Un peu de recul sur ChatGPT

Comme beaucoup de monde, j’ai testé ChatGPT en lui posant des questions sur les limites de son utilisation et l’usage avec des élèves (Vous trouverez le contenu des échanges à la fin de cet article). Si le résultat est impressionnant, quelques éléments m’interpellent…

1 – ChatGPT ne produit que ce qu’on lui demande

Force est de constater que cette intelligence artificielle produit des textes impressionnants. Cependant, elle ne demande pas de préciser ou de contextualiser une requête qui pourrait être floue et répond par principe. Ce fonctionnement a deux conséquences :

  1. On n’est pas dans un dialogue d’égal à égal mais plutôt dans une position d’interview où l’on demande au ‘sachant’ de nous donner l’information souhaitée. Ce décalage met, d’une certaine façon, le demandeur en position d’infériorité alors qu’il doit avoir un esprit critique aiguisé pour analyser et traiter la réponse fournie par l’IA.
  2. Il faut espérer que notre question correspond exactement à ce que l’on cherche, et l’on sait à quel point c’est compliqué de poser la bonne question. ChatGPT le dit lui-même dans ses limites (cf. ci-dessous) : « Manque de compréhension du contexte : ChatGPT ne peut pas comprendre le contexte dans lequel une question est posée, ce qui peut parfois conduire à des réponses inappropriées ou confuses. »

Je n’ai pas cherché à pousser un questionnement trop précis et je trouve que la réponse est vite approximative, et d’ailleurs, ChatGPT le dit lui-même, « bien que ChatGPT puisse fournir des réponses assez précises, il peut encore commettre des erreurs ou produire des réponses inexactes. » Ainsi, j’aurais tendance à dire que ChatGPT est, au mieux, du niveau d’un collègue un peu baratineur et pas forcément très scrupuleux…

2 – ChatGPT n’est pas un collègue

Il me semble essentiel de rappeler que cette IA n’est pas un collègue et que les échanges que l’on peut avoir avec elle n’apportent aucune satisfaction sociale. On ne ressent aucune empathie pour cet interlocuteur, on ne tisse pas de lien dans la durée. ChatGPT ne va jamais nous raconter ses vacances ou ses problèmes, alors que c’est ce genre de partages qui aident à créer une réelle relation empathique. Nous sortons d’une pandémie qui nous a bien fait sentir que nous avions un besoin essentiel de ces relations humaines, de ces échanges informels, de ces relations qui se façonnent au jour le jour. Il ne faudrait pas tomber dans le piège de cette IA, sorte de ‘Canada dry’ de la relation : ça ressemble à une relation, mais ça n’est pas une relation, et c’est pour ça que ça pose problème …

ChatGPT est d’ailleurs honnête à ce sujet puisqu’il annonce que « ChatGPT n’est pas un être humain, il ne peut pas remplacer une relation humaine et un accompagnement personnalisé. Il ne peut pas prendre en compte tous les aspects d’une situation et peut avoir des biais en fonction des données qu’il a appris. »

Si l’on reprend le décalage de positionnement abordé ci-dessus, couplé avec cette apparence de la relation, on voit rapidement poindre le risque d’une manipulation systématique où l’algorithme nous prescrirait nos choix, comme le dit Eric Sadin dans cette vidéo :

Le point de vue de Eric Sadin sur Chat GPT

3 – ChatGPT risque de nous inciter à la paresse

Que c’est facile de poser une question et d’avoir une réponse qui tombe, toute cuite, prête à digérer !

En contrepoint, on se rappelle que Michel Serres disait « les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents ! »

Effectivement, les différents défis auxquels notre monde est confronté ne pourront pas se résoudre si la population est paresseuse et se contente de réponses prémâchées. Nous avons besoin de personnes engagées, créatives, critiques (au sens de l’esprit critique) et il va donc nous falloir tous développer ces compétences et attitudes de plus en plus essentielles.

4 – ChatGPT pose des questions économiques et écologiques

Même si le travail est facilité pour nous, humains, il est quand même fait et cela nécessite une énergie certaine. A ce sujet, Reuters a publié une étude qui analyse le coût des requêtes sur de tels outils (rapporté par 01net) et les chiffres sont éloquents : « John Hennessy, le président d’Alphabet (la maison mère de Google), a indiqué qu’un échange avec un modèle de langage comme ChatGPT avait probablement un coût dix fois supérieur à celui d’une recherche classique avec de simples mots-clés. » Ce coût se transforme instantanément en énergie consommée et l’impact climatique est très direct !

Peut-être avons-nous intérêt à être intelligent, à travailler en bonne intelligence pour croiser nos compétences et nos points de vue pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés ?

5 – Comment développer les compétences nécessaires chez des élèves ?

Voici une réponse, toute personnelle, qui prolonge la proposition d’initiation proposée par ChatGPT (cf. ci-dessous)

  1. Demander aux élèves, en groupe, de formuler une problématique sur un sujet donné, sous forme de question.
  2. Soumettre cette problématique à ChatGPT en lui demandant une réponse en 500 mots et avec au moins 5 références (avec bibliographie)
  3. Retravailler la réponse : vérifier les références, chercher d’autres références, identifier les influences que le choix de références induit, …
  4. Rédiger tout cela avec un traitement de texte en utilisant le suivi des modifications ou un pad. Cela permet d’avoir en même temps la proposition d’origine la production finale.
  5. Expliciter le cheminement et analyser l’écart entre les deux textes.

Ce qui me semble le plus important dans ce travail ce n’est pas la production finale mais bien le cheminement intégré par les élèves, l’écart entre les deux textes et l’analyse qu’ils en font. Ainsi, ce qu’il faut évaluer dans le travail d’un élève, c’est de moins en moins la production et de plus en plus le processus mis en œuvre et le regard qu’il porte sur son travail (analyse critique de la démarche, de la production, ce qu’il retient si c’était à refaire, …)

6 – En conclusion

Ces outils arrivent dans notre société et il me semble important de les intégrer à notre réflexion sur l’éducation et les apprentissages. Ils nous incitent de plus en plus à centrer notre travail d’éducateur (au sens le plus large) sur des compétences de très haut niveau, en commençant par l’esprit critique : Quand ai-je besoin d’utiliser ces outils ? Quel est l’impact de cette utilisation ? Quelle est la qualité de leurs productions ? Comment les utiliser de manière optimale et juste nécessaire ?

L’ordinateur ne fait que ce qu’on lui demande, et si l’on veut utiliser ChatGPT à bon escient, on a intérêt à bien travailler notre questionnement pour être pertinent. Comme le disait Einstein, « Si j’avais une heure pour résoudre un problème, je passerais 55 minutes à réfléchir au problème et 5 minutes à réfléchir aux solutions »

7 – Les traces des échanges avec ChatGPT

Vous trouverez ci-dessous l’exhaustivité des traces des échanges mentionnés tout au long de l’article.

Quelles sont les limites d’utilisation de ChatGPT ?

Bien que ChatGPT soit un modèle de langage impressionnant, il y a plusieurs limites à son utilisation. En voici quelques-unes :

  1. Précision limitée : Bien que ChatGPT puisse fournir des réponses assez précises, il peut encore commettre des erreurs ou produire des réponses inexactes.
  2. Manque de compréhension du contexte : ChatGPT ne peut pas comprendre le contexte dans lequel une question est posée, ce qui peut parfois conduire à des réponses inappropriées ou confuses.
  3. Incohérence : ChatGPT peut parfois produire des réponses qui manquent de cohérence ou qui sont contradictoires.
  4. Biais : Comme tout modèle de langage entraîné sur des données, ChatGPT peut avoir des biais implicites qui se reflètent dans ses réponses.
  5. Connaissances limitées : ChatGPT a des connaissances limitées à ce qui a été inclus dans son entraînement, ce qui peut limiter sa capacité à répondre à des questions en dehors de ce domaine.
  6. Incapacité à effectuer des tâches complexes : ChatGPT est capable de répondre à des questions simples et de mener des conversations de base, mais il ne peut pas effectuer des tâches complexes nécessitant des compétences spécialisées ou une analyse approfondie.

Il est important de prendre en compte ces limites et de ne pas surévaluer les capacités de ChatGPT. Cependant, en étant conscient de ces limites et en utilisant ChatGPT de manière judicieuse, il peut être un outil utile pour répondre à des questions et mener des conversations de base.

Quelles précautions faut-il prendre pour utiliser ChatGPT à bon escient ?

Voici quelques précautions à prendre pour utiliser ChatGPT à bon escient :

  1. ChatGPT n’est pas un être humain, il ne peut pas remplacer une relation humaine et un accompagnement personnalisé. Il ne peut pas prendre en compte tous les aspects d’une situation et peut avoir des biais en fonction des données qu’il a appris.
  2. ChatGPT est un modèle de langage qui fonctionne en se basant sur les données qu’il a appris. Il peut donc donner des réponses erronées si les données qu’il a appris sont incorrectes ou incomplètes.
  3. Il est important de poser des questions claires et précises à ChatGPT pour obtenir des réponses pertinentes. Les questions ambiguës ou vagues peuvent donner des réponses imprécises ou inutiles.
  4. ChatGPT est entraîné sur une grande quantité de données, y compris des données sensibles. Il est donc important de respecter la confidentialité et la vie privée des personnes concernées lors de l’utilisation de ChatGPT.
  5. Enfin, il est important de garder à l’esprit que ChatGPT ne doit pas être utilisé pour remplacer les services professionnels ou médicaux. Si vous avez des problèmes de santé mentale ou physique, il est important de consulter un professionnel qualifié.

Quels conseils donnerais-tu à un élève qui veut utiliser ChatGPT pour faire un devoir ?

Voici quelques conseils que je pourrais donner à un élève qui souhaite utiliser ChatGPT pour faire un devoir :

  1. Utilisez ChatGPT comme un outil de recherche supplémentaire. Bien que ChatGPT puisse fournir des réponses intéressantes, il ne doit pas être considéré comme la seule source d’informations pour un devoir.
  2. Posez des questions précises et claires. Plus la question est spécifique, plus la réponse de ChatGPT sera précise. Évitez les questions ambiguës ou vagues.
  3. Vérifiez les sources des informations fournies par ChatGPT. Bien que ChatGPT puisse fournir des informations pertinentes, il est important de vérifier la fiabilité des sources citées et de les vérifier auprès de sources alternatives.
  4. Ne plagiez pas les réponses fournies par ChatGPT. Si vous utilisez les informations trouvées grâce à ChatGPT, assurez-vous de les paraphraser et de les citer correctement.
  5. Utilisez ChatGPT pour obtenir de l’inspiration, mais ne comptez pas uniquement sur lui. Utilisez votre propre créativité et réflexion pour développer vos idées et vos réponses.

En somme, l’utilisation de ChatGPT peut être utile pour aider à faire des recherches et trouver des informations, mais il est important de l’utiliser de manière responsable et éthique.

Tu es enseignant et tu souhaites initier une classe d’élèves de 16 ans à l’usage de ChatGPT. Proposes une série de 5 activités progressives pour prendre en main l’outil et comprendre les limites d’utilisation. Pour chaque activité, tu préciseras la consigne donnée aux élèves et les points de vigilances sur lequel l’enseignant doit insister. Tu présenteras le résultat sous forme de tableau : activité, consigne, points de vigilance.

Voici une proposition de 5 activités progressives pour initier une classe d’élèves de 16 ans à l’usage de ChatGPT :

ActivitéConsignePoints de vigilance
1. Découvrir ChatGPTFaire une recherche sur ChatGPT et lire les informations disponibles sur le site officiel d’OpenAI.– Insister sur le fait que ChatGPT est une intelligence artificielle et non une personne réelle. – Expliquer les différences entre l’IA et les humains. – Mettre en garde contre les limitations de l’outil et les erreurs possibles.
2. Pose de questions simplesPoser des questions simples à ChatGPT et évaluer les réponses. Par exemple : « Quel est le nom du plus haut sommet du monde ? », « Qui a écrit le roman ‘Les Misérables’ ? », etc.– Insister sur le fait que ChatGPT ne peut donner que des réponses basées sur des informations existantes dans sa base de données. – Encourager les élèves à poser des questions simples et à évaluer la pertinence des réponses.
3. Pose de questions plus complexesPoser des questions plus complexes à ChatGPT et évaluer les réponses. Par exemple : « Quelle est la différence entre un virus et une bactérie ? », « Comment peut-on réduire l’impact du réchauffement climatique ? », etc.– Insister sur le fait que ChatGPT peut parfois donner des réponses erronées ou imprécises. – Encourager les élèves à poser des questions plus complexes et à évaluer la pertinence des réponses.
4. Création d’un dialogueÉcrire un dialogue avec ChatGPT sur un sujet donné (par exemple, l’environnement, les réseaux sociaux, la vie privée, etc.) et évaluer la qualité du dialogue.– Insister sur l’importance de poser des questions précises et de donner des informations claires pour obtenir des réponses pertinentes. – Encourager les élèves à évaluer la qualité du dialogue en fonction de la pertinence des réponses et de la fluidité du dialogue.
5. Analyse critique de ChatGPTAnalyser de manière critique l’utilisation de ChatGPT dans la vie quotidienne, ses avantages et ses limites. Par exemple : Comment ChatGPT peut-il aider les personnes en situation de handicap ? Quelles sont les limites de l’utilisation de ChatGPT dans le domaine de la santé ?– Insister sur l’importance de la réflexion critique sur les avantages et les limites de l’utilisation de ChatGPT. – Encourager les élèves à prendre en compte les enjeux éthiques, sociaux et environnementaux de l’utilisation de l’outil.

Il est important de rappeler aux élèves que ChatGPT est un outil et qu’il ne remplace pas les compétences humaines, telles que la créativité, le jugement critique et l’empathie. Il est également important de souligner que l’utilisation de ChatGPT doit être encadrée par des adultes responsables et formés à l’utilisation de l’IA.

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Continuité, éloignement et synchronisme

Avec le déconfinement et le retour à l’école, se pose la question de l’organisation des apprentissages. Cette réflexion vaut pour la reprise actuelle mais peut aussi être utile pour préparer la prochaine rentrée scolaire qui ne sera peut-être pas comme la précédente.

1 – Les principes structurants

Trois principes structurent cette réflexion pour préparer cette reprise :

  1. L’objectif n’est pas de ‘boucler le programme’ ;
    « on a trop tendance, dans nos institutions, à oublier que la motivation, le sens de l’effort et l’autonomie, l’exigence à l’égard de soi-même ne peuvent pas être des préalables à l’entrée dans une activité pédagogique mais sont les objectifs mêmes de cette activité, indissociablement liés à l’acquisition des savoirs. » (P. Meirieu, 17 avril 2020, café pédagogique)
  2. L’activité d’enseignement-apprentissage doit se vivre à un rythme soutenable pour les enseignants et pour les élèves ;
  3. Dans une même classe, des élèves seront en classe pendant que d’autres seront hors classe.

2 – Différentes situations d’enseignement-apprentissage

Notre réflexion s’appuiera sur une analyse des situations d’enseignement-apprentissage en se repérant selon deux dimensions :

  • La dimension géographique : l’activité de l’élève se déroule en classe ou hors classe ;
  • La dimension temporelle : l’activité de l’élève se déroule-t-elle avec l’enseignant (on parlera d’activité synchrone) ou en autonomie (activité asynchrone).

Vous retrouvez sur le schéma des grands modèles d’organisation de l’enseignement-apprentissage :

  • l’enseignement simultané (synchrone, en classe), avec ses cours et devoirs surveillés ;
  • l’enseignement a-simultané (asynchrone, en classe), avec les tâches complexes, les travaux de groupes, les classes inversées et plans de travail qui peut aller jusqu’à l’enseignement mutuel. Cette modalité fait surgir un besoin de régulation dans le quadrant au-dessus (pour réguler les activités, de façon synchrone entre l’enseignant et les élèves). C’est dans ce quadrant que peut se mettre en place la coopération comme décrite par S. Connac avec ses différentes modalités : aide, entraide, tutorat et travaux de groupe ;
  • l’enseignement à distance (asynchrone, hors classe), qui intègre toutes les activités hors classe : devoirs à la maison, révisions, lectures, …
  • l’enseignement synchrone, hors classe, qui se limitait, avant le confinement à l’organisation mise en place pour les élèves empêchés.

3 – L’irruption du confinement

Le confinement a rendu les salles de classes inaccessibles et les enseignants ont donc dû ‘se débrouiller’ pour assurer une continuité pédagogique avec les seules modalités hors classe. Si les devoirs ne sont plus d’actualité dans ce contexte de confinement, les cours se sont beaucoup transposés en classe virtuelle. Nous avons eu des retours positifs d’enseignants qui avaient déjà initié des démarches collaboratives ou de classe inversée : il semble que la transposition à distance de ce type de démarche se passe plutôt bien : Les élèves travaillent ‘en autonomie’, à distance (seuls ou en groupes) et des régulations régulières avec l’enseignant permettent de valider les progrès, de corriger les erreurs et d’avancer. Cette approche nécessite évidement un accompagnement méthodologique ( démarche, jalon, sens de l’activité, production attendue, …). On retrouve là une partie du pré-requis émis par P. Meirieu.

De même, et pour aborder les autres éléments soulevés par P. Meirieu, il semble important de se poser la question de la motivation des élèves dans ce nouveau contexte où le cadre de la classe, les amis et l’enseignant ne sont plus présents. Nous vous invitons à relire les deux articles sur les besoins des élèves (créer le cadre et soutenir l’engagement).

4 – Et maintenant, le déconfinement …

Nous entrons dans une situation où des élèves peuvent être complètement en cours alors que d’autres ne viennent que partiellement et d’autres, pas du tout. Cette situation, inenvisageable il y a quelques mois, nécessite une réflexion pédagogique particulière pour être pertinente pour tous les élèves tout en ménageant l’enseignant (notion de rythme soutenable).

L’articulation simultanée de situations ‘en classe’ et ‘hors classe’ peut s’envisager de façon synchrone avec une classe virtuelle (soit en filmant l’enseignant faire son cours, soit en diffusant la voix et l’écran de l’enseignant) mais cela a des limites :

  • Cela fait peser une charge mentale conséquente sur l’enseignant qui doit gérer ne même temps les interactions en classe, la diffusion et les interactions avec les élèves à distance. La DANE de Grenoble propose un guide sur la classe filmée (https://dane.web.ac-grenoble.fr/article/les-classes-filmees-elements-de-reglementation) qui propose de travailler à deux enseignants pour gérer tous les aspects en parallèle.
  • Cela nécessite un équipement de l’établissement (micro, caméra) et une bande passante non-négligeable, surtout si plusieurs enseignants envisagent de diffuser leur cours en même temps.
  • Youtube et Netflix ont des atouts indéniables pour concurrencer sérieusement les enseignants (on revient sur la question de la motivation) ;
  • Cela ne garantit une qualité pédagogique : le cours magistral filmé n’est pas toujours la solution idéale pour créer les conditions favorables à l’apprentissage.

Une autre approche, plutôt asynchrone est centrée sur l’activité de l’élève qui produit, seul ou en groupe, jalonnée par des régulations :

  • L’enseignant peut étaler dans le temps le suivi des élèves selon l’urgence, les besoins, l’avancée des travaux ;
  • Vu le nombre restreint d’élèves accueillis, les temps en classe peuvent être des opportunités pour organiser ces régulations avec un accent particulier sur la méthodologie de travail. Des classes virtuelles peuvent être proposées aux élèves restant hors classe toute la semaine ;
  • Cela nécessite un travail en équipe pédagogique pour coordonner les travaux demandés afin d’assurer une charge de travail raisonnable et un rythme soutenable pour l’élève ;
  • Le suivi méthodologique peut être mené de façon collégiale par l’équipe pédagogique ;
  • L’élève travaille à son rythme, avec les ressources proposées, il est épaulé et soutenu par l’équipe enseignante ;
  • Une différenciation est envisageable en variant les productions attendues, le degré d’accompagnement, le degré de guidage des consignes, …
  • Les outils numériques sont sollicités pour donner les consignes (par l’enseignant dans ENT), déposer les productions intermédiaires ou finales (par l’élève dans ENT), accompagner et réguler (échanges à travers l’ENT ou l’outil de classe virtuelle du CNED).
  • Les productions intermédiaires permettent de travailler la méthodologie et d’accompagner l’élève dans sa démarche d’apprentissage.

Dans cette seconde approche, l’enseignant n’est plus dispensateur des savoirs mais garant des apprentissages, il se concentre sur l’accompagnement de l’élève pour le soutenir dans son cheminement.

Les classes mutuelles sont inspirantes par la logique qu’elles portent : tous les participants, élèves et enseignants, sont au service de l’apprentissage de chacun. Il n’y a ainsi plus de ‘triche’ mais de l’aide ou de l’entraide (cf. S. Connac).

Les classes inversées nous proposent des démarches intéressantes pour l’organisation méthodologique et temporelle de l’apprentissage avec une alternance de temps asynchrones (ou ‘solitaires’) de recherche et de production avec des temps synchrones (ou ‘collectifs’) de mise en commun, partage et co-construction.

En conclusion

Ces deux approches de la continuité pédagogique ne sont pas exclusives et l’on peut (doit ?) envisager une alternance féconde des différentes modalités. Le tableau ci-dessous récapitule les caractéristiques de chaque approche.

Continuité synchroneContinuité asynchrone
organisation généralecentrée sur l’enseignementcentrée sur l’apprentissage
charge mentalecentrée sur l’enseignantrépartie entre les participants
posture de l’enseignant (cf. D. Bucheton)contrôle et enseignementaccompagnement et lâcher-prise
organisation du travail élèvetravail solitaireaide, entraide, tutorat, travaux de groupes

Dans cette logique, les outils numériques peuvent aider à transposer des activités classiquement synchrones en classe en activités asynchrones hors classe : il suffit par exemple que l’enseignant s’enregistre à l’oral pour transformer une dictée en classe en activité hors classe. Cette transposition pourrait être enrichie en utilisant le correcteur orthographique du traitement de texte…

Ces idées peuvent prêter à débattre, n’hésitez pas à partager votre point de vue.

Quand le numérique s’invite à l’agrégation

Le sujet d’agrégation interne de SVT de cette année (2019) posait (entre autre) la question suivante : “Expliquez en vingt lignes au maximum les enjeux de l’usage du numérique dans l’enseignement des sciences de la vie et de la Terre. Précisez comment il participe à la formation du citoyen responsable du 21ème siècle.”

L’occasion était trop belle ! Voici donc une proposition d’éléments de réponse transdisciplinaire (n’étant pas spécialiste des SVT), construite en temps limité pour respecter jusqu’au bout le cahier des charges. Il ne vous reste qu’à illustrer le propos avec quelques exemples de votre discipline…

1 – La réponse proposée

L’usage du numérique dans l’enseignement permet de répondre à un double enjeu.

D’une part, l’apprentissage disciplinaire peut être facilité par l’usage d’outils informatiques pour différencier les démarches et stratégies d’apprentissage. L’utilisation de différents formats de ressources, de productions et donc d’activités, permet d’une part de rendre accessible l’enseignement à tous les élèves et peut faciliter l’appropriation des notions par chacun. De même, les outils informatiques et internet (notamment des ENT) ouvrent la classe sur d’autres modalités et espaces/temps d’apprentissage, comme par exemple dans une logique de classe inversée. Enfin, le travail sur des données réelles et actuelles, voire captées par les élèves, est un facteur qui tend à augmenter l’engagement et la persévérance de ces derniers.

D’autre part, l’usage des outils informatiques permet de développer la culture numérique des élèves et de former des citoyens responsables dans trois directions. Un tel enseignement permet tout d’abord de développer les compétences spécifiques de codage et de traitement de données. Mais ces compétences ne se suffisent pas à elles-mêmes ; notre enseignement cherche aussi à développer une réelle culture numérique qui s’appuie sur un esprit critique (qui se développera tout au long de la vie) et des connaissances sociales, éthiques mais aussi légales, relatives, entre autre, aux données, à la propriété intellectuelle. Enfin, l’enseignement de SVT permet de développer des modalités de travail plus en horizontalité, recherchées dans le monde du travail : collaboration, partage, publication en ligne, apprendre à apprendre, …

2 – Numérique et informatique

Il y a une confusion courante assimilant tout ce qui s’appuie sur des ‘nouvelles technologies’ à du numérique. Nous pensons à la DANE de Dijon, après avoir lu des articles de recherche que le numérique est un fait total. A ce titre, nous parlons de ‘culture numérique’ . Dans la réponse proposée, nous parlons de l’usage d’outils informatiques qui regroupe PC, tablettes, smartphones, pour ce qui est des matériels personnels mais aussi les différents services en ligne et logiciels. Cette relation entre technologie et culture numérique a déjà été présentée sur ce blog et synthétisé dans le schéma ci-dessous. Marcello Vitali-Rosati le présente très bien dans son article Le « numérique », une notion qui ne veut rien dire en affirmant : “Nous parlons de plus en plus de « numérique » en substantivant un adjectif qui – initialement – comporte une signification technique précise et qui devient désormais davantage un phénomène culturel qu’une notion liée à des outils technologiques particuliers”.

3 – Engagement et la persévérance

Il est essentiel d’intégrer que l’usage d’outils informatiques ne garantit pas l’engagement et la persévérance des élèves. Cela peut avoir un côté ‘nouveau’ qui plaît bien mais ne suffit pas dans la durée. Ce sont bien les usages que l’on fait de ces outils avec les élèves qui vont augmenter l’engagement et la persévérance. C’est parce que l’on peut avoir accès à des données réelles et actuelles, accessibles en ligne, que les élèves vont trouver du sens à l’étude des phénomènes qu’ils soient scientifiques, sociétaux ou économiques. De même, la publication en ligne a un pouvoir stimulant et élève le niveau d’exigence sur la production des élèves qui acceptent l’enjeu assez volontiers.

4 – Les piliers du numérique éducatif

Les habitués de ce blog auront repéré que la réponse reprend de façon textuelle les piliers du numérique éducatif (présentés ici) schématisés ci-dessous. Effectivement, il n’y a rien de neuf dans ce texte. Cela montre simplement l’intérêt de documenter son travail au fil de l’eau pour pour pouvoir le réutiliser, sur commande, quand la situation le nécessite.

5 – En conclusion

C’est, à ma connaissance, la première fois que cette question est posée dans un tel sujet de concours. Cela donne un signal clair de l’urgence d‘impliquer tous les enseignants dans la formation des citoyens responsables du 21ème siècle. En effet, vous pouvez remplacer l’expression ‘sciences de la vie et de la Terre’ par n’importe quelle autre discipline et le sujet reste toujours aussi pertinent. Et la réponse restera toujours  à peu près la même …

En vous souhaitant un bel été, reposant et ressourçant !

Une culture numérique qui prend sa source dans des technologies informatiques

1 – Comment définir cette culture numérique ?

Nous allons ainsi commencer par quelques définitions et précisions. Le terme culture a plusieurs significations différentes, du travail de la terre à l’offre de pratiques et services dans le domaine des arts et des lettres. A la DANE de Dijon, nous entendons par culture « ‘ce qui est commun à un groupe d’individu’ et comme ‘ce qui le soude’, c’est-à-dire ce qui est appris, transmis, produit et créé. » (wikipedia) Cette culture est ainsi en évolution constante et la culture numérique, pensée comme « référence aux changements culturels produits par les développements et la diffusion des technologies numériques et en particulier d’Internet et du web » (wikipedia), n’en est ainsi qu’un avatar actuels. Appréhender une culture numérique pourrait donc consister à identifier ces changements, à en observer les opportunités et les risques et à construire collectivement et individuellement des moyens d’agir adaptés.

2 – Comment des technologies ont transformé notre culture ?

Dans cette logique d’identification des changements, il nous paraît riche d’analyser comment quelques technologies (algorithmes, systèmes embarqués, télécommunications et stockage de données) impactent notre culture.

Ces technologies permettent de démultiplier nos capacités à entrer en relations et entretenir des relations avec autrui, d’une part, et d’autre part, à capter, transmettre, analyser et stocker des données qui ont des formats et contenus d’origine très divers mais se retrouvent toutes dans un format numérisé ‘uniforme’, sans perdre la richesse et la diversité des contenus.

Ces deux démultiplicateurs modifient nos relations aux autres et à nous-même (image de soi, identité numérique, réputation, notion de mémoire, …), au temps et aux lieux (présence et absence, distance et proximité, synchronisme et asynchronisme, …) et aux savoirs (données, informations, connaissances, …).

Enfin, cela interroge nos méthodes de travail, nos modes d’action et nos repères fondamentaux : lois, valeurs, éthique et morale. Il s’avère que toutes les sphères de la société (politique, juridique, sociale, éducative, économique, …) sont impactées par ces évolutions, ce qui incite les sociologues à parler de ‘fait total’ comme le précise JF. Cerisier (dans cette vidéo) « Le numérique est un fait social total au sens du concept proposé par Marcel Mauss parce que ces technologies transforment l’ensemble de la société et de toutes ses institutions. »

3 – Une représentation visuelle

Voici ci dessous une tentative de représentation visuelle de ces relations entre les technologies informatiques et leur impact sur notre culture.

Deux éléments peuvent être discutés particulièrement :

  • On retrouve dans ce schéma une sorte d’engrenage central qui lie les données aux personnes avec un risque de ne plus savoir lequel entraîne l’autre …
  • Les bulles correspondant aux différents aspects impactés de la société ont été positionnées de façon arbitraire, en sachant bien qu’elles sont en fait en lien avec plusieurs autres bulles du schéma.

N’hésitez pas à apporter votre point de vue pour apporter votre éclairage et enrichir le débat, les commentaires vous sont ouverts !

Culture numérique : enjeux et défis

Plusieurs lectures m’interrogent sur l’impact du numérique sur la société. Quels sont les enjeux, les potentiels, les freins et leviers, … Il me semble que le numérique offre un vrai potentiel de services mais qu’il est aussi source de peurs. Voici quelques réflexions personnelles pour tenter de cerner la question. 

1 – Définition et problématique

Milad Doueihi, titulaire de la chaire d’humanisme numérique à l’université de Paris-Sorbonne, propose lors de son intervention au colloque Edcamp « les humanités numériques pour l’éducation » une distinction entre l’informatique qui est une science et une industrie et le numérique qui est une culture.

On sent bien cette notion culturelle quand on parle de ‘transition numérique’ pour évoquer l’évolution de nos organisations. On est dans la même logique quand on parle de ‘fracture numérique’ pour regrouper toutes les personnes qui sont marginalisées par l’informatique, que ce soit lié à l’équipement, à l’accès ou à la maîtrise de l’usage.

Autant on pouvait faire l’impasse sur cette culture il y a encore quelques années, autant cela devient de plus en plus délicat quand on voit comme tous les services deviennent accessibles (exclusivement) en ligne. Les stratégies de contournement ou de camouflage ne peuvent plus tenir longtemps. Mais alors, comment fait-on pour acculturer nos collègues ? Nos voisins ? Nos parents ? Et toutes ces personnes qui, petit à petit, sont ‘larguées’ par le numérique ?

Pour répondre à cette question, il me semble important de bien préciser de quoi l’on parle.

2 – Les usages des outils

J’avais proposé il y a quelques temps une classification des outils numériques par famille d’usages (à l’époque je ne faisais pas de distinction numérique/informatique) : apprendre, organiser, échanger, traiter des données, se divertir et consommer. des outils numériques pour_14_ par familleIl apparaît que ces outils ne créent pas de nouveaux usages : bien avant l’arrivée du numérique, on jouait déjà, on apprenait déjà, on traitait déjà des données … Si rien n’est nouveau, tout est quand même chamboulé. En effet, l’informatique ne crée pas de nouveaux usages, il les modifie par ce qu’il intègre ‘naturellement’ des potentiels nouveaux.

3 – Les évolutions de l’informatique

L’informatique a évolué ces dernières années dans de nombreuses directions. En voici 7 qui me semblent accessibles au grand public :

  • Social : le numérique est support de réseaux sociaux qui permettent de se connecter et échanger avec le tiers de la population mondiale (soit 2,6 milliards de personnes, selon wearesocialsg)
  • Mobile : les smartphone et les réseaux de communication nous permettent d’accéder à internet de (presque) n’importe où.
  • Big Data : les échanges de données, la diffusion d’informations et la capacité à les analyser et traiter ne cessent de croître. La diversité des données échangés (texte, image, son, vidéo, like, mesures, échanges bancaires, position géographique,…) couplée à leur quantité et l’intensité de ces échanges permet de parler de big data (caractérisé par les 3 V: Variété, Volume, Vitesse).
  • Local : la géolocalisation permet de proposer des services au plus proche (au sens géographique du terme) du besoin, que ce soit des logements (avec AirBnB), des déplacements (avec blablacar ou Uber) ou des courses alimentaires (avec les drive fermiers).
  • IoT – Internet of Things : l’internet des objets regroupe tous ces objets communicants, du thermostat au cardioféquence-mètre qui permettent de traiter les données de notre quotidien ou piloter notre environnement (domotique, etc…)
  • RA & RV – Réalité Augmentée et Réalité Virtuelle : la Réalité Augmentée et la Réalité Virtuelle arrivent pour nous faire vivre des expériences plus riches, que ce soit lors de la visite d’une exposition, la conception d’un nouveau produit ou une opération médicale.
  • IA – Intelligence Artificielle : elle se propage de manière discrète mais certaine, que ce soit pour rendre des objets mobiles autonomes (des drones aux Google cars), pour reconnaître des consignes vocales ou analyser des images (voir 10 startup à suivre dans le domaine)

6 de ces évolutions sont présentes dans Pokémon Go : C’est un jeu foncièrement social (partage d’image, constitution d’équipes) qui se joue sur son téléphone en mobilité (pour aller chercher les pokémons qui apparaissent en réalité augmenté) où que l’on soit et tout près de soi (local). Il génère une quantité phénoménale de données (big data) et on peut s’acheter le bracelet connecté pour chasser les pokemons (IoT).

4 – Les potentiels et enjeux

Toutes ces avancées offrent des possibilités considérables dans trois domaines en particulier. Ces opportunités peuvent être formidables mais chaque médaille a son revers, prenons conscience des limites et enjeux stratégiques qui se cachent derrière chacune d’elles :

  • Fédération de collectif : on se souvient de la pétition contre la loi travail qui a fédéré plus de 1,3 millions de signatures, le développement de wikipédia qui mobilise plusieurs dizaines de milliers de contributeurs, mais aussi les MOOC qui comptent leurs inscrits par (dizaines de) milliers. Ce potentiel est très riche mais il remet en cause les organisations hiérarchiques pyramidales actuelles en introduisant des fonctionnements ‘horizontaux’. Dans les pays anglo-saxons, on parle de Wirearchy pour décrire ces nouveaux fonctionnements qui sont facilités par l’usage des outils informatiques mais sont avant tout des questions d’organisation, de relation et de ‘répartition des pouvoirs’.
  • Mobilité : Toutes les informations et tous nos contacts sont accessibles de n’importe où et où qu’ils soient – et on est bien contrarié quand la technologie nous résiste … Cet aspect est appréciable quand on est à la source de la demande mais elle est beaucoup moins tolérable quand on la subit. les outils informatiques introduisent une perméabilité entre les temps personnels et professionnels (où l’urgence est la norme) ; cela peut générer des pressions difficilement supportables dans la durée.
  • Archivage et traitement des données : Le potentiel d’archivage et de traitement des données ne cesse de croître. Tout est accessible en ligne, de partout et gratuitement. Mais si c’est gratuit, c’est moi le produit ! et je ne suis pas le seul à lire, traiter et analyser tous ces documents que je partage dans mon Google Drive ou tout ce que je poste sur Facebook. Il en va de même pour toutes les traces (inconscientes) que l’on laisse en ligne : requêtes, positions, même un simple clic, tout est enregistré.

Il est aussi à noter que ces services sont accessibles en continu sur Internet, sans question de jour ou de nuit et que cette continuité de service a un coût énergétique assez considérable et un bilan carbone inquiétant (cf. infographie de e-rse.net).

5 – Revenons à l’acculturation

Pour initier à cette culture, on pourrait aborder l’appropriation des outils informatiques selon 3 dimensions :

  1. Tout devrait partir du besoin : qu’est-ce que je veux faire ? La réponse à cette question oriente vers l’outil (ou les outils) et implique un premier niveau de prise en main opérationnelle. On est dans un niveau de savoir-faire qui n’implique pas forcément une compétence.
  2. Dans un deuxième temps, il faudrait comprendre la logique sous-jacente et maîtriser le choix de l’outil adapté à la situation. On passe alors à un premier niveau de compétence liée à l’usage, que l’on pourrait qualifier d’incomplète.
  3. Enfin, il faut maîtriser les enjeux qui englobent les opportunités mais aussi les contraintes (même mes plus cachées …) On pourrait alors parler  de compétence complète qui correspond à un usage pertinent et raisonné de ces outils.

Ces trois niveaux sont très imbriqués et le découpage peut paraître artificiel mais il permet de repérer des niveaux de compétence qui pourraient être croisés avec les différentes familles d’usage repérées ci-dessus. Cette progressivité est dans la logique du B2i adultes et de la littératie numérique comme présentée par Habilo Média et représentée ci-dessous.

La littératie numérique, par Habilo Medias : avoir accès, utiliser, comprendre, créer

La littératie numérique, par Habilo Medias

Cette culture numérique est là ! Et le chantier d’acculturation est très vaste. La question est maintenant de savoir comment déployer une formation massive au numérique pour des personnes éloignées de cette culture ?

Comme vous le constatez, je n’apporte pas de solution clé en main. Vos remarques, analyses, initiatives sont les bienvenues, n’hésitez pas à les partager ci-dessous : nous construirons peut-être ensemble un début de solution !

La classe inversée n’est pas qu’une mode, c’est un bouleversement !

On parle beaucoup de classe inversée : »les leçons à la maison et les exercices en classe ». Ce schéma est réducteur mais il questionne l’organisation globale de la classe et je vois plusieurs raisons pour lesquelles cela ne passe pas comme une mode. Ancienneté du phénomène, re-définition du travail hors classe, nécessité de scénarisation des séquences, autant d’éléments qui justifient le développement de ce phénomène dans la durée. 

1 – Ça n’est pas nouveau

En effet, depuis longtemps des enseignants demandent de lire un document avant une séquence puis s’appuient sur cette lecture préliminaire pour construire leur progression. La ‘nouveauté’ vient de la facilité d’utilisation des technologies (et en particulier de la vidéo) pour créer et diffuser ces ressources préliminaires. C’est aussi grâce à ces technologies simples d’accès que cette démarche s’est largement diffusée depuis quelques années.

Cet aspect des technologies qui ouvrent des possibles et ainsi interrogent les démarches pédagogiques me semble tout à fait intéressant.

2 – La classe inversée interroge la place du travail hors classe

La lecture du dernier dossier de veille de l’IFE aborde ce sujet des représentations et enjeux du travail personnel de l’élève.

En effet, dans une logique de pédagogie inversée, l’enseignant ne demande plus ‘où s’est-on arrêté la dernière fois ?’ mais plutôt ‘qu’avez-vous appris, découvert ou re-découvert depuis la dernière fois ?’. Ainsi, on se centre sur l’élève et son activité d’apprentissage, quel que soit le lieu de sa réalisation. Cette démarche nous fait entrer (élèves et enseignants) dans un continuum d’apprentissage où l’enseignant guide l’élève pour lui faire découvrir les méthodes efficaces pour apprendre : prise de note, carte mentale, analyse réflexive, recherche documentaire, analyse critique, etc.C’est toute la méthodologie d’apprendre à apprendre qui peut se mettre en place en adoptant ce type de pratiques.

Cette logique permet de s’appuyer sur le contenu du programme pour développer des compétences de haut niveau : argumentation, esprit critique, collaboration, synthèse, apprendre à apprendre, etc.

 3 – La classe inversée impose de scénariser les séquences pédagogiques

Cette stratégie pédagogique impose de scénariser sa progression et peut aller beaucoup plus loin que l’inversion proposée à l’origine. C’est ce que propose Marcel Lebrun dans son livre Classe inversée – Enseigner et apprendre à l’endroit ! et sur son blog. En fait, cela s’intègre dans une logique beaucoup plus large d’hybridation des dispositifs de formation. Cela fait plusieurs années que la formation d’adultes s’est lancée dans cette logique qui fait ses preuves : utiliser les temps en face à face pour rythmer des travaux collaboratifs, personnaliser les apprentissages, proposer des remédiations si nécessaire, et renforcer le lien social.

La notion de rythme me paraît essentielle dans cette scénarisation : les activités en classe et hors classe doivent s’articuler, se répondre et se nourrir mutuellement en articulant judicieusement les activités en classe et hors classe, individuelles et collectives.

Conclusion

Tous ces éléments me poussent à croire que la classe inversée a de beaux jours devant elle, non pas parce que c’est la panacée, mais bien parce qu’elle offre des possibilités très riches et pose des questions pédagogiques essentielles. De plus, on peut très bien commencer par une petite séquence avant de chambouler toute sa progression. Des ressources pour se lancer sont répertoriées de-ci de-là (par exemple ici)

Cette démarche, toute pertinente qu’elle soit, nécessite d’être présentée, explicitée, justifiée auprès des élèves mais aussi de leurs parents, voire de la communauté éducative. Voici comment Annick Carter présente aux parents sa démarche.

Enfin, si on analyse la pédagogie inversée au crible de la pédagogie ouverte, on constate qu’elle concrétise tous les aspects liés à la transparence : montrer le processus d’apprentissage, expliquer par l’image et même ouvrir les données (si l’enseignant diffuse ses ressources sous licence libre). De même, elle nécessite des partenariats, au moins avec les parents d’élèves comme précisé ci-dessus (collaboration) et offre une certaine souplesse en laissant des choix aux élèves (participation).

pédagogie ouverte

pédagogie ouverte

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne rentrée à tous et vous proposer de réagir dans les commentaires ci-dessous, ils sont là pour ça !

Autonomie de l’apprenant dans une formation

Il m’a semblé intéressant de formaliser l’autonomie de l’apprenant par rapport au formateur (j’inclus les enseignants dans ce terme de formateur) en m’appuyant sur les 3 unités du théâtre classique : unité de lieux, unité de temps, unité d’action.

J’ai pris la liberté de remplacer le terme action par activité et propose 3 niveaux pour qualifier le niveau de contrainte, comme présenté dans le tableau ci-dessous :relation apprenant-formateur selon dispositif

En cours classique (cours/TD/TP), l’apprenant doit être physiquement présent (ce qui impose une contrainte sur le lieu et le temps) et doit réaliser les activités prescrites par le formateur (c’est un cas général, j’imagine que certains doivent laisser une certaine souplesse ou liberté à leurs apprenants…)

Lors d’une conférence retransmise ou avec livetweet, on peut suivre ce qui se dit à distance, il faut être disponible, mais on n’est pas obligé d’être physiquement présent. l’activité est toujours prescrite : écouter puis poser des questions si nécessaire.

Un MOOC se suit à distance et avec une certaine souplesse sur l’organisation personnelle : on peut s’inscrire tout au long du parcours, la seule vraie contrainte est la date de fin. Si les activités proposées dans un xMOOC sont toujours prescrite par le formateur, le participant à un cMOOC a une certaine latitude quant à son mode de participation à l’ébullition collective.

Enfin, l’usage d’un Espace Personnel d’Apprentissage pour interagir avec son Réseau Personnel d’Apprentissage laisse toute liberté à n’importe quel apprenant puisqu’il n’y a plus de formateur.

Tel que présenté dans le tableau, on pourrait croire que la progressivité de l’évolution entre les différents dispositifs induit une chronologie dans l’utilisation de ceux-ci. Cela me paraît très discutable ! La vrai progressivité me semble plus dans la construction de son RPA et son EPA. En effet, cela doit s’inscrire dans la durée et devrait commencer dès la formation initiale. Cependant, pour des personnes qui n’auraient pas eu la chance d’être initiés à ces pratiques lors de leurs études, la participation à des MOOCs et le suivi de conférences en ligne sont de très belles opportunités pour repérer les personnes dynamiques sur un domaine à ajouter à son réseau et s’approprier les outils et usages d’un Espace Personnel d’Apprentissage.

L’exploitation de la pédagogie ouverte en formation initiale (présentée ici) devrait faciliter l’appropriation de cette démarche par le développement de l’analyse réflexive, la responsabilisation de l’apprenant par rapport à sa formation et le développement du travail collaboratif.

pédagogie ouverte

pédagogie ouverte

Des outils numériques pour …

A quoi servent tous les outils outils numériques que l’on nous propose ? Quel usage en faisons-nous ? Il me semble important de repérer ces usages pour pouvoir ensuite former et accompagner nos publics (qu’ils soient élèves, étudiants ou stagiaires) dans une utilisation raisonnée et pertinente des outils numériques.

Voici un premier jet de cartographie de ces usages. N’hésitez pas à proposer d’autres usages, il en manque sans doute et la liste n’est pas limitative …Des outils numériques pour : Communiquer, s'informer, archiver, partager, créer, collaborer, automatiser, planifier, analyser, simuler, écouter, lire, visionner, acheter, jouer, capter, mesurer

 Mises à jour :

le 26/09/15 : ajout de Ecouter, lire, visionnerAcheterSimuler Jouer.

le 28/09/15 : ajout de Mesurer, capter et modification de Organiser en Planifier.

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Des technologies pour la pédagogie

Marcel Lebrun nous dit que les technologies peuvent contribuer au développement pédagogique mais que cela nécessite des dispositifs centrés sur l’apprentissage des étudiants. Ce postulat est intéressant et j’y adhère bien volontiers. Cependant, il me semble important de voir quelles sont les conditions préalables, nécessaires pour introduire l’usage des technologies dans les formations et que signifie ‘dispositif centré sur l’apprentissage des étudiants’.

technologie et pédagogie selon M. Lebrun

technologie et pédagogie selon M. Lebrun

1 – Les conditions préalables pour introduire les technologies

Deux points me semblent essentiels pour pouvoir introduire les technologies dans une formation. L’enseignant doit percevoir que c’est utile et que c’est facile.

L’utilité des technologies

Il me semble qu’on peut voir 7 grandes familles de fonctionnalités qui peuvent justifier de l’utilité des technologies : information, Création, Collaboration, Archivage, Diffusion, Communication, Automatisation. Dans un contexte de formation, ces fonctionnalités peuvent permettre de faciliter/renforcer :

  • Les apprentissages des étudiants,
  • Le suivi des avancées de chacun,
  • La motivation pour s’impliquer dans un dispositif,
  • La traçabilité de l’action de formation,
  • La duplication de document, tests, … (caractéristique centrée plutôt sur l’enseignant que sur l’apprenant)

Une fois perçue, cette utilité donnera envie d’exploiter ces technologies. C’est un moteur pour le vouloir utiliser les technologies.

La facilité d’usage

Cela tient à deux aspects complémentaires : l’enseignant doit être à l’aise avec l’outil qui doit être facilement accessible (terminaux en nombres suffisant, connectivité, …). L’accessibilité me semble plus liée au contexte qu’à l’enseignant, il me paraît ainsi judicieux de la classer dans le pouvoir utiliser les technologies alors que l’aisance avec les outils tient des savoir-faire spécifiques de l’enseignant et correspond au savoir utiliser les technologies. La concomitance de ces trois composantes ( vouloir agir, pouvoir agir et savoir agir) est caractéristique de la compétence pour Leboterf qui rajoute aussi l’analyse du contexte, la créativité, l’émotion, … (cf. ici)

2 – Une pédagogie centrée sur l’apprentissage

M. Lebrun propose de centrer la pédagogie sur l’apprentissage des apprenants. Il me semble que deux dimensions sont spécifiquement à travailler, la contextualisation qui donne du sens et motive et la consolidation par l’analyse réflexive des démarches adoptées. Cette analyse conduira à une explicitation des compétences mises en œuvre et, si nécessaire, à une remédiation. C’est la contextualisation qui pourra être avantageusement enrichie par l’usage des technologies en donnant une dimension tout autre au travail des élèves.

On peut représenter la situation d’apprentissage selon 4 strates  collaboration/communication, approche disciplinaire, analyse réflexive puis exploitation/partage comme ci-dessous :

Apprenants au centre

 La présentation de ce modèle est accessible ici et . La technologie va permettre de :

  • faciliter et multiplier les situation de collaboration (au centre),
  • diversifier la façon d’aborder les contenus disciplinaires,
  • enrichir l’analyse réflexive et faciliter la remédiation,
  • offrir la possibilité de diffuser les progrès, découvertes et avancées des apprenants.

Par contre, il ne faut pas chercher une plus-value sur la qualité de l’apprentissage disciplinaire mais bien dans le développement des compétences transversales : créativité, communication, collaboration, esprit critique, apprendre à apprendre, …

3 – Et comment s’y prendre ?

Ruben Puentedura propose le modèle SAMR pour intégrer la technologie dans ses pratiques pédagogiques. Il décompose ainsi cette évolution en 4 étapes :

  • La Substitution où l’on reproduit les mêmes activités en changeant uniquement d’outil,
  • L’Adaptation où l’on exploite avantageusement les fonctionnalités offerte par un outil numérique pour gagner en efficacité,
  • La Modification, où l’usage de la technologie permet une reconfiguration significative de la tâche,
  • La Redéfinition, où la technologie permet de nouvelles tâches.

Ce modèle est présenté et illustré de façon plus complète ici. Cette approche permet à chacun d’avancer à son rythme.

De même, des échanges entre pairs sur les pratiques et les usages de chacun, s’appuyant sur des principes d’ouverture et de bienveillance, ne peuvent être que constructives …

Voici graphiquement comment j’intègre ces réflexions au schéma initial de M. Lebrun :

technologie et pédagogie_2Et vous qu’en pensez-vous ? et où en êtes-vous ? N’hésitez pas à réagir dans les commentaires !

Charlie et son crayon

Plaidoyer pour défendre l’écriture manuscrite …

L’attentat contre Charlie Hebdo nous a offusqués et nous avons marqué notre indignation en brandissant un crayon.

Les_crayons

Mais que représente un crayon quand 45 états des Etats-Unis décident de faire disparaître l’écriture cursive du « tronc commun des connaissances requises » dans l’enseignement scolaire ?

Cette question m’a poussé à préciser ma position face à cette évolution

1 – Une substitution économique et radicale

Ruben Puentedura propose un modèle d’adoption des technologies qui passe par une première étape de « substitution ».

modèle SAMR de Ruben Puentedura

modèle SAMR de Ruben Puentedura

Cette étape s’entend dans une logique d’évolution pour aller vers des usages plus riches des outils numériques qui font évoluer les activités proposées et vont finalement les redéfinir complètement. Ca n’est pas cette logique qui est à la base de l’évolution aux Etats-Unis où les enseignants eu « des choix à faire sur ce qu’ils doivent enseigner dans un laps de temps limité » et c’est l’écriture manuscrite qui est passée à la trappe … Reste à voit si cela peut être une opportunité pour faire évoluer les activités proposées …

Je vous propose de voir l’impact de cet éradication sur le développement de plusieurs compétences.

2 – La créativité

Cette écriture manuscrite est pourtant un formidable outil de créativité !

Reconnais-toi (G. Apollinaire)

Reconnais-toi (G. Apollinaire)

Guillaume Apollinaire n’a pas attendu l’iPad pour créer ses calligrammes ! Et même si la technologie facilite grandement la création, l’usage et la diffusion de contenu multimédia, elle n’est pas ‘nativement’ source de créativité. Elle en devient un vecteur quand on l’utilise de façon réfléchie et choisie. La créativité est plus une affaire d’état d’esprit que d’outil : pourquoi s’interdire d’utiliser des outils simples et qui ont fait leurs preuves !

C’est d’ailleurs pour cette raison que les grands patrons de la Silicon Valley choisissent une école sans écran pour leurs enfants

3 – Les compétences calculatoires

Si l’on abandonne l’écriture cursive, il me paraît tout à fait logique de proposer d’utiliser l’outil numérique et les feuilles de calculs pour travailler les compétences calculatoires. On va donc aussi arrêter d’écrire les nombres et de poser les opérations. Cela risque, à terme, de remettre en cause les capacités de calcul des élèves : ils seront tenus de croire la machine sans aucun recul possible.  Et leur esprit critique risque aussi d’en prendre un certain coup, non ?

4 – Le potentiel de connexion

On nous dit qu’apprendre c’est créer des liens, associer avec ce que l’on sait déjà, accepter d’être bousculé quand cela ne rentre pas dans les cases et créer de nouvelles cases. Les mindmaps et concept maps sont des outils formidables mais il est bon aussi, dans certains domaines, de se construire ses propres schémas figuratifs, annotés et enrichis de commentaires. L’élèves pourra faire le dessin/schéma/croquis avec son crayon mais devra le scanner pour pouvoir l’enrichir et l’annoter ?

5 – La communication

Ça ne vous est jamais arrivé de glisser un petit mot sur votre pare-brise pour dire que votre voiture est en panne ? Comment s’organiser quand on ne sait qu’utiliser un clavier : on laisse son smartphone sur le pare-brise ou on utilise l’imprimante de la voiture ? A moins, bien sûr, que la voiture connectée n’intègre un écran d’informations pour les passants …

6 – L’affichage de soi

L’écriture manuscrite permet enfin d’afficher discrètement sa personnalité, son intimité. On peut faire passer beaucoup de non verbal par ce biais. C’est d’ailleurs, à mon avis, une des raisons pour lesquelles la majorité des textes de bandes-dessinées sont encore manuscrits. Une image me vient pour parler de cet aspect intime de l’écriture manuscrite :

Il n’y a pas si longtemps, quand on allait au concert, on n’oubliait pas son briquet pour l’allumer au bon moment ! La flamme est en effet un signe d’intimité et de chaleur. Elle est maintenant remplacée par le smartphone : son équivalent technologique ! Proposeriez-vous à votre conjoint un dîner romantique à la lueur de votre iPhone ? La fonction ‘éclairage’ est pourtant la même, non ?

Conclusion

Enfin, dans un monde où l’on parle empreinte carbone, peut-on raisonnablement préférer les TICE au duo papier/crayon ?

Plus j’y pense, plus je me dis qu’en décidant de ne plus apprendre l’écriture manuscrite, on est comme l’homme à qui l’on a coupé une jambe parce qu’il pouvait très bien tenir debout sur un seul pied … Il est tombé dès qu’il a voulu se déplacer …

Peut-être avez-vous d’autres arguments ou un autre point de vue, n’hésitez pas à les exposer ci-dessous !

Crédit iconographique :

Les crayons CC BY-SA Eric Walter

Reconnais-toi de Guillaume Apollinaire (domaine public)

Le Modèle SAMR par Sébastien WART

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