le pôle Activité.

L’alignement de Biggs

Dans notre démarche de conception de scénario pédagogique, nous avons l’habitude de nous appuyer sur l’alignement constructiviste afin d’assurer une cohérence entre les objectifs visés, les activités proposées et l’évaluation. Cet alignement doit se retrouver au niveau d’un dispositif global mais peut aussi se retrouver au niveau de chaque activité, à la manière d’un fractal. Il pourrait ainsi être intéressant de préciser, pour chaque activité, l’objectif visé, la production ou la trace attendue, le niveau d’exigence et/ou des critères d’évaluation ou de réussite. Avec le temps, ce dernier élément me semble de plus en plus essentiel pour aider chacun à s’auto-évaluer dans une logique d’apprentissage tout au long de la vie.

Voici donc une représentation schématique présentant l’intégration de ces différents modèles. Les bulles blanches correspondent au modèle IMAIP, les grises à l’alignement de Biggs, les bulles de couleur sont les 6 activités proposées par le modèle ABC-LD et les couleurs correspondent aux 4 niveaux d »engagement des apprenants.

Ces quelques réflexions mettent en avant la cohérence de ce modèle ABC-LD avec les autres modèles que j’utilise habituellement. Il apporte un élément complémentaire en explicitant la variété des activités proposées. Et nous savons bien que c’est un élément essentiel pour soutenir la motivation des apprenants…

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La différenciation, une approche centrée sur les élèves

Il est illusoire de croire que tous les élèves vont pouvoir développer les mêmes connaissances et compétences au même rythme et selon la même chronologie stricte. Même si ce rêve est toujours dans la tête de certains, la réalité du terrain nous contraint à envisager des adaptations de ce mode de fonctionnement, sans forcément aller jusqu’à l’école mutuelle qui était l’alternative à l’éducation centralisée au XIXème siècle. Un juste milieu peut exister, où l’enseignant a toute sa place pour accompagner chaque élève dans ses apprentissages.

1 – De quoi parle-t-on ?

On peut facilement confondre plusieurs notions et il est intéressant de commencer par les définir :

  • L’individualisation est la prise en compte des spécificités d’un apprenant pour lui adapter un parcours de formation ‘sur mesure’. Cela peut se traduire par exemple par la dispense ou l’ajout de certains modules de formation selon le parcours antérieur de chacun. La modularisation de la formation facilite l’individualisation.
  • La personnalisation consiste à tisser des liens sociaux pour mettre en place un accompagnement afin d’intégrer l’apprenant au mieux dans le dispositif de formation : les rencontres, les forums, le tutorat sont des éléments de cette personnalisation de la formation.
  • La différenciation ‘consiste à mettre en œuvre un cadre souple où les apprentissages sont suffisamment explicités et diversifiés pour que les élèves puissent travailler selon leurs propres itinéraires d’appropriation tout en restant dans une démarche collective d’enseignement des savoirs et savoir-faire communs exigés.’ (Halina Przemyscki, La pédagogie différenciée, Hachette éducation, 2004)

2 – Que peut-on différencier et comment s’organiser ?

Les paramètres de la différenciation

Plusieurs paramètres d’une formation peuvent être adaptés dans une logique de différenciation : les ressources proposées, la guidance induite par les consignes, l’accompagnement, la production finale et l’organisation du travail des apprenants. Un dossier de l’IFE paru en novembre 2016 propose des pistes pour différencier ces différentes dimensions.

Voici un tableau pour présenter de façon pragmatique ces possibilités.

Axe de différenciationTemps enseignantTemps élèveRemarques
Ressources proposéesCréer ses propres ressources est très chronophage, mais beaucoup d’enseignants en ont déjà réalisées et les partagent volontiers : utilisez-les !
Guidance des consignesVous ne pouvez pas expliquer simultanément à tous les élèves des consignes différentes, il faut donc prendre le temps de les rédiger (ou de les enregistrer) pour que chacun puisse y avoir accès au bon moment. La rédaction de consignes claires et non équivoque peut être assez chronophage.
Organisation du travailProposer aux élèves de travailler seuls, à deux, en groupe (même pour une activité courte) ne demande pas beaucoup de temps. Cependant, cela ne se met pas en place calmement dès la première fois : c’est un changement de pratique qui nécessite un apprentissage avant de devenir une habitude. Le temps consacré à cet apprentissage doit être considéré comme un investissement.
AccompagnementAccompagner les élèves de façon différenciée ne demande pas de temps spécifique. Il faut par contre être vigilent à bien gérer ces moments différenciés pour se consacrer en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, sans négliger personne. Les élèves les plus avancés peuvent vous aider dans cette mission d’accompagnement.
Production finaleCette diversification peut s’avérer très chronophage pour vos élèves si vous leur demandez de produire une œuvre multimédia. De plus, il est souhaitable que vous sachiez produire une telle ressource avant de la demander à vos élèves afin de repérer les difficultés, le temps nécessaire et d’en définir les paramètres (taille, format, modalité de retour, …) pour vous faciliter l’évaluation.

On peur reprendre le schéma ci-dessous pour repérer les différents paramètres facilement différenciables : les interactions (travaux en groupe ou seul, présence plus moins directive de l’enseignant, intervention de partenaires externes), les ressources à disposition, les activités proposées et les productions attendues des élèves.

Enseignement et apprentissages

L’organisation de la différenciation

Le premier niveau de différenciation, séquentiel, consiste à proposer une diversification successive des activités et supports. Cela permet de varier les approches, les méthodes, les productions attendues, les ressources et soutient ainsi la motivation. Le second niveau consiste à réaliser une différenciation simultanée.  L’enseignant doit alors anticiper sa séquence pour baliser le chemin de chacun et ne rien oublier.

3 – La différenciation : une source de motivation

Rollland Viau, qui a étudié la motivation des étudiants, a répertorié 10 conditions pour motiver les élèves et la pédagogie différenciée en valide quatre :

  • Proposer des activités diversifiées,
  • Exiger un engagement cognitif pour l’élève,
  • Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix,
  • Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres.

Les autres facteurs de motivations (clarté des consignes, temps imparti pour réaliser l’activité et caractéristiques des activités proposées : sens, défi cognitif, authenticité, interdisciplinarité) sont tout aussi intégrables dans une pédagogie différenciée mais ne s’y trouvent pas « naturellement ».

4 – Des outils et des ressources pour différencier

Le premier travail dans la différenciation pédagogique est de planifier sa séquence en partant des objectifs visés afin de définir tous les paramètres essentiels et les dimensions qui seront différenciées. La grille présentée ci-dessous peut vous aider dans cette démarche.

La première page est la version vierge de la grille (visible ci-dessus), la seconde est un exemple de son utilisation lors d’une formation d’enseignant sur la classe inversée (visible si vous téléchargez le document en cliquant sur l’image …).

Une fois ce travail préparatoire réalisé, il est intéressant de voir comment les outils numériques peuvent aider à s’organiser pour ne pas être débordé :

  • L’ENT est l’espace à préférer pour capitaliser ses documents, mettre les ressources à disposition des élèves, les accompagner et récupérer leurs travaux.
  • Une multitude de ressources sont déjà disponibles sur internet et la ‘mode’ de la classe inversée a motivé de nombreux enseignants à se lancer dans la production de ressources. N’hésitez pas à parcourir des ’dépôts’ répertoriés, vous devriez déjà trouver des éléments pour commencer.
  • Il est intéressant d’organiser la différenciation avec des plans de travail. (Une présentation détaillée de cet outil et de son utilisation, avec des exemples est accessible ici). Ce plan de travail correspond à une présentation de la grille pédagogique (présentée ci-dessus) adaptée à l’élève en lui précisant l’organisation chronologique des activités proposées (si nécessaire, on peut prévoir des embranchements dans son scénario).

Enfin, si vous voulez avancer dans vos pratiques, voici deux conseils pragmatiques :

  1. Prenez le temps d’analyser à postériori comment les séquences que vous avez différenciées se sont déroulées : Les objectifs visés ont-ils été atteints ? Cela s’est-il déroulé comme prévu ? Avez-vous remarqué des élèves satisfaits/insatisfaits de la séance ? Tout ne se mettra pas en place tout de suite mais vous progresserez très vite en adoptant une démarche d’amélioration continue (comme le propose le cycle de Kolb). La rédaction d’un carnet de suivi vous permettra de constater rapidement vos progrès.
  2. Rapprochez-vous d’enseignants qui se sont déjà lancés ! Et comme il n’est pas sûr que vous en trouviez dans la classe d’à côté, n’hésitez pas à utiliser les réseaux sociaux pour entrer en contact avec des communautés actives autour de ces pratiques. L’apprentissage par les pairs est très efficace entre enseignants, rejoignez les communautés déjà existantes ! Vous pouvez par exemple commencer par quelques communautés sur twitter autour d’un hashtag : #NumEdu et #edumix peuvent être vos premières portes d’entrées, après vous pouvez aller sur #Num1D_OT si vous enseignez en primaire ou sur #cadre21, #eduprof, #tacEdChat ou #cocreatic si vous voulez voir ce qui se passe au Québec, nos amis de la belle province sont très dynamiques !

5 – En conclusion

La différenciation est une pratique riche, qui suscite la motivation des élèves et permet de faire progresser chacun. L’organisation de telles séquences peut être chronophage, surtout au début, mais vous n’êtes jamais obligé de tout différencier. Il est tout à fait compréhensible d’avancer pas à pas dans cette approche qui, vous le verrez, vous apportera de nombreuses satisfactions.

PS : Cet article a déjà été publié ici en 2017 http://dane.ac-dijon.fr/2017/07/06/la-differenciation-une-approche-centree-sur-les-eleves/

Former un grand nombre d’enseignants en pair à pair : le ‘Plan français’

J’ai été récemment sollicité pour accompagner la mise en place de la formation des CPC (conseillers pédagogiques de circonscription, dans le 1er degré) référents français dans le cadre du Plan français. Le défi que représente ce projet me semble intéressant et je me permets donc de vous en faire une présentation rapide et vous partager mes réflexions. L’objectif de cet article n’est pas de lancer un débat pour ou contre ce plan de formation mais plutôt de formaliser quelques éléments autour des questions pédagogiques et d’organisation.

1 – Le Plan français : un défi de taille !

Ce plan prévoit la formation de la totalité des enseignants du 1er degré sur 5 ans en s’appuyant sur une formation entre pairs en petits groupes (appelés constellations). Dit comme ça, cela semble assez simple ; cela devient un défi quand on parle chiffres ! En effet, au niveau national, il y a environ 400 000 enseignants dans le 1er degré : on envisage donc des promotions de 80 000 personnes, regroupées en 10 000 constellations (6 à 8 enseignants par constellation), animées par 1 700 conseillers pédagogiques (un CPC anime 6 constellations).
Ce plan démarre maintenant et il faut commencer par former les conseillers pédagogiques à cette nouvelle mission.

2 – L’organisation prévue pour ces formations

a) La formation des CPC référents

Cette formation est articulée entre des temps nationaux (sous formes de classes virtuelles) et d’autres locaux. Le guide de présentation de ce plan prévoit de former ces CPC « à de nouvelles modalités de travail avec les enseignants, horizontales, en groupe et en réseau. »
Il est aussi précisé que le CPC « doit attester une maîtrise assurée de l’ensemble des aspects scientifiques, didactiques et pédagogiques de l’enseignement du français dans ses différents domaines. La grande majorité des 24 journées de formation sont consacrées à développer cette expertise ». N’étant pas compétent sur cette partie disciplinaire, c’est un aspect de la formation que je n’aborderai pas.

b) La formations des enseignants participants

Le guide mentionne aussi la lesson study comme modalité d’organisation possible pour les constellations. Cette approche structurée et appuyée sur la recherche nécessite, à mon avis, de développer la maîtrise de la démarche scientifique (problématique, recherche documentaire, hypothèse, expérimentation, analyse et interprétation, conclusion, diffusion) par les CPC concernés.

Dans une logique de cohérence, il semble important de chercher à aligner les objectifs, les modalités de formation et l’évaluation. Cette évaluation ne peut pas être une évaluation sanction ou certificative mais bien un ensemble de rétroactions pour aider chacun à évoluer dans ses pratiques professionnelles pour accompagner ‘au mieux’ les enseignants (pour les CPC) et les élèves (pour les enseignants). Reste à définir les critères et indicateurs nécessaires.

Voici un tableau récapitulatif des 2 formations à mener en parallèle (les CPC d’une part, les enseignants d’autre part)

 CPC référents françaisEnseignants
Nombre de personnes concernées dans notre académie4010 000 sur 5 ans, soit 2 000 par an.
Durée de la formation24 jours sur 3 ans : 6 jours (formation nationale délocalisée) + 18 formation académique18h sur une année + 12h de visites individuelles (4 x 3h)
Objectifs de la formationAnimer de petits groupes (constellations)
Intégrer la démarche scientifique
Développer les compétences pédagogiques et didactiques pour l’enseignement du français
Activités collectives prévues par le guide« Partage de ressources et de pratiques, analyse des modalités d’accompagnement, mutualisation de productions, etc. [entre CPC de l’académie] »« … de façon exceptionnelle en groupe complet [i.e. regroupant les 6 constellations du CPC] pour présenter le dispositif, réfléchir ensemble aux objets de travail prioritaires, ou faire un bilan du travail de l’année. »

3 – Un cadre de réflexion

Nancy Dixon, dans son article Ten big ideas of knowledge management (en anglais) récapitule dix éléments fondamentaux sur la connaissance et l’apprentissage que je vous présente rapidement, avec une traduction libre (et perfectible), et une structuration personnelle.

a) La connaissance

  • La connaissance se crée et se partage par des échanges.
  • Elle se présente sous différentes formes :
    • Les connaissances explicites peuvent être accessibles sous forme de documents ;
    • Les connaissances tacites nécessitent un échange, une discussion ;
    • Les connaissances tacites ne sont accessibles que par l’observation et/ou l’accompagnement.
  • Le questionnement ouvre la porte de la connaissance.

b) Les conditions d’apprentissage

  • Les petits groupes sont favorables aux échanges en profondeurs.
  • Le cercle est une disposition favorable, où chacun a sa place, sans hiérarchie.
  • On apprend en exposant et formalisant ses idées.
  • L’expérience nécessite une analyse réflexive pour être source d’apprentissage.

c) La collaboration

  • La confiance est un préalable nécessaire.
  • Le grand groupe (ou la communauté) est utile pour une consolidation collective.
  • La réciprocité est le moteur de l’apprentissage entre pairs.

4 – Des points de convergence

On constate que l’organisation proposée par le guide est globalement en phase avec les conseils de N. Dixon. De plus, ces conseils permettent de repérer quelques éléments qui sont de la responsabilité de l’animateur de constellation et donnent ainsi des pistes de critères d’évaluation pour leur formation :

  • Le degré de confiance qui règne dans le groupe ;
  • La dynamique et la qualité des échanges dans le groupe ;
  • La position de l’animateur et sa faculté à questionner plutôt qu’à ‘enseigner’.

A cette liste, il faut aussi ajouter la démarche de recherche scientifique et l’accompagnement des participants dans ce cheminement (ce qui est cohérent avec la faculté de questionnement de l’animateur).

Ces éléments d’évaluations, qui mériteraient d’être précisés, me font penser à une organisation de la formation par la pratique, avec des temps d’observation de constellations pour l’évaluation et une pratique de la constellation, aussi pendant la formation. Des observations croisées pourraient ainsi être très riches pour donner à chaque CPC un peu de recul sur ce qui se passe dans une constellation et sa pratique personnelle.

5 – Un décalage subsiste

N. Dixon insiste sur l’importance du grand groupe qui est à la fois caisse de résonnance qui permet de consolider les apprentissages de façon collective et espace de ‘réciprocité généralisée’ qui soutient l’engagement des participants dans le partage de la connaissance. Cet aspect n’est que très légèrement mentionné dans le guide : « L’accompagnement des différents groupes par le référent français et leur travail collaboratif en réseau impliquent la maîtrise à minima d’outils numériques adaptés. Les référents sont formés ou sensibilisés à l’utilisation de ces outils numériques »

Il se pose ainsi la question de l’organisation du travail en réseau des différentes constellations : partages, échanges, mutualisation, … autant d’aspects qui ne sont abordés qu’entre CPC d’une même académie, mais pas entre enseignants.

Cette absence de collaboration en grand groupe est dommage, elle pourrait enrichir avantageusement le dispositif.

6 – Une proposition d’organisation

a) Pour la formation des CPC référents

Il semble important de former les CPC par la pratique en les mettant en situation de collaboration dans des constellations, afin qu’ils puissent vivre de l’intérieur ce qui s’y passe (confrontation, négociation, consensus, blocage/déblocage, partage, …). Chacune de ces constellations de CPC doit être animée par un formateur et un temps d’analyse doit être proposé pour relire ce qui s’est passé et formaliser des ‘principes’ pour l’animation de ces groupes.

b) Pour la formation des enseignants

Il paraît utile de mettre en place un espace de partage/mutualisation entre constellations. Un outil comme stackoverflow ou le forum apprenant (basé sur Question2Answer) pourrait répondre avantageusement au besoin :

  • L’entrée se fait par une question : la problématique sur laquelle travaille la constellation.
  • A la fin de chaque rencontre, les éléments co-construits sont capitalisés dans le fil de discussion, sous la question.
  • Les contributeurs ne s’exposent pas trop : ils partagent le travail du groupe, qui a été construit et validé conjointement : cela donne une certaine légitimité et ôte l’aspect personnel de la contribution.
  • Tout un chacun peut suivre les avancées de chaque constellation, voire apporter une contribution en partageant un lien, une ressource, un témoignage, … Cela peut intéresser les enseignants des différentes constellations de voir ce qui se passe ailleurs, mais aussi les enseignants qui ne sont pas impliqués dans ce plan cette année, les formateurs et cadres qui suivent cette formation, … Enfin, cela peut ouvrir des portes à des chercheurs en mettant à disposition du matériau brut et en ouvrant les classes vers la recherche.
  • Avec 250 constellations dans l’académie, cela peut permettre de capitaliser rapidement un bon nombre de problématiques abordées et documentées.

Pour synthétiser l’organisation qui me semble pertinente, je reprends un schéma ‘historique’ de ce blog avec 4 cercles concentriques :

modèle des apprenants au centre
  • Les enseignants participants sont au centre, dans leur constellation. Le CPC référent français est en charge de l’animation du groupe (partager, collaborer, communiquer) selon une démarche scientifique.
  • Cette démarche se concrétise dans différentes activités (chercher, construire, concevoir, réaliser, créer, analyser).
  • Un travail réflexif permet de repérer et formaliser les ‘invariants’ de la démarche mise en place (comprendre, structurer, conserver, archiver).
  • Un espace de mutualisation entre les différentes constellations permet de mettre à disposition le travail accompli, au fil de l’eau, tout au long de l’année (partager, communiquer, exploiter).

7 – En conclusion

Le Plan français offre une opportunité intéressante de faire évoluer les pratiques de formation dans l’Éducation Nationale et il serait dommage de ne pas la saisir. Une partie de l’organisation est pilotée au niveau académique et offre donc une marge de manœuvre dans les modalités de déploiement et de mise en œuvre. Deux pistes semblent intéressantes à développer :

  • Former les CPC référents à la démarche scientifique en s’appuyant sur des petits groupes (constellations de CPC) pour faire vivre la démarche et l’analyser ;
  • Créer un espace d’échanges entre constellations, en ligne, pour assurer une capitalisation/mutualisation et un suivi des travaux.

N’hésitez pas à réagir pour apporter votre point de vue et votre contribution, les commentaires vous sont ouverts …

Hybrider des TP : des pistes de réflexion

Un groupe informel s’est constitué autour de l’hybridation des formations sous l’impulsion de Jean-Marie Gilliot où s’est posée la question de l’hybridation des TP. Le sujet est intéressant, voici quelques éléments de réflexion dans le contexte de l’Éducation Nationale.

1 – Qu’évalue-t-on dans un TP ?

Le Cegep Sainte Foy, propose d’articuler l’évaluation autour de 3 axes (la présentation ‘théorique’ et une grille exemple) :

  • Le produit, résultat concret du travail qui peut être un tableau de mesure ou une courbe dans des disciplines scientifiques ou un ‘chef d’œuvre’, dans les enseignements professionnels. Ce produit est un élément important pour la motivation des élèves.
  • Le processus qui concerne la manière dont s’est déroulé le travail. Il regroupe les gestes professionnels – physiques ou intellectuels – que doit développer l’apprenant et le respect des règles inhérentes au contexte. Ainsi, le référentiel du CAP pâtissier note explicitement l’importance du processus : ‘L’application et le respect des règles d’hygiène,de nettoyage, de sécurité et d’entretien des locaux et du matériel sont indispensables pour l’obtention du diplôme.‘ Ce processus ne peut se pratiquer ‘hors sol’ sans viser un produit fini. Si la production effective n’est pas possible, il peut être utile de travailler sur des vidéos pour analyser les gestes et repérer ce qui en fait la qualité.
  • Le propos qui est l’expression de l’étudiant sur ses apprentissages. Cette importance du propos se retrouve, par exemple, dans le programme d’enseignement scientifique de première qui précise : ‘il est bienvenu, chaque fois que possible, de créer les conditions permettant un travail de laboratoire fondé sur diverses formes de manipulations et d’observations. Ainsi, l’élève se livre lui-même à la confrontation entre faits et idées et comprend, en la pratiquant, la construction du savoir scientifique.

Tout l’art de l’enseignant en TP est alors d’articuler de façon pertinente ces 3 dimensions du travail et de les intégrer pour avoir une approche la plus complète possible.

2 – Quelle production demander aux élèves ?

S’il paraît évident de demander aux élèves le ‘produit fini’ de leur travail – que ce soit un chef d’œuvre ou un relevé de mesures et le graphique associé – il est peut-être dommage de s’arrêter là. Ainsi, des documents intermédiaires peuvent être riches pour démontrer le cheminement vers le produit fini. Là encore, cela peut prendre différentes formes selon la discipline :

  • brouillons ;
  • éléments de modélisation (SysML, UML, ou autre …) ;
  • photo d’une étape de la réalisation ;
  • vidéo d’un geste spécifique.

Enfin, l’analyse réflexive est aussi essentielle avec une auto-évaluation de la réalisation, une confrontation à la théorie ou au résultat escompté qui permet d’avoir un regard critique sur le travail mené. Cette analyse peut prendre différentes formes, du texte à la vidéo en passant par un schéma ou un audio.

3 – Quelles sont les ressources nécessaires ?

Cette question des ressources nécessaires est incontournable quand on se pose la question de l’hybridation des TP.

  • La réalisation d’un produit fini nécessite de la matière d’œuvre et des outils. L’externalisation peut s’appuyer sur les ressources personnelles des élèves ou s’envisager dans le cadre de ‘TP déplacés’ qui sont intermédiaires entre le stage (car en situation professionnelle réelle) et le TP (car accompagné par des enseignants).
  • La réalisation de mesures nécessite un dispositif expérimental et un(des) capteur(s). Le téléphone portable ou une carte arduino peuvent être très utiles pour externaliser ce type d’activité.
  • L’analyse de données peut s’appuyer sur les données collectées personnellement, sur une mutualisation des données entre élèves ou sur des données accessibles (voire ouvertes) fournies par des tiers.

4 – Synthèse

Le tableau ci-dessous récapitule les différents éléments présentés en structurant les informations par rapport à l’objectif principal du TP. Il est bien sûr pertinent de mêler les objectifs pour exploiter pleinement les séances de TP.

Cœur du TPMesuresChef d’œuvreGeste professionnelAnalyse
Évaluation principaleProductionProductionProcessusPropos
Production attendueRelevé de mesures, graphiqueProduit finiDocuments intermédiaires, photos, vidéosAnalyse
Ressources nécessairesDispositif expérimentalMatière d’œuvre, outilsDépend du produit fini viséDonnées à analyser
Stratégie(s) d’externalisationTéléphone portable, carte arduinoMatière d’œuvre et outils personnels,
TP déplacés
Analyse de vidéosDonnées mutualisées ou ouvertes
comparaison de différents ‘types’ de TP

5 – Conclusion

Deux éléments principaux semblent ressortir de cette analyse :

  1. Les données captées et plus généralement le matériau brut exploité lors des TP.
    Comment obtenir ces ressources ? Peut-on envisager de les mutualiser ? Peut-on exploiter des données externes voire des données ouvertes ? Des organismes en proposent : le CNES avec argonautica, le CEA avec une série de TP, l’IFE avec le projet NéoPass Action … Le site data.gouv.fr peut utilement être creusé pour tout ce qui touche aux données publiques françaises. La piste des TP déplacée est intéressante et peut peut-être se décliner pour différentes formations.
  2. Les traces d’activité qui attestent du respect des règles de l’art.
    L’utilisation de la vidéo peut être très pertinente pour exposer ou relater une démarche ou un geste tandis que la photo permet de présenter les différentes étapes d’une réalisation. Les documents intermédiaires produits par les élèves sont aussi des ressources riches mais souvent oubliées…

Ces deux éléments participent à la structure même d’une activité pratique que la question d’hybridation interroge nécessairement. Cette évolution nécessite une conception pédagogique précise s’appuyant sur des objectifs clairement définis et ne peut qu’être bénéfique pour la qualité globale de la formation.

Cet article a créé l’occasion d’une causerie avec Christophe Batier, accessible ci-dessous :

Continuité, éloignement et synchronisme

Avec le déconfinement et le retour à l’école, se pose la question de l’organisation des apprentissages. Cette réflexion vaut pour la reprise actuelle mais peut aussi être utile pour préparer la prochaine rentrée scolaire qui ne sera peut-être pas comme la précédente.

1 – Les principes structurants

Trois principes structurent cette réflexion pour préparer cette reprise :

  1. L’objectif n’est pas de ‘boucler le programme’ ;
    « on a trop tendance, dans nos institutions, à oublier que la motivation, le sens de l’effort et l’autonomie, l’exigence à l’égard de soi-même ne peuvent pas être des préalables à l’entrée dans une activité pédagogique mais sont les objectifs mêmes de cette activité, indissociablement liés à l’acquisition des savoirs. » (P. Meirieu, 17 avril 2020, café pédagogique)
  2. L’activité d’enseignement-apprentissage doit se vivre à un rythme soutenable pour les enseignants et pour les élèves ;
  3. Dans une même classe, des élèves seront en classe pendant que d’autres seront hors classe.

2 – Différentes situations d’enseignement-apprentissage

Notre réflexion s’appuiera sur une analyse des situations d’enseignement-apprentissage en se repérant selon deux dimensions :

  • La dimension géographique : l’activité de l’élève se déroule en classe ou hors classe ;
  • La dimension temporelle : l’activité de l’élève se déroule-t-elle avec l’enseignant (on parlera d’activité synchrone) ou en autonomie (activité asynchrone).

Vous retrouvez sur le schéma des grands modèles d’organisation de l’enseignement-apprentissage :

  • l’enseignement simultané (synchrone, en classe), avec ses cours et devoirs surveillés ;
  • l’enseignement a-simultané (asynchrone, en classe), avec les tâches complexes, les travaux de groupes, les classes inversées et plans de travail qui peut aller jusqu’à l’enseignement mutuel. Cette modalité fait surgir un besoin de régulation dans le quadrant au-dessus (pour réguler les activités, de façon synchrone entre l’enseignant et les élèves). C’est dans ce quadrant que peut se mettre en place la coopération comme décrite par S. Connac avec ses différentes modalités : aide, entraide, tutorat et travaux de groupe ;
  • l’enseignement à distance (asynchrone, hors classe), qui intègre toutes les activités hors classe : devoirs à la maison, révisions, lectures, …
  • l’enseignement synchrone, hors classe, qui se limitait, avant le confinement à l’organisation mise en place pour les élèves empêchés.

3 – L’irruption du confinement

Le confinement a rendu les salles de classes inaccessibles et les enseignants ont donc dû ‘se débrouiller’ pour assurer une continuité pédagogique avec les seules modalités hors classe. Si les devoirs ne sont plus d’actualité dans ce contexte de confinement, les cours se sont beaucoup transposés en classe virtuelle. Nous avons eu des retours positifs d’enseignants qui avaient déjà initié des démarches collaboratives ou de classe inversée : il semble que la transposition à distance de ce type de démarche se passe plutôt bien : Les élèves travaillent ‘en autonomie’, à distance (seuls ou en groupes) et des régulations régulières avec l’enseignant permettent de valider les progrès, de corriger les erreurs et d’avancer. Cette approche nécessite évidement un accompagnement méthodologique ( démarche, jalon, sens de l’activité, production attendue, …). On retrouve là une partie du pré-requis émis par P. Meirieu.

De même, et pour aborder les autres éléments soulevés par P. Meirieu, il semble important de se poser la question de la motivation des élèves dans ce nouveau contexte où le cadre de la classe, les amis et l’enseignant ne sont plus présents. Nous vous invitons à relire les deux articles sur les besoins des élèves (créer le cadre et soutenir l’engagement).

4 – Et maintenant, le déconfinement …

Nous entrons dans une situation où des élèves peuvent être complètement en cours alors que d’autres ne viennent que partiellement et d’autres, pas du tout. Cette situation, inenvisageable il y a quelques mois, nécessite une réflexion pédagogique particulière pour être pertinente pour tous les élèves tout en ménageant l’enseignant (notion de rythme soutenable).

L’articulation simultanée de situations ‘en classe’ et ‘hors classe’ peut s’envisager de façon synchrone avec une classe virtuelle (soit en filmant l’enseignant faire son cours, soit en diffusant la voix et l’écran de l’enseignant) mais cela a des limites :

  • Cela fait peser une charge mentale conséquente sur l’enseignant qui doit gérer ne même temps les interactions en classe, la diffusion et les interactions avec les élèves à distance. La DANE de Grenoble propose un guide sur la classe filmée (https://dane.web.ac-grenoble.fr/article/les-classes-filmees-elements-de-reglementation) qui propose de travailler à deux enseignants pour gérer tous les aspects en parallèle.
  • Cela nécessite un équipement de l’établissement (micro, caméra) et une bande passante non-négligeable, surtout si plusieurs enseignants envisagent de diffuser leur cours en même temps.
  • Youtube et Netflix ont des atouts indéniables pour concurrencer sérieusement les enseignants (on revient sur la question de la motivation) ;
  • Cela ne garantit une qualité pédagogique : le cours magistral filmé n’est pas toujours la solution idéale pour créer les conditions favorables à l’apprentissage.

Une autre approche, plutôt asynchrone est centrée sur l’activité de l’élève qui produit, seul ou en groupe, jalonnée par des régulations :

  • L’enseignant peut étaler dans le temps le suivi des élèves selon l’urgence, les besoins, l’avancée des travaux ;
  • Vu le nombre restreint d’élèves accueillis, les temps en classe peuvent être des opportunités pour organiser ces régulations avec un accent particulier sur la méthodologie de travail. Des classes virtuelles peuvent être proposées aux élèves restant hors classe toute la semaine ;
  • Cela nécessite un travail en équipe pédagogique pour coordonner les travaux demandés afin d’assurer une charge de travail raisonnable et un rythme soutenable pour l’élève ;
  • Le suivi méthodologique peut être mené de façon collégiale par l’équipe pédagogique ;
  • L’élève travaille à son rythme, avec les ressources proposées, il est épaulé et soutenu par l’équipe enseignante ;
  • Une différenciation est envisageable en variant les productions attendues, le degré d’accompagnement, le degré de guidage des consignes, …
  • Les outils numériques sont sollicités pour donner les consignes (par l’enseignant dans ENT), déposer les productions intermédiaires ou finales (par l’élève dans ENT), accompagner et réguler (échanges à travers l’ENT ou l’outil de classe virtuelle du CNED).
  • Les productions intermédiaires permettent de travailler la méthodologie et d’accompagner l’élève dans sa démarche d’apprentissage.

Dans cette seconde approche, l’enseignant n’est plus dispensateur des savoirs mais garant des apprentissages, il se concentre sur l’accompagnement de l’élève pour le soutenir dans son cheminement.

Les classes mutuelles sont inspirantes par la logique qu’elles portent : tous les participants, élèves et enseignants, sont au service de l’apprentissage de chacun. Il n’y a ainsi plus de ‘triche’ mais de l’aide ou de l’entraide (cf. S. Connac).

Les classes inversées nous proposent des démarches intéressantes pour l’organisation méthodologique et temporelle de l’apprentissage avec une alternance de temps asynchrones (ou ‘solitaires’) de recherche et de production avec des temps synchrones (ou ‘collectifs’) de mise en commun, partage et co-construction.

En conclusion

Ces deux approches de la continuité pédagogique ne sont pas exclusives et l’on peut (doit ?) envisager une alternance féconde des différentes modalités. Le tableau ci-dessous récapitule les caractéristiques de chaque approche.

Continuité synchroneContinuité asynchrone
organisation généralecentrée sur l’enseignementcentrée sur l’apprentissage
charge mentalecentrée sur l’enseignantrépartie entre les participants
posture de l’enseignant (cf. D. Bucheton)contrôle et enseignementaccompagnement et lâcher-prise
organisation du travail élèvetravail solitaireaide, entraide, tutorat, travaux de groupes

Dans cette logique, les outils numériques peuvent aider à transposer des activités classiquement synchrones en classe en activités asynchrones hors classe : il suffit par exemple que l’enseignant s’enregistre à l’oral pour transformer une dictée en classe en activité hors classe. Cette transposition pourrait être enrichie en utilisant le correcteur orthographique du traitement de texte…

Ces idées peuvent prêter à débattre, n’hésitez pas à partager votre point de vue.

Projet expérimental et numérique : retour d’expérience sur l’accompagnement proposé

Afin d’accompagner les enseignants dans le projet expérimental et numérique de 1ère, la DANE de Dijon a proposé un parcours d’accompagnement, étalé sur 5 semaines, totalement à distance.  Ce parcours était ouvert à tous les enseignants intéressés et abordait toutes les questions liées à l’organisation d’un projet pédagogique. Nous vous proposons un bilan de ce travail.

1 – Organisation de l’accompagnement mis en place

La session proposée visait d’aider les enseignants à mettre en place le projet expérimental et numérique prévu dans les nouveaux programmes de 1ère. Elle s’organisait en 5 semaines comme suit :

Semaine Objectif Activités & livrables
0 Les capteurs et outils présents dans mon laboratoire · Liste collaborative des capteurs et logiciels pour le traitement de données
Classe virtuelle 1 – Lancement (30’)
1 Les objectifs du projet et les activités réalisables · Des problématiques et mesures possibles
· Une organisation temporelle possible du projet
2 L’évaluation du projet · Forum : quels critères de réussite ?
· Forum : évaluation, traces et indicateurs. Comment faire ?
Classe virtuelle 2 – Alignement constructiviste (30’)
3 L’engagement des élèves · Forum : Quels leviers activer pour engager les élèves ?
· Forum : quelles interactions entre élèves ?
4 La place de l’enseignant · Proposition d’un planning du projet
· Proposition d’une grille d’évaluation du projet
Classe virtuelle 3 – Lecture croisée (30’)
5 Lecture croisée · Lecture critique (constructive) de la proposition des pairs

2 – Participation et activité des participants

Nous avons eu 99 inscrits sur le parcours mais cela n’est pas forcément représentatif de l’activité réelle sur le parcours. Le graphique ci-dessous présente :

  • en bleu : le nombre de personnes qui se sont connectées pour la dernière fois durant cette période ( = les décrocheurs) ;
  • en orange : le nombre d’inscrits durant cette période ;
  • en gris : le nombre de personnes “en lien avec l’accompagnement” ( = qui se sont connectées durant la période ou après).

On constate les éléments suivants :

  • De nombreuses personnes s’inscrivent ‘pour voir’, sans réel engagement (cf. les 19 personnes qui se sont inscrites et ont décroché avant même le début du parcours) ;
  • Le nombre d’inscrits augmente les 3 premières semaines puis stagne ;
  • Toutes les semaines, il y a entre 10 et 15 décrocheurs ;
  • Les nouveaux entrants compensent ceux qui décrochent donc, le nombre de personnes en lien avec l’accompagnement stagne durant quelques semaines ;
  • A partir du moment où il n’y a plus de nouveaux entrants, l’effectif des participants diminue au grès des décrocheurs.
  • Les enseignants continuent à utiliser ce parcours après sa fin : au 10 janvier, ils étaient 14 à être revenu sur le parcours (cf. diagramme ci-dessus), au 28 février, ils sont 25.

Afin de refléter la réalité précise, il est utile de savoir que 5 participants ont eu une activité soutenue et suivie tout au long du parcours, à participer aux classes virtuelles ou à les suivre à posteriori et à s’impliquer dans la lecture croisée. Cette participation ‘complète’ est relativement faible (5%) mais comparable à la moyenne des MOOC qui est la modalité dont nous pouvons le plus rapprocher notre proposition. Le graphique ci-dessus montre qu’un quart des participants étaient encore “en lien avec l’accompagnement” lors de la dernière semaine et que l’activité s’est prolongée au-delà de la durée officielle du dispositif.

3 – Que peut-on tirer de cette expérience ?

Voici, en vrac, quelques conclusions que nous tirons de cette première session d’accompagnement.

  1. L’organisation globale du parcours est cohérente et répond aux attentes des enseignants. Il semble pertinent de regrouper les semaines 3 et 4 pour maintenir la densité du parcours et réduire la durée totale sur 4 semaines.
  2. La mise en activité des participants dès l’inscription (construction collective d’une liste de matériels et logiciels disponibles dans les laboratoires) est intéressante pour les engager au plus vite, sans attendre le début ‘officiel’ du parcours.
  3. La fonctionnalité ‘atelier’ de moodle est intéressante d’un point de vue pédagogique et assez simple à mettre en œuvre. A l’usage, on constate qu’une lecture critique de production d’un pair est une activité très riche mais qui nécessite un engagement certain (en temps et en investissement intellectuel).
  4. Les 3 classes virtuelles de 30′ ont été utiles pour soutenir les participants assidus. La durée nous semble bonne pour pouvoir apporter les informations nécessaires (aussi bien sur le contenu que sur les modalités et l’organisation du travail)
  5. Le nombre d’inscrits est relativement décevant : la communication en amont d’un tel dispositif est essentielle pour mobiliser les publics potentiels. Nous avons de gros progrès à faire dans ce domaine ! Il était peut-être plus raisonnable, pour ce premier essai de n’avoir qu’un nombre limité de participants afin de ne pas nous mettre trop la pression …
  6. La charge de travail des animateurs était raisonnable et devrait pouvoir être supportable même avec un public plus nombreux.
  7. Quelques enseignants se sont inscrits ‘en groupe’ sur un même établissement et cela semble avoir été un élément important pour soutenir l’engagement et la persévérance de chacun. Les activités proposées tout au long du parcours alimentaient sans doute le travail collectif local.

4 – En guise de conclusion

Ces conclusions nous semblent encourageantes et nous pouvons déjà vous informer que nous proposerons à nouveau ce parcours (dans sa version condensée) à la rentrée prochaine ! De même, la démarche nous semblant fiable, nous envisageons peut-être de décliner cette proposition sur d’autres sujets, comme par exemple “faire travailler les élèves à l’oral” … A suivre, donc !

Apprendre du confinement

Le confinement que nous vivons est un contexte exceptionnel, qui nous a tous bousculés dans notre vie et notre organisation, aussi bien au niveau personnel que professionnel. Il nous a forcé à évoluer, à essayer de nouvelles pratiques, de nouveaux outils, en un mot à ‘apprendre’. Si l’on est bien convaincu qu’une formation peut nous permettre d’apprendre, on peut se demander comment un changement de contexte, aussi radical soit-il, nous offre aussi une possibilité d’apprentissage et quels mécanismes mettre en œuvre pour en tirer le meilleur parti.

1 – Comment une situation de travail peut-elle être apprenante ?

Marcel Lebrun modélise un dispositif de formation avec le schéma ci-dessous (cf. 5 facettes pour construire un dispositif hybride : du concret)

Si ce schéma est adapté pour une situation d’apprentissage, il peut aussi convenir à n’importe quelle situation de travail, professionnelle ou bénévole : la différence réside dans l’objectif poursuivi. Si l’objectif d’une formation est d’apprendre et développer des connaissances ou compétences, une situation de travail ‘classique’ vise la production d’une valeur ajoutée (cf. https://prodageo.wordpress.com/2013/11/29/situation-professionnelle-situation-dapprentissage/). Ainsi, de même que la production est un détour utile pour ancrer les apprentissages lors d’une formation, des apprentissages peuvent surgir d’une situation de travail.

2 – Quel est l’impact du contexte ?

Si l’on analyse l’impact du confinement sur la situation de travail, on peut constater que toutes les facettes sont affectées. En effet, les informations (ensemble des ressources mises à disposition) évoluent : de nouveaux outils et de nouvelles procédures apparaissent avec le télé-travail qui modifient largement l’activité quotidienne et les interactions humaines. L’isolement induit par ce confinement peut avoir un impact non-négligeable sur les interactions, l’engagement et la persévérance. Enfin, la production peut être radicalement différente, c’est le cas des enseignants qui découvrent que l’on ne peut pas faire un cours à distance de la même façon qu’on l’organise en classe.

Ce confinement chamboule donc tous les aspects de nos situations de travail, mais ça, vous vous en étiez déjà rendu compte …

3 – Quelles sont les phases de vie dans un tel confinement ?

Dans son article Lessons from a coronavirus refugee (synthèse en français) Sina Farzaneh nous présente les 5 étapes psychologiques d’un confiné.

  1. La phase de survie qui est réactive et correspond à la phase d’adaptation ;
  2. La phase de sécurité est celle de l’entrée dans l’entrée dans le temps long ;
  3. La phase d’appartenance permet de s’installer dans une nouvelle normalité ;
  4. La phase de l’importance doit être focalisée sur l’attention aux nouveautés : nouvelles idées, nouveaux centres d’intérêts, …
  5. La phase d’auto-actualisation demande de prendre du recul par rapport à son évolution.

Ces différentes phases de vie font apparaître deux cycles : un cycle court de l’adaptation dans l’action et un cycle plus long avec la prise de recul pour tirer les conclusions et acter les évolutions à conserver. Cela rejoint le modèle de la compétence (MADDEC) de Coulet, focalisé sur les processus sous-jacents mis en œuvre dans « l’organisation de l’activité mobilisée et régulée pour faire face à une tâche donnée dans une situation déterminée ».

On y retrouve les deux boucles avec la boucle courte qui régule les règles d’actions (dans la phase d’adaptation) et la boucle longue qui impacte les conceptualisations (changement ou renforcement). Il propose aussi un troisième niveau de régulation qui correspond à une réorganisation de l’activité elle-même (ce qu’il qualifie de changement de schème).

L’adaptation se fait ‘sous la contrainte’ pour répondre à l’urgence. Par contre, l’analyse réflexive (boucle longue) n’est pas urgente mais importante et nécessite un effort qui peut paraître conséquent par rapport au résultat envisagé à priori.

4 – Comparaison chronologique ‘formation / confinement’

Le tableau ci-dessous récapitule et compare un dispositif de formation et la situation de confinement, qui peut générer des apprentissages, en s’appuyant sur la place de l’enseignant dans une formation collaborative. Cette comparaison permet de mettre en avant les ressources disponibles ou à mobiliser pour palier l’absence d’enseignant.

Etape Place de l’enseignant Dans le cadre d’un confinement
Conception de la mise en situation A partir des objectifs visés, l’enseignant définit l’évaluation, les activités, la production finale attendue et met en place les ressources et le contexte adaptés pour atteindre l’objectif. La mise en situation liée au confinement n’est choisie par personne, elle est plutôt subie par tout le monde. Elle ne vise aucun objectif d’apprentissage ou de production spécifique. Elle est là, c’est un fait. Chacun est bousculé et doit s’adapter …
Personne ne s’est donc chargé de la ‘conception de la mise en situation’.
Pendant la situation Il suit et accompagne les élèves en s’assurant que chacun progresse et apprend (l’objectif n’est pas la production mais bien l’apprentissage). Il relève les éléments marquants qui touchent autant au contenu disciplinaire qu’aux méthodes de travail et seront exploités lors de la synthèse finale dans une démarche réflexive. L’adaptation nécessaire passe par la recherche d’une méthodologie de travail dans ce nouveau contexte, de ressources pertinentes qui peuvent être des outils, leur guide de prise en main, des retours d’expérience, …
Des personnes ressources existent dans l’Éducation Nationale pour aider et accompagner les enseignants dans cette adaptation :

  • Les ERUN (enseignants référents aux usages du numérique, pour le 1er degré) ;
  • Les référents numériques (RUPN, dans chaque établissement du 2nd degré) ;
  • Les équipes des DANE et DRNE, services académiques du numérique pour l’éducation.

Chacun, à son niveau, a fourni un travail pour répertorier et produire des ressources, accompagner à la prise en main des outils et soutenir les enseignants en proximité.

  • Les inspecteurs et chefs d’établissement se sont aussi mobilisés pour rappeler les grands principes pédagogiques et coordonner les équipes localement.
Après la situation Il relit l’activité réalisée pour en extraire les éléments disciplinaires et méthodologiques à retenir, au regard des objectifs visés. Ce travail se mène en partenariat avec les apprenants. Des temps de relecture sont à prévoir, aussi bien personnellement que de façon collective pour analyser ce qui s’est vécu et ce qui mérite d’être gardé (quitte à l’adapter).

Il pourrait être intéressant de travailler cette relecture en famille, en équipe pédagogique, en classe, … Cette démarche de « relire pour apprendre et progresser » est caractéristique d’une logique d’apprentissage tout au long de la vie, et il est très intéressant de l’initier avant la fin de la formation initiale.

 

5 – Des outils pour soutenir l’analyse réflexive

Comme nous l’avons vu, l’analyse réflexive nécessite un effort important et il semble donc utile d’accompagner cette démarche. Deux directions sont possibles :

  • faciliter la démarche par des outils ou des guides ;
  • rendre la démarche plus désirable par l’attrait d’une production.

Plusieurs pistes sont envisageables, en voici quelques-unes…

a) Des badges pour apprendre en période de confinement

Un badge est une image au format numérique (jpeg, png, svg) dans laquelle sont encodées des méta-données : le nom du badge, de l’émetteur, du récipiendaire, la date de remise, la durée de validité, la preuve d’obtention, … Il permet de reconnaître et valoriser des réalisations, des apprentissages, des valeurs, des contributions, des engagements, …

Les badges se positionnent en complémentarité des diplômes et certifications.

Le projet BRAVO-BFC – porté par la région Bourgogne-Franche-Comté, les académies de Besançon et Dijon, la DRAAF et le SGAR – propose une série de 6 badges pour apprendre du confinement, chacun abordant un aspect spécifique de l’adaptation induite par le confinement. Le tableau ci-dessous présente chacun des 6 badges.

badge aspect spécifiquement abordé
Je planifie Gestion du temps, que ce soit personnel, collectif, de mon équipe ou de mes enfants.
J’organise l’espace Gestion de l’espace pour mettre en place un nouveau cadre de travail. Là encore, pour soi, son équipe ou ses enfants.
Je m’outille Découverte et appropriation de nouveaux outils, numériques ou pas …
Je reste en contact Organisation mise en place pour entretenir et développer mes relation avec mes proches : famille, amis, collègues.
Je pilote mon activité Organisation mise en place pour réaliser votre activité ‘principale’ : méthode de travail, régulation, coordination d’équipe, …
J’évolue Évolution des priorités, des valeurs, des aspirations, …

Il peut y avoir un chevauchement relatif entre les badges car les limites sont poreuses entre les différents domaines qui se recouvrent partiellement.

Ces 6 badges sont à votre disposition pour vous soutenir, individuellement ou collectivement dans ce temps d’analyse réflexive. ils peuvent être utilisable pour tous les publics : télétravailleur contraint, chef d’équipe géodistribuée, parent gérant un ‘espace de coworking familial’, élève ou étudiant …

Chaque badge propose une grille de questionnement pour faciliter la démarche et le badge est, en lui-même, un produit fini qui reconnaît et valorise les réalisations et progrès de chacun.

b) La métaphore du vélo

J’ai récemment croisé cette image, extraite du livre Des enseignants qui apprennent, ce sont des élèves qui réussissent de F. Muller qui me semble parlante et explicite. Elle peut aussi être utile pour questionner l’évolution de son activité en période de confinement.

c) Une approche par le portfolio

J’avais proposé, il y a quelques années, une représentation du portfolio d’apprentissage en m’appuyant sur le travail de Yves Morin.

Ce cadre général peut être étayé par cette série de questions pour soutenir l’analyse réflexive avec des élèves. Il me semble qu’elles sont toujours exploitables, quitte à les adapter à votre contexte.

La démarche de portfolio est contraignante mais la production finale qui capitalise l’ensemble des traces et réflexions est très riche. Ce blog peut être assimilé à un tel objet.

d) Un canevas de réflexion

apprendre confinement SandrineB

J’ai découvert ce canevas proposé par Sandrine B. qui me semble complémentaire des propositions ci-dessus. L’aspect graphique rend le travail de réflexion attirant tout en donnant un cadre au questionnement. Cet outil me semble particulièrement utile pour soutenir un travail en groupe.

6 – Conclusion

Nous avons vu la différence entre une situation de formation qui vise spécifiquement des apprentissages et un contexte subi, comme le confinement que nous vivons actuellement, qui peut générer des apprentissages. Il en ressort le besoin d’un outillage et d’un accompagnement pour soutenir ces apprentissages, tout au long du confinement. Dans l’Éducation Nationale, des personnes sont en première ligne pour cet accompagnement : les ERUN et RUPN, les chefs d’établissement, les inspecteurs et les équipes des DANE et DRNE.

Des outils sont à disposition pour soutenir l’analyse réflexive et apprendre du confinement mais c’est une activité qui nécessite un travail personnel, et qui pourrait être avantageusement étayée par une dynamique collective (pilotée par le chef d’établissement pour l’équipe enseignante, le professeur principal pour une classe, les parents pour une famille, …).

Nous avons chacun déroulé la première boucle ‘courte’ de l’adaptation et avons ainsi parcouru la moitié du chemin. Il serait dommage de ne pas pousser un peu plus loin avec la boucle ‘longue’ en formalisant ces apprentissages pour en tirer le meilleur et progresser ensemble, non ?

Les besoins des élèves à distance : soutenir l’engagement

Nous avons vu dans l’article précédent l’importance des consignes et les éléments que les enseignants peuvent donner pour aider les élèves à s’organiser ainsi que la place que peuvent tenir les parents pour soutenir localement cette organisation. Nous abordons aujourd’hui les éléments qui peuvent aider les élèves à s’engager dans la tâche et soutenir leur persévérance.

Plusieurs éléments caractérisent une tâche engageante, Roland Viau en fait un sujet d’étude et ses résultats sont présentés ici. Voici quelques points importants.

1 – Laisser une possibilité de choix

On peut envisager plusieurs possibilités de choix quand on propose un travail à des élèves, voici quelques exemples :

  • La forme de la production : production écrite, enregistrement audio ou vidéo, carte mentale, …
  • L’organisation du temps : les élèves ne sont pas tenus de travailler à l’heure où ils ont cours ;
  • Les ressources utilisées : les élèves peuvent choisir parmi un corpus de ressources présélectionnées ou partager une ressource qui les a aidé.
  • L’organisation du travail : les élèves peuvent avoir la possibilité choisir de travailler seul ou en groupe, de choisir leur groupe, …

2 – Proposer des activités qui ont du sens pour l’élève

Le sens de l’activité que l’on propose est essentiel et nécessite d’être explicité. Cela passe par des consignes claires et complètes qui mettent en perspective l’activité proposée, la réalité de l’élève et l’objectif visé. Toute l’articulation temporelle de la progression peut aussi aider à donner du sens à une activité au sein d’une séquence.

3 – Proposer des défis réalisables

L’élève s’engage dans une activité si elle représente pour lui un défi qu’il pense pouvoir surmonter. (C’est cette logique qui est mise en œuvre dans les jeux vidéos quand ils proposent des niveaux progressifs aux joueurs). Ainsi, il peut être envisageable de proposer une activité similaire en adaptant le guidage dans les consignes ou le niveau d’exigence de la production finale. Le côté ‘réalisable’ du défi peut être explicité en présentant les critères d’évaluation ou de réussite.

Voici quelques pistes d’activités qui peuvent être intéressantes à proposer à des élèves (issues de cet article) :

  • Se tester sur la compréhension d’une notion (exercices d’application, quiz, …) : les élèves peuvent construire des questionnaires à soumettre à leurs pairs.
  • Questionner une notion, un concept (pourquoi fait-on comme cela ? Pourrait-on faire autrement ? Comment faisait-on avant ? …)
  • Résumer / reformuler : que ce soit en audio, vidéo, graphique, schéma ou texte.
  • Comparer : un document ou une démarche de référence par rapport à d’autres ressources (fournies ou à choisir)
  • Schématiser / tisser des liens : cela correspond plus à une activité de fin de séquence, pour prendre en considération la cohérence globale de la notion étudiée.

Dans ces activités, l’enseignant peut laisser l’élève conduire en partie ses apprentissages. Il doit cependant rester garant de ces apprentissages en validant que les connaissances construites sont bien conformes au savoir actuel.

4 – Soutenir les relations humaines

Les élèves viennent au collège ou au lycée d’abord pour retrouver leurs amis. Cet élément du lien social est incontournable maintenant qu’ils sont chacun chez eux : Comment soutenir et maintenir ces relations essentielles ?

Cette question est à résoudre dans différentes dimensions :

  • le lien socio-affectif avec les amis : même si les élèves ont les réseaux sociaux pour échanger avec leurs amis, il peut être intéressant de mettre en place ponctuellement des classes virtuelles de ‘vie de classe’ pour continuer à faire perdurer les liens au sein du groupe classe. Il est important que les élèves puissent faire savoir les conditions dans lesquelles ils travaillent à domicile, qu’ils expliquent l’organisation mise en place, les difficultés rencontrées, … ces échanges méthodologiques et de régulations peuvent servir tous les élèves et permettre à chacun de mieux vivre son quotidien ; c’est plus facile quand on sait qu’on est pas seul à vivre une telle situation. Des activités collaboratives peuvent aussi permettre aux élèves de tisser des liens avec leurs camarades et de construire ensemble un chef d’œuvre dont ils seront fiers.
  • Le soutien cognitif par les enseignants : le lien entre l’élève et l’enseignant autour des apprentissages est essentiel. Les rétroactions que peut faire l’enseignant sont indispensables pour soutenir l’engagement et aider réellement l’élève à progresser. Elles peuvent porter sur la production en elle-même, le processus mis en place pour réaliser la production et les apprentissages ou progrès réalisés. Il est important de ne pas rester à un niveau factuel et de proposer à l’élève des pistes de progrès en proposant des objectifs atteignables, des démarches efficaces, … Dans un contexte d’apprentissage à distance, la méthode de travail est aussi importante que le résultat obtenu. Cette relation enseignant-élève est importante et peut être consolidée en utilisant l’audio ou la vidéo : entendre et/ou voir son enseignant est important pour renforcer le lien humain.
  • Le soutien médico-social par l’équipe de vie scolaire, l’infirmerie, … : certains élèves sont en difficulté sociale, familiale ou médicale. L’établissement doit pouvoir apporter un soutien à ces élèves en proposant d’entrer en relation avec un adulte référent de confiance, par des permanences, une adresse de messagerie ou un formulaire de prise de contact via l’ENT pour mettre en place, ensuite, un échange plus ‘humanisé’.

Pour conclure

Tous ces éléments caractérisent la vie d’un élève à distance, ses besoins et ses difficultés. La continuité pédagogique demandée cherche à y répondre et les enseignants se sont attelés à la tâche avec beaucoup d’énergie. Les apprentissages seront facilités une fois qu’une organisation coordonnée sera stabilisée dans les équipes et explicitée aux élèves et à leurs parents. La première étape dans ce nouveau contexte a ainsi un double objectif : aider chaque élève à structurer sa méthode de travail, d’une part et recréer les liens sociaux qui font la vie de l’établissement, d’autre part. Nous y arriverons. Tous ensemble.

Accompagner les enseignants pour la mise en place du projet expérimental et numérique

Les nouveaux programmes du lycée font apparaître dans le programme de l’enseignement scientifique de première un projet expérimental et numérique sur une durée d’une douzaine d’heures. Lors d’échanges avec des collègues concernés par cet enseignement, nous avons compris que de nombreux enseignants n’étaient pas à l’aise avec cette démarche d’apprentissage par projet. Pour répondre à ce besoin, la DANE de Dijon propose un accompagnement pour mettre en place une tel dispositif.

1 – L’objectif visé

Nous proposons un accompagnement sur 5 semaines pour questionner tous les éléments à anticiper lors de la mise en place d’un tel projet avec des élèves. A la fin de cet accompagnement, les enseignants participants auront définis une trame globale pour mener ce projet avec leurs élèves.

Nous nous appuyons sur le programme défini au BO rappelé ci-dessous :

Le projet s’articule autour de la mesure et des données qu’elle produit, qui sont au cœur des sciences  expérimentales. L’objectif est de confronter les élèves à la pratique d’une démarche scientifique expérimentale, de l’utilisation de matériels (capteurs et logiciels) à l’analyse critique des résultats.

Le projet expérimental et numérique comporte trois dimensions:

    • utilisation d’un capteur éventuellement réalisé en classe ;
    • acquisition numérique de données ;
    • traitement mathématique, représentation et interprétation de ces données.

Selon les projets, l’une ou l’autre de ces dimensions peut être plus ou moins développée. L’objet d’étude peut être choisi librement, en lien avec le programme ou non. Il s’inscrit éventuellement dans le cadre d’un projet de classe ou d’établissement. Ce travail se déroule sur une douzaine d’heures, contiguës ou réparties au long de l’année. Il s’organise dans des conditions matérielles qui permettent un travail pratique effectif en petits groupes d’élèves. La dimension numérique repose sur l’utilisation de matériels (capteur éventuellement associé à un microcontrôleur) et de logiciels (tableur, environnement de programmation).

Prérequis et limites

Ce projet remobilise certains acquis des classes antérieures : mesure et incertitudes, manipulation de capteurs et microcontrôleurs, données structurées et leur traitement, information chiffrée et statistique descriptive, utilisation d’un tableur et d’un environnement de programmation. L’objectif n’est pas d’introduire des notions nouvelles.

2 – L’accompagnement proposé

L’accompagnement va se dérouler en 2 étapes principales.

a) La mise en œuvre d’une démarche de projet : réflexion collective

Étalé sur 4 semaines, cette phase permettra de construire une réflexion collective sur le projet expérimental et numérique, chaque semaine correspondra à une étape, abordant un aspect spécifique :

  1. Les objectifs du projet et les activités réalisables
  2. L’évaluation du projet
  3. L’engagement des élèves dans le projet
  4. La place de l’enseignant dans le projet
Nous proposons chaque semaine :
  • des éléments de réflexion ;
  • deux ou trois activités à réaliser (inventaire, forum, …)

Au cours de cette étape, vous construirez votre trame permettant la mise en place de ce projet dans vos classes.

b) Lecture croisée des trames

A la fin de ces 4 semaines, vous pourrez partager votre trame de façon anonyme pour une relecture entre collègues. Cela vous permettra de voir des organisations différentes et d’avoir des retours sur votre organisation qui enrichiront le travail de chacun.

3 – Les modalités pratiques

a) Organisation temporelle

Le parcours d’accompagnement débutera le 18 novembre 2019. Il est prévu totalement à distance. Nous estimons la charge de travail hebdomadaire à 1 heure 30.

Chaque semaine, vous seront proposés :

  • Des éléments de réflexions qui nécessitent entre 5 et 15 minutes (selon la quantité de ressources proposées, vos connaissances et l’intérêt que vous portez au sujet).
  • Des questions pour vous aider à construire votre projet progressivement. Le partage de vos réflexions sur le forum et la lecture des propositions des collègues nécessiteront 45 minutes par semaine environ.

3 classes virtuelles rythmeront le parcours aux dates suivantes :

  • lundi 18 novembre, de 19h à 19h30, pour vous présenter l’équipe de formateurs, le parcours et la logique de l’accompagnement proposé ;
  • vendredi 29 novembre, de 12h30 à 13h, pour faire un point d’étape sur les deux premières semaines ;
  • vendredi 13 décembre, de 12h30 à 13h, pour faire un deuxième point d’étape et présenter l’analyse croisée.

b) Inscription

Cet accompagnement est proposé en inscription libre, ouvert à tous les enseignants qui interviennent sur l’enseignement scientifique de première. Pour vous inscrire, il suffit de cliquer sur ce lien et de vous identifier sur m@gistère avec vos identifiants académiques :

https://magistere.education.fr/ac-dijon/course/view.php?id=7487

Dans l’attente de vous retrouver le 18 novembre !

Révéler ce qui est tacite pour développer le pouvoir d’agir

J’ai eu l’occasion de visionner quelques interventions de Laurent Bibard, enseignant de gestion et de philosophie et titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité de l’ESCP. Sa vision de la dualité entre complexité et simplicité me semble très éclairante pour comprendre des situations auxquelles nous sommes confrontées au quotidien et inspirante dans une démarche de développement professionnel.

1 – Les concepts de complexité et simplicité

Plusieurs vidéos de conférences de Laurent Bibard sont accessibles sur Youtube, celle-ci est dense et donne les éléments essentiels (7’41”)

L. Bibard définit la complexité comme coexistence de 4 éléments et en déduit une présentation de la simplicité par effet miroir. Le tableau ci-dessous synthétise les grandes idées présentées

Complexité Simplicité
Incertitude
Contradiction
Émergence
Vigilance collective
Sous contrôle
Cohérence
Visible
Leader qui sait pour les autres

Il s’avère que le monde est complexe et cette complexité nous entoure au quotidien. Cependant, nous sommes constamment attiré par un désir et une nécessité de simplicité. Et c’est dans cette tension (à la fois personnelle et collective) entre complexité ambiante et désir de simplicité que réside le nœud de la difficulté constante. Il assimile cette tension simplicité/complexité à la dualité entre les deux logiques de court terme (simplicité) et long terme (complexité) en précisant qu’alors, le long terme peut s’envisager sur des durées très courtes.

2 – Des pistes pour vivre cette tension

Nous oscillons en continu entre des routines que nous maîtrisons (simplicité) et l’incertitude du quotidien (complexité). La solution proposée par L. Bibard consiste à gérer l’incertitude en s’appuyant sur ce que l’on sait déjà faire. On rentre alors dans une démarche d’improvisation, au sens noble du terme, comparable à un travail d’artiste qui s’appuie sur sa technique éprouvée et intégrée pour créer quelque chose de nouveau. Cette démarche d’improvisation ne peut s’envisager que si l’on a conscience de ce que l’on maîtrise effectivement et nécessite donc de révéler (au sens de dévoiler) toutes les aptitudes et compétences intégrées dont nous n’avons plus forcément conscience.

Cette conscientisation de l’ensemble de nos capacités nous permet d’oser affronter des situations que nous ne maîtrisons pas totalement et de nous frotter à cette incertitude. C’est alors que des apprentissages peuvent se développer !

La représentation graphique ci-dessous présente les grandes lignes de cette approche.

3 – Révéler et reconnaître

Il apparaît que l’initiation de la démarche de développement professionnel repose sur la révélation (au sens de rendre visible) et la reconnaissance des aptitudes et compétences de chacun. L’étude réalisée par Aaron Aruck Digital Credentialing for Professional Development Organizations, Benefits, Insights and Recommandations réalisée auprès de responsables de développement professionnel dans différentes institutions et utilisant la plateforme d’openbadges Badge List met en relief deux points intéressants :

  1. L’usage des openbadges est efficace pour aider les personnes à répertorier leurs réussites et à les mettre en perspective dans une logique d’apprentissage toute la vie durant. L’étude précise que la démarche est d’autant plus efficace que les participants peuvent choisir les éléments de preuve qu’ils intègrent au badge.
  2. Les openbadges sont aussi pertinents pour présenter son parcours professionnel, ses apprentissages et les compétences maîtrisées.

Conclusion

Ces éléments tendent à penser que les openbadges peuvent être efficaces pour initier une démarche de développement professionnel en révélant les réussites et compétences de chacun. Cette étape est essentielle pour libérer les énergies et mieux faire face à l’incertitude, aussi bien individuellement que collectivement.

Cette approche ouvre aussi la possibilité d’une ‘éthique de l’essai’, bien en phase avec une obligation de moyen, où l’on n’est pas sûr de réussir, mais on essaie quand même !

 

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