Bilan d’une formation en ligne

Nous avons organisé l’année dernière une formation de formateurs en ligne avec plusieurs cohortes dont deux avaient plus de 600 inscrits. Il nous a semblé intéressant de relire ces expériences et de formaliser un peu ce retour. Voici donc une vidéo-bilan de ce que l’on en a retiré qui aborde les points listés ci-dessous :

  • Rappel du contexte et de l’enjeu
  • Des questions sur la scénarisation
  • Le parcours de l’apprenant
  • L’organisation tutorale
  • Des gazettes vidéos pour tisser des liens
  • Forum ou questionnaire : une question d’engagement
  • Prendre en main magistère : une proposition
  • Quelle activité pour travailler la scénarisation ?
  • Comment aider à prendre du temps ?

Tous ces points sont abordés dans la vidéo ci-dessous (14’50)

Le scénario de la formation réalisé avec l’outil Learning designer de l’UCL (de Londres, pas de Louvain 😉 ) est accessible en ligne.

scénario de la formation

N’hésitez pas à apporter vos remarques, vos demandes d’explicitation ou d’explication sur certains points, si nécessaire…

En vous souhaitant une excellente année 2022 !

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Retours d’expérience et apprentissages

Les retours d’expérience sont souvent utilisés par les organisations pour aider les collaborateurs à monter en compétence. Il peut être intéressant de se questionner sur l’efficacité de ces pratiques et les modalités les plus pertinentes pour les organiser. Voici donc quelques éléments de réflexion en m’appuyant sur l’article de recherche « Les retours d’expériences dans la gestion de situations critiques » par Anne-Lise Marchand qui s’appuie sur des entretiens avec des pilotes d’avion et navigateurs.

1 – Contexte de l’étude

Cette étude s’attache a mettre en exergue l’utilité et l’efficacité des différents types de retour d’expérience dans des situations critiques. Elle s’est appuyée sur des entretiens avec des pilotes et navigateurs de l’armée de l’air autour de situations critiques afin d’identifier les connaissances sollicitées pour agir.

Il est souhaitable que la majorité des enseignants ne soient pas confrontés à des situations aussi critiques dans leur quotidien professionnel. Cependant, même si le niveau de stress n’est pas aussi élevé, il semble raisonnable d’étendre cette étude aux situations critiques ‘courantes’ des enseignants (perte d’autorité, de légitimité, gestion d’indiscipline grave ou de violence, etc.), surtout pour les jeunes collègues.

« Lorsqu’un individu est confronté à une situation de résolution de problème, il raisonne à un niveau de contrôle cognitif où il doit élaborer une nouvelle stratégie à partir des ressources qu’il a à sa disposition pour résoudre le problème posé. » Dans cette logique, l’auteure cherche à identifier si des retours d’expériences sont des ressources mobilisées dans les situations critiques.

2 – Éléments caractéristiques d’un retour d’expérience

L’article d’Anne-Lise Marchand propose plusieurs éléments pour caractériser un retour d’expérience : l’origine de l’épisode, l’objectif visé du retour d’expérience et le type de savoirs que l’on en ressort.

Il y a trois origines repérées :

  • Individuelle, c’est à dire issue de la confrontation directe de l’individu avec des événements imprévus ;
  • Collective, où le retour d’expérience est présenté de façon plus ou moins formelle par un pair ;
  • Organisationnelle, quand les retours d’expérience sont capitalisés dans une base de données.

De même un retour d’expérience peut viser trois objectifs distincts et complémentaires :

  • L’analyse d’événements spécifiques, on parle alors de retour d’expérience événementiel ;
  • La mise en valeur de pratiques positives pour les retour d’expérience positif ;
  • La détection d’événements précurseurs pour les retours d’expérience à signaux faibles.

Enfin, il peut ressortir de ces retours d’expérience trois types de savoirs :

  • Les savoirs analytiques qui permettent de caractériser la situation afin de mieux diagnostiquer le problème ;
  • Les savoirs procéduraux sur les actions réalisées et leur effet ;
  • Les savoirs réflexifs qui correspondent aux connaissances sur l’état de la personne durant la situation critique.

L’analyse des résultats quantitatifs de l’étude peut se présenter avec ce graphique qui présente le nombre de savoirs identifiés de chaque type dans les retours d’expérience mobilisés lors d’un entretien où les personnes interrogées relataient une situation critique, selon leur origine.

Synthèse quantitative des savoirs identifiés selon l’origine des retours d’expérience mobilisés

3 – Quelles sont les conclusions de l’étude ?

Les solutions proposées pour les 24 épisodes évoqués ont été évaluées par les sujets comme efficaces pour 14 épisodes et inefficaces pour 8 épisodes (deux des épisodes ne présentant pas de solution).

Les retours d’expérience collectifs apportent en moyenne 11 savoirs et les individuels 9. Ces deux types de retours d’expérience sont souvent mobilisés.

Les retours d’expérience organisationnels sont très peu mobilisés. L’auteure indique que cela est dû à la difficulté d’indexer de façon efficace une telle ressource pour pouvoir l’identifier facilement par la suite.

L’auteure a conscience de plusieurs biais dans l’étude : les données exploitées sont déclaratives et issues d’interviews à postériori et non pas pendant la situation de crise.

4 – Que pourrait-on en tirer pour la formation des enseignants ?

  • Cette étude identifie que les retours d’expérience sont des matériaux mobilisables dans les situation de crise et peuvent ainsi être un moyen de se ‘construire une expérience par procuration’. Il semble cependant important qu’ils soient précédés par un temps d’analyse réflexive de l’épisode pour en identifier les éléments significatifs le plus précisément possible.
  • La grille de lecture selon les 4 dimensions « caractérisation de la situation / événements précurseurs / pratiques / évaluation du résultat » peut permettre de mettre en exergue les éléments structurant de l’épisode et faciliter son appropriation et son transfert. L’émission de France Culture Superfail présente ainsi des ‘ratés’, des ‘erreurs’ en analysant le contexte, les actions menées et les conclusions à tirer ou les pratiques efficaces…
  • La capitalisation de tels retours d’expérience pour une mise à disposition ‘libre’ ne semble pas efficace. Cependant, une captation vidéo de ces témoignages pourrait s’avérer utile pour un usage en formation, sans mobiliser le témoin régulièrement.
  • L’analyse réflexive de sa propre pratique est aussi très efficace pour se construire son expérience et des schèmes opératoires, que ce soit au cours d’entretiens d’explicitation, ou de séances d’auto-confrontation.

Ces retours d’expérience semblent très utiles et sont souvent très appréciés des enseignants. C’est une stratégie efficace pour les outiller et les préparer aux situations aux limites (voire en dehors) de leur zone de confort. Ainsi, les formations des nouveaux enseignants, mais aussi des nouveaux formateurs et des accompagnateurs de constellations pourraient avantageusement s’appuyer sur de tels retours d’expérience pour les outiller efficacement et rapidement. De plus, les 5 focales de Roland Goigoux peuvent permettre d’identifier les éléments pertinents pour construire un tel retour d’expérience.

Les 5 focales de Roland Goigoux

5 – Pour aller un peu plus loin …

Il me semble que cette activité mentale qui consiste à exploiter l’expérience d’autrui rapportée lors de retours d’expérience vient s’imbriquer dans le modèle MADDEC proposé par Jean-Claude Coulet qui définit 3 boucles de rétroactions comme présenté ci-dessous. Ainsi les retours d’expérience de pairs viennent enrichir la ‘base de connaissance’ personnelle utile et nourrir les formes de régulation, au même titre que les feedbacks personnels issus des tâches antérieures réalisées.

Les 3 boucles de rétroactions (courte, longue, changement de schème)
Le modèle MADDEC de JC Coulet

Quantifier l’intensité des interactions dans un collectif

On m’a récemment fait connaître le travail mené par Claire Lambert-Louis pour son CAFFA sur l’analyse d’un collectif d’enseignants. Dans ce mémoire, l’auteur présente un outil pour quantifier l’intensité des interactions qui m’a particulièrement intéressé et j’ai essayé de voir comment on pouvait triturer l’outil pour en tirer des informations. Voici donc quelques pistes pour pousser la réflexion …

1 – Présentation de l’outil utilisé

L’outil utilisé est une adaptation du travail de JF Marcel et A. Murillo présenté dans Analyse du fonctionnement de collectifs enseignants : propositions méthodologiques. Il s’appuie sur une évaluation personnelle de l’intensité des interactions avec chaque membre du collectif grâce à une grille à 5 niveaux :

  • 0 : Aucune collaboration
  • 1 : Collaboration faible (discussions informelles, peu d’échanges)
  • 2 : Collaboration moyenne (quelques échanges de documents, d’idées, d’outils…)
  • 3 : Collaboration forte (échanges fréquents de documents, d’idées, d’outils…)
  • 4 : Collaboration très forte (co-construction de documents, échanges fréquents de documents, d’idées, d’outils)

Les retours des différents participants sont capitalisés dans une matrice, reproduite ci-dessous. Pour simplifier l’exploitation, j’ai renommé les 15 participants avec des lettres, de A à O.

Matrice d’évaluation des interactions entre participants d’un collectif enseignants

C. Lambert-Louis, dans son mémoire fait une analyse des écarts d’appréciation de la collaboration. Ainsi, K évalue la collaboration avec G comme très forte (4), alors que G l’évalue comme faible (1). C’est le plus gros écart et le seul cas où il y a un tel écart entre deux participants.

Voyons comment pousser un peu plus loin l’exploitation de ces données.

2 – La perception globale des interactions

Le premier élément qui m’a intéressé a été de comparer les lignes (ma perception des interactions avec les autres) et les colonnes (la perception des autres sur les interactions avec moi) en faisant la somme des valeurs de chaque ligne et chaque colonne. Si on trouve une moyenne identique (et c’est normal), l’écart type est sensiblement différent. La courbe ci-dessous montre les deux perceptions pour chaque personne.

Ainsi, on constate souvent un écart significatif de perception des interactions selon qui les observe. On pourrait imaginer qu’un observateur extérieur aurait peut-être une vision encore différente de ces interactions.

3 – Le nombre de relations

Pour aller plus loin, il peut être intéressant de comparer aussi le nombre de personnes avec qui chacun est en relation. En regardant la matrice d’origine, et comme vu précédemment, la perception des relations n’est pas symétrique. J’ai donc voulu créer une nouvelle matrice ne répertoriant que 3 niveaux :

  • 0 : pas de relation ;
  • 1 : relation unidirectionnelle, non identifié par l’une des personnes ;
  • 2 : relation bidirectionnelle, identifiée par les deux personnes.

Ce filtrage a permis de repérer le nombre de partenaires identifiés par chacun et de construire la courbe ci-dessous

On constate une grande diversité dans l’étendue des relations de chaque personne. Certains participants ont des profils très marqués :

  • E et I sont en relation avec tous les autres acteurs, quitte à ne pas être reconnu ;
  • A, L, M et N « ne perçoivent pas » les interactions émanant d’autres personnes quand ils ne s’impliquent pas, eux-aussi dans la relation (Cela n’est sans doute pas généralisable à toutes les situations et tous les contextes pour ces personnes …)

4 – La qualité des relations

Des deux données précédentes, il semble naturel de chercher à quantifier la qualité des relations en divisant la perception globale par le nombre d’interactions. Encore une fois, il faut faire la distinction entre ce que chacun perçoit personnellement et ce que les autres perçoivent à mon sujet. Voici les deux courbes qui ressortent

6 personnes se démarquent (E, G, I, K, L et O) par une qualité d’interaction perçue, par eux et/ou par les autres, sensiblement plus haute que la moyenne (qui vaut 1,72). Nous les retrouverons par la suite …

5 – Les relations bidirectionnelles

Les relations unidirectionnelles (non perçues par l’une des personnes) sont majoritairement de niveau 1 (discussion informelle, peu d’échange), voire de niveau 2 (quelques échanges de documents, d’idées, d’outils). Il m’a semble plus intéressant de me concentrer sur les relations bidirectionnelles et de calculer la moyenne de l’indicateur de qualité de la relation perçue par les deux interlocuteurs.

A partir de ce tableau, il semble intéressant de construire un graphe des relations entre les différents acteurs. Le voici :

Graphe des relations bidirectionnelles

Ce graphe met en avant l’intensité des interactions entre 6 participants : E, G, I, K, L et O. Ce sont les 6 personnes qui avaient une qualité d’interaction perçue supérieure à la moyenne. Ils forment un groupe dynamique avec un certain équilibre, c’est le noyau du collectif.

  • L est exclusif avec le noyau (il n’a pas d’autres relation bidirectionnelle) ;
  • G et K sont majoritairement en relation avec le noyau, ils ont quand même quelques relations d’ouverture ;
  • O, I et E sont à la fois impliqués dans le noyau et des passeurs avec les autres participants.

On remarque aussi la présence de nœuds de communication : I, N et O (qui ont 9 relations bidirectionnelles ou plus), et dans une moindre mesure, C, E, G et J (qui en ont 7).

6 – En conclusion

L’exploitation et l’analyse de ces données est personnelle et je ne sais pas quelle est leur validité, n’ayant que peu de connaissances dans le sujet. Cela m’a cependant semblé intéressant de creuser l’exploitation d’un tel jeu de données pour voir ce que l’on pouvait en tirer et comment on pouvait le mettre en valeur.

Toutes les pistes présentées ne me semblent pas aussi intéressantes. Je pense que le graphe final est la représentation la plus riche par la mise en avant des nœuds de communication et du noyau du collectif.

Voici le fichier tableur utilisé pour réaliser ce travail.

Le graphe des interactions bidirectionnelles a été réalisé manuellement, je n’avais pas envie de me casser la tête à le faire générer par la machine …

N’hésitez pas à apporter vos remarques pour avancer sur le sujet, je suis preneur.

Merci à Claire Lambert-Louis pour son travail inspirant, bravo pour le CAFFA et bonne continuation ! 😉

De la forme scolaire …

La « forme scolaire » était une expression à la mode, entre autre avec le rapport de Mme Becchetti-Bizot Repenser la forme scolaire à l’heure du numérique de mai 2017. Depuis, j’ai découvert le modèle ABC-LD qui caractérise les activités d’apprentissages et j’ai récemment retrouvé les différents espaces définis par le projet Archiclasse. Ces deux démarches me semblent très complémentaires et je vous propose ci-dessous ma vision de cette cohérence. Et pour aller un peu plus loin, j’y ajoute une première caractérisation des espaces de formations en ligne, s’inscrivant dans la même logique.

1 – Les 6 types d’activité de ABC-LD

Un précédent article présentait ce modèle ABC-LD et sa cohérence avec d’autres approches pédagogiques. Voici la caractérisation des 6 familles d’activités définies par ABC-LD :

  • Acquisition : appropriation de l’information par des cours, des documents textuels audio ou vidéo ;
  • Enquête : recherche d’information (dans les cours précédant, dans les notes de cours, sur internet, …), analyse de données, d’idées, de concepts, comparaison ;
  • Pratique : activité préparatoire, travaux pratiques, jeux de rôle, activité personnelle (formalisation/premier jet, analyse réflexive, …) ;
  • Collaboration : travail en groupe, négociation, argumentation, … (orienté production) ;
  • Production : formalisation du produit fini qui découle des activités antérieures ;
  • Discussion : évaluation, rétroaction, échanges orientés vers les apprentissages.

2 – Les 6 espaces de Archiclasse

En parallèle, le projet Archiclasse travaille sur l’organisation des lieux d’apprentissage et a caractérisé 6 espaces différentes, dont je reprends ci-dessous la description proposée sur le site du projet :

  • Le feu de camp est la terminologie employée pour désigner tout espace de réflexion en petit groupe, un endroit de coopération, de collaboration. Un lieu où les élèves peuvent apprendre à se concentrer tout en interagissant avec les autres.
  • La scène est la terminologie employée pour désigner […] un lieu de présentation au groupe. L’endroit du débat, le forum, l’Agora, la « place publique ». Un lieu citoyen où tout le monde échange, donne son avis et apprend à écouter celui des autres.
  • La grotte est la terminologie employée pour désigner tout espace pour la réflexion, la concentration individuelle. Un endroit calme, pas nécessairement isolé, où l’on peut procéder à l’intériorisation de ce qui a été observé ou expérimenté
  • L’oasis est la terminologie employée pour désigner tout lieu de rencontre, un espace informel où l’on dialogue entre pairs, un endroit de passage où l’apprentissage se fait par la conversation. Un espace où l’interaction sociale permet d’avancer dans la compréhension.
  • Le labo est la terminologie employée pour désigner tout lieu d’expérimentation, où l’on fait la démonstration de connaissances, également l’endroit où l’on met en pratique ce que l’on a appris. Il est le lien entre la théorie et la pratique, il permet d’apprendre en faisant.
  • Les Sources est la terminologie employée pour désigner tous les lieux d’information, de documentation permettant la recherche, les centres de connaissances, aussi bien par les journaux, que par les livres ou les ressources numériques.

3 – Croisement des deux typologies

Il me semble intéressant de croiser ces deux typologies qui me paraissent très cohérentes et de voir comment cela peut se traduire dans des espaces de formation à distance.

Espace archiclasseActivité ABC-LDEspace de formation à distance
La scèneespace de présentation d’un contenu, d’échange et de débat en grand groupe, mais aussi espace d’exposition d’une production. L’aspect scène met l’accent sur des productions autres que textuelles.– Vidéos de présentation de l’enseignant
– Messages de relance, consignes
– Classes virtuelles
– Forums
– Espace d’exposition des productions des participants : cette dimension est rarement mise en œuvre dans un formation à distance alors que cela peut être un bon levier pour soutenir l’engagement des participants.
Le feu de campespace de collaboration en groupeEspace de travail en groupe (forum, classe virtuelle, document collaboratif)
La grotteespace de réflexion personnelle et d’assimilation.C’est le contexte ‘fondamental’ dans lequel vit un apprenant à distance. Cet article sur ma démarche d’apprentissage met en avant une séparation en ligne / hors ligne et la grotte correspond à tout ce qui se vit hors ligne.
Un espace de publication, comme ce blog par exemple, peut être la face visible de cette grotte.
L’oasisespace de discussion, d’échanges informels– Intégré au dispositif sous forme de classes virtuelles (ou séances de clavardages) informelles, sans sujet prédéfinis, que nous appelons ‘cafés de la formation’ ;
– Externalisé dans un canal de réseau social ;
– L’idée d’une shoutbox intégrée à l’espace de formation pourrait aussi correspondre, en partie, à cette oasis.
Le laboespace de pratique, d’expériementationDépend fortement de la discipline de la formation. Je vous invite à lire cet article sur l’hybridation de travaux pratiques.
Les sourcesespace d’acquisition ou d’enquête selon la consigne et la guidance proposée. Il est à noter que l’enseignant reste une source de prédilection, tout comme les autres participants à une formation.Ensemble des ressources mises à disposition dans le parcours. Nous insistons toujours sur l’importance de les choisir judicieusement pour ne proposer que le strict nécessaire.
Croisement ABC-LD & Archiclasse

4 – Archiclasse et la pédagogie centrée sur les apprenants

Le modèle centrée sur les apprenants (présenté ici) s’articule en cercles concentriques :

  • Les apprenants sont au centre du modèle, ils travaillent régulièrement en groupe, ce qui nécessite de collaborer et de communiquer. Ces modalités s’organisent dans le feu de camp et l’oasis.
  • Ils sont impliqués dans des études (projets, problèmes, études de cas, recherches) où ils doivent produire une réalisation (produit fini, mode d’emploi, carte de connaissance, …). On est dans le labo !
  • Durant ces travaux, les étudiants sont invités à structurer leurs connaissances. L’aspect personnel, voire intime de cette activité se déroule dans la grotte.
  • Enfin, le modèle propose d’exploiter ces connaissances et compétences. Cela peut se faire en interne, lors des études suivantes et/ou s’ouvrir sur le monde extérieur en partageant les productions par exemples : on est sur la scène !
  • Restent les sources qui se positionnent à cheval, entre les deux cercles verts où l’apprenant analyse et se nourrit des ressources proposées pour comprendre les phénomènes ou mécanismes étudiés.

Graphiquement, cela pourrait se présenter comme cela.

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Concevoir un dispositif pour des enseignants

Nous sommes de plus en plus souvent contactés par des inspecteurs pour mettre en place des dispositifs de formation s’appuyant sur m@gistère (plateforme de formation s’appuyant sur Moodle). Bien que ces demandes soient légitimes, il nous semble important de ne pas partir de l’outil (m@gistère) mais du besoin et de proposer une démarche structurée pour concevoir de tels dispositifs en visant le développement professionnel des personnels. Voici quelques réflexions…

1 – L’adulte en formation

Comprendre et connaître les caractéristiques d’un adulte en formation nous semble un préliminaire essentiel pour ne pas passer à côté de l’objectif. François Muller propose 7 caractéristiques de l’adulte en formation qui a de nombreux besoins :

  • Être convaincu que les informations ou apprentissages proposés ont du sens et sont utiles dans son activité professionnelle ;
  • Participer activement à la formation et savoir à tout moment où il en est de ses connaissances et compétences ;
  • Saisir la relation entre ce qu’il maîtrise déjà et ce qu’il apprend ;
  • Comprendre en quoi ce qu’il apprend lui permettra de résoudre des problèmes ;
  • Appliquer au plus vite ses apprentissages ;
  • Recevoir une rétroaction le plus rapidement possible après la mise en pratique.

Tous ces éléments doivent nous guider dans la conception de notre dispositif. Le premier qui tient au sens et à l’utilité perçue du dispositif est essentiel pour ‘assurer’ l’engagement des enseignants.

En parallèle de ces différents besoins, il faut garder en tête que chaque adulte s’est construit des représentations mentales et des stratégies d’apprentissage qui lui sont personnelles et nous devons l’intégrer dans chaque formation.

2 – L’objectif visé par le dispositif

Avant de construire un dispositif, il est indispensable de savoir quel est l’objectif visé. Il nous semble que 5 objectifs principaux peuvent être poursuivis :

  1. Développer les compétences des personnels ;
  2. Produire des documents de travail (scénarios pédagogiques, trames de projets, …) ;
  3. Transmettre des informations ;
  4. Tisser des liens entre les personnels ;
  5. Mobiliser les personnels en développant l’engagement et la persévérance.

Il est rare qu’un dispositif ne vise qu’un seul de ces objectifs mais il est important de les prioriser car c’est à partir des objectifs définis lors de la conception que l’on pourra définir les critères d’évaluation.

3 – Croisement des deux dimensions besoins – objectifs

Il est compliqué de faire coïncider assurément les besoins et attentes de formations des enseignants et les objectifs visés par les cadres. Il est ainsi intéressant d’envisager une offre de formation diversifiée, en croisant les approches disciplinaires, pilotées par les inspecteurs et locales, pilotées par les chefs d’établissement, pour que chaque enseignant trouve la proposition qui lui convient le mieux. Ainsi les réformes, l’arrivée de nouveaux programmes, le projet d’établissement, et par là même, tout événement local ou national, sont des opportunités pour la mise en place de tels dispositifs.

4 – Le contexte du dispositif

Une fois les objectifs définis, il est temps de prendre en compte le contexte du dispositif prévu : nombre de personnes concernées, modalités d’inscription (désigné ou inscription libre), répartition géographique des personnes, besoins en matériels ou logiciels spécifiques, contraintes temporelles, …

Ces éléments sont essentiels à préciser au plus vite pour définir le cadre de liberté dans lequel pourra se construire le dispositif.

Les différents éléments que nous venons d’aborder (adultes en formation, objectifs visés, caractérisation du contexte) correspondent à la phase d’Analyse du modèle ADDIE.

5 – Une démarche pragmatique

La deuxième étape du modèle ADDIE est l’étape de Design. Nous avons l’habitude, à ce stade, de nous appuyer sur les travaux de John Biggs et de Marcel Lebrun pour travailler la conception pédagogique à partir du schéma ci-dessous.

Trois points nous semblent particulièrement importants à noter :

  1. La diagonale de Biggs est centrée sur les activités (M. Lebrun parle plutôt de cohérence objectif / méthode / évaluation) car elle a été envisagée dans une logique de formation. Si l’on vise un autre objectif que le développement de compétence, il faut centrer cette diagonale sur l’élément visé pour assurer la cohérence de notre dispositif.
  2. Le modèle IMAIP de Lebrun peut s’appliquer à tout dispositif, de la réunion locale de travail au MOOC en passant par toutes les hybridations envisageables et peut aussi s’envisager au niveau macro d’une année de formation ou micro pour une séance particulière.
  3. Ce modèle pourrait aussi être pertinent pour organiser le travail (ou au moins des temps de travail) afin de pouvoir rendre apprenantes les situations professionnelles comme abordé dans cet article.

Ce schéma nous permet de séquencer les différents temps de la conception à partir du questionnement qui suit. Les questions sont posées dans un ordre cohérent mais il peut être nécessaire de reboucler le questionnement car tous les éléments sont étroitement liés.

a) La diagonale de Biggs (Objectifs / Activités / Évaluation)

  • Les objectifs ont été définis auparavant, ils servent de base de travail …
  • Quelles activités peuvent permettre de développer les compétences et ou connaissances visées et mettre en place l’évaluation envisagée ?
  • En quoi consiste ce que l’on cherche réellement à évaluer : La production finale des participants ? Le processus (= la démarche) mise en œuvre ? La réflexion des participants autour de l’activité (= le propos) ?
  • Comment peut-on évaluer l’atteinte de l’objectif visé ?

b) La ligne droite de Lebrun (Informations / Activités / Production)

  • En fonction des éléments définis au niveau de l’évaluation, quelle(s) production(s) faut-il envisager ?
  • Quelle production peut donner du sens aux activités prévues ci-avant ?
  • Quelles activités permettent de réaliser la(les) production(s) attendue(s) ?
  • Quelles ressources sont nécessaires aux stagiaires pour atteindre les objectifs ? (textes, vidéos, consignes, guidances, documents de travail, …)

c) Les deux ‘moteurs’ de Lebrun (Motivation / Interactions)

  • Quelles interactions sont prévues ? Entre participants ? Avec le formateur ? Avec d’autres personnes ? Avec la machine ?
  • Quels éléments font que la tâche proposée va susciter l’engagement des participants ?

6 – Reconnaissance du développement professionnel des participants

Il nous semble important, dans une logique de développement professionnel, de reconnaître le travail réalisé par les participants et les apprentissages qui en ont découlé en s’appuyant, par exemple, sur des openbadges. Nous avons repéré deux écueils importants à éviter :

  1. Ces badges ne sont pas des attestations de présences : ils permettent de présenter les productions et/ou apprentissages réalisés.
  2. Ces badges ne sont pas des preuves de compétences : ils participent au faisceau de preuves qui justifient la maîtrise de la compétence.

Cette logique sous-tend que nous ne ‘badgeons’ personne mais nous proposons des badges aux personnes qui peuvent les endosser.

Conclusion

Comme vous pouvez le constater, nous ne parcourons pas encore toutes les étapes du modèle ADDIE : nous n’avons pas (encore) une démarche systématique pour les aborder. En l’état, cette démarche nous semble cohérente mais peut-être avez-vous une autre approche ou des remarques à nous partager. N’hésitez pas, nous avons encore beaucoup à apprendre !

PS : Cet article a initialement été publié sur le blog de la DANE de DIjon : http://dane.ac-dijon.fr/2019/11/07/concevoir-un-dispositif-pour-des-enseignants/

Réflexions autour de l’hybridation

La période actuelle de confinement nous pousse à nous questionner par rapport à la transposition à distance de tout ou partie des enseignements. Il m’a semblé utile de préciser mon point de vue sur le sujet et de le formaliser. Voici donc quelques éléments pour débattre et avancer ensemble.

1 – Des notions à clarifier

Il me semble que l’activité d’enseignement apprentissage peut se caractériser selon deux dimensions structurelles :

  • La dimension géographique : l’activité de l’élève peut se dérouler en classe ou hors classe. Cette notion de ‘hors classe’ peut être dans l’école ou l’établissement, lors des temps d’activité périscolaire, dans le cadre du dispositif Devoirs faits, ou en autonomie, au CDI ou en salle d’étude, par exemple ;
  • La dimension temporelle : l’activité de l’élève se déroule-t-elle avec l’enseignant (on parlera d’activité synchrone) ou en autonomie (activité asynchrone).

Ce découpage spatio-temporel de l’enseignement-apprentissage permet de caractériser 4 situations différentes :

  • l’enseignement simultané (synchrone, en classe), avec ses modalités ‘classiques : cours et devoirs surveillés. Tous les élèves réalisent la même activité et l’enseignant cadence l’avancée du travail.
  • l’enseignement a-simultané (asynchrone, en classe). Les élèves travaillent en relative autonomie autour de tâches complexes ou de travaux de groupes, ils peuvent suivre un plans de travail ou être dans un fonctionnement d’enseignement mutuel. C’est dans ce quadrant que peut se mettre en place la coopération comme décrite par S. Connac avec ses différentes modalités : aide, entraide, tutorat et travaux de groupe. Cette modalité fait surgir un besoin de régulation dans le quadrant au-dessus pour réguler les activités, de façon synchrone entre l’enseignant et les élèves. Cette régulation ne se fait pas forcément avec le groupe classe entier, elle peut ne concerner qu’un petit groupe spécifique d’élèves.
  • l’enseignement à distance (asynchrone, hors classe), qui intègre toutes les activités hors classe : devoirs à la maison, révisions, lectures, …
  • l’enseignement synchrone, hors classe, qui est maintenant accessible grâce aux outils de classes virtuelles. Il se limitait, avant le confinement à l’organisation mise en place pour les élèves empêchés. C’est autour de l’utilisation de ce quadrant que beaucoup de questions se posent actuellement.

Quelques éléments à noter

  1. Un enseignement ‘classique’ alterne entre les deux quadrants simultané (cours et devoirs) et à distance (exercices d’application, révisions). La première approche des classes inversées consistait à intervertir des activités proposées dans ces deux quadrants en proposant les cours à la maison et les exercices d’application en classe.
  2. Le basculement d’un enseignement simultané à un enseignement a-simultané impose un ‘saut pédagogique’ lié à un changement de posture de l’enseignant. En effet, si l’on reprend les postures de Dominique Bucheton, l’enseignant est en mode ‘contrôle’ dans un enseignement simultané alors qu’il doit accepter un certain ‘lâcher prise’ dans une organisation a-simultanée. Cette évolution me paraît essentielle dans une logique d’enseignement hybride où l’on maîtrise encore moins ce que fait l’élève, puisqu’il est hors classe.
  3. Le quadrant synchrone à distance semble bien adapté pour les temps d’interaction synchrone, que ce soit pour des régulations entre l’enseignant et un groupe d’élèves ou des temps de travail synchrones pour des travaux de groupe entre élèves.

Ce point de vue est présenté dans la vidéo ci-dessous :

2 – La caractérisation des activités élèves

Si l’on veut transposer une partie des activités élèves à distance, il est important de bien caractériser celles-ci. Le modèle de Diana Laurillard me paraît efficace pour repérer ces différentes activités. Composé de 6 ‘familles’ d’activité : acquisition, investigation, application, production, discussion et collaboration, il est présenté ici et comparé à d’autres modèles.

La vidéo ci-dessous en reprend les grands principe et caractérise, à grands traits, des pistes pour la transposition à distance.

Il est aussi intéressant de voir comment les outils numériques peuvent soutenir ces activités. Pour cela, le récent rapport du CNESCO, Numérique et apprentissages scolaires, coordonné par André Tricot est éclairant. Il y est présenté que les outils numériques ont un effet plutôt positif sur les activités suivantes (organisées selon les familles de D. Laurillard) :

  • Acquisition : Présenter de l’information, représenter ce qu’on ne savait/pouvait pas représenter auparavant, enrichir les informations ;
  • Investigation : rechercher de l’information ;
  • Appliquer : résoudre des problèmes et calculer, s’entrainer, expérimenter, apprendre à faire sur simulateur ou en réalité virtuelle ;
  • Produire : produire un texte ou un document seul ;
  • Collaborer : produire un texte ou un document à plusieurs ;

Il est spécifiquement noté que les outils numériques ont un effet plutôt négatif pour l’apprentissage de la coopération. Cela n’est pas surprenant : c’est plus compliqué de coopérer via des outils numériques qu’en face à face, mais quand la situation impose un confinement, ces mêmes outils offrent quand même des possibilités intéressantes qu’il serait dommage de négliger. De plus, nous voyons bien qu’il devient important de maîtriser aussi les codes de collaboration à distance …

3 – La classe virtuelle

La classe virtuelle est l’outil qui permet d’envisager de travailler en mode synchrone hors classe. Il me paraît que son utilisation doit être bien spécifiée.Deux règles peuvent guider le choix :

  • Le temps proposé aux élèves en classe virtuelle doit être limité (1h par 1/2 journée, par exemple) ;
  • L’usage de la classe virtuel doit être réfléchi et centré sur de interactions ;

La question de la comodalité

L’université Laval est pionnière dans les formations comodales et a documenté son travail. Ainsi, les étudiants peuvent choisir comment ils souhaitent suivre certains cours : en classe, à distance synchrone ou à distance asynchrone. Cela est possible parce que les formations ont été pensées ainsi, dès leur conception : quelle que soit la modalité choisie, les élèves ont une ‘bonne’ expérience d’apprentissage et les différentes participations se complètent et s’enrichissent.

Cette 3ème vidéo présente les éléments essentiels sur les classes virtuelles, leur utilisation et les points de vigilance.

4 – Transposer : trois questions à se poser …

Si l’on veut transposer ses cours en mode hybride, il paraît important de se poser les 3 questions suivantes :

  1. Qu’est-ce qui est incontournable ? Quels sont les contenus que les élèves doivent à tout prix aborder ? En effet, il est compliqué de proposer à distance toutes les activités prévues en classe. Cela risque en effet de surcharger les élèves, comme cela s’est parfois passé lors du premier confinement.
  2. Quels sont les besoins d’interaction ? Ces interactions permettront de cadrer les temps synchrones, que ce soit en classe ou hors classe par le biais d’une classe virtuelle.
  3. Comment accompagner l’autonomie des élèves ? C’est en effet essentiel d’assister les élèves pour les aider à apprendre en autonomie. Deux aspects sont à considérer :
    • la guidance qui regroupe l’ensemble des documents pour aider les élèves en commençant par des consignes les plus claires possibles. Voici quelques documents de guidance utiles : aide à la planification du travail, plan de travail, aide méthodologique, aides pour les travaux de groupe (répartition des tâches, planification, jalons, …).
    • l’accompagnement qui correspond aux échanges entre l’enseignant et l’élève. Des temps synchrones de régulation sont indispensables pour expliciter tout ce qui le nécessite et soutenir l’engagement dans la durée. Il semble raisonnable de proposer au moins un tel temps d’accompagnement/régulation par semaine (que ce soit en classe ou à distance avec une classe virtuelle). Il se peut que des élèves n’en aient pas besoin mais la possibilité devrait toujours être offerte…

5 – La question de l’évaluation

S’il paraît compliqué pour bon nombre d’enseignants de réaliser des évaluations sommatives à distance, peut-être qu’il faut envisager une autre forme d’évaluation dans cette situation. Une solution pourrait être de travailler spécifiquement l’auto-évaluation et d’accompagner les élèves dans cet apprentissage complexe et pourtant essentiel pour entrer dans une logique d’apprentissage tout au long de la vie. Plusieurs pistes sont envisageables :

  1. Les grilles graduées qui permettent à l’élève de repérer le niveau d’achèvement ou de maîtrise d’une compétence grâce aux indicateurs clairement identifiés. L’usage d’une telle grille peut être complexe, il est important de prendre du temps pour la leur expliquer. L’explication peut même se prolonger par l’évaluation d’une production selon cette grille, pour s’assurer qu’ils ont bien compris les différents critères et indicateurs. Polytechnique Montréal propose une grille intéressante pour comprendre la logique de la démarche.
  2. Le portfolio offre la possibilité de consolider les différentes productions de l’élève dans un espace unique et personnel. Ces productions peuvent être enrichies de commentaires ou réflexions personnelles. Ainsi groupées et accessibles, l’élève peut les parcourir à sa guise et identifier ses progrès et les stratégies développées.
  3. Le questionnaire d’attribution causale. Développée par Julie Roberge, cette démarche consiste à poser 3 questions à l’élève autour d’un devoir :
    • juste avant le devoir : te sens-tu prêt pour le devoir ?
    • juste après le devoir : penses-tu avoir réussi ce devoir ?
    • après le retour du devoir corrigé : comment peux-tu utiliser les rétroactions pour progresser ?

Il existe sûrement d’autres démarches d’accompagnement vers l’auto-évaluation mais celles-ci me semblent particulièrement pertinentes.

Ces réflexions sont toujours en évolution et vos retours seront précieux. N’hésitez pas à réagir, cela nous enrichira tous !

Diversifier les activités proposées aux apprenants avec ABC-LD

Diana Laurillard a repéré six types d’activités d’apprentissage et Clive Young et Nataša Perović se sont basés sur ce travail pour développer un outil, ABC-LD, pour aider les enseignants à construire des séquences dynamiques et cohérentes. François Jourde et Erwan Gallenne ont récemment proposé une nouvelle instance de cet outil, basé sur la suite Google. Ces 6 activités d’apprentissage (ou expériences d’apprentissage) me semblent intéressantes pour analyser et concevoir un dispositif. Je vous propose de comparer cette approche à d’autres que j’utilise régulièrement. Ce modèle et le canevas associé me semblent très pertinents parce qu’ils mettent en avant la variété des activités proposées aux apprenants. Il me semblerait utile de plus formaliser les aspects d’évaluation et d’aide à l’auto-évaluation au sein de chaque activité pour gagner encore en efficacité.

Les 6 activités types dans ABC-LD

Diana Laurillard a donc repéré 6 activités types qui sont rapidement présentées ici :

  • Acquisition : appropriation de l’information par des cours, des documents textuels audio ou vidéo ;
  • Enquête : recherche d’information (dans les cours précédant, dans les notes de cours, sur internet, …), analyse de données, d’idées, de concepts, comparaison ;
  • Pratique : activité préparatoire, travaux pratiques, jeux de rôle, activité personnelle (formalisation/premier jet, analyse réflexive, …) ;
  • Collaboration : travail en groupe, négociation, argumentation, … (orienté production) ;
  • Production : formalisation du produit fini qui découle des activités antérieures ;
  • Discussion : évaluation, rétroaction, échanges orientés vers les apprentissages.

Le modèle précise que les deux activités Discussion et Collaboration se réalisent en groupe, les 4 autres se vivent seul.

Il me semble intéressant de confronter cette approche à d’autres modèles que j’utilise couramment dans le cadre de différentes formations.

Le modèle ICAP

Le modèle ICAP classifie les activités d’apprentissage selon l’implication affichée des apprenants en 4 catégories : Co-créatif, Créatif, Actif, Réceptif (traduction libre de ICAP en Co-CAR). De ce niveau d’engagement de l’apprenant, découle la profondeur de l’apprentissage (d’un apprentissage en profondeur à un apprentissage superficiel). La classification d’une activité dans une catégorie dépend de l’activité proposée, mais aussi de la production des participants : un élève qui écoute un cours peut être dans un état réceptif s’il se limite à écouter, il peut aussi être actif s’il prend des notes… Cela justifie que des activités se retrouvent dans plusieurs catégories. Voici une première proposition de correspondance entre les deux modèles.

modèle ABC-LDmodèle ICAP
AcquisitionRéceptif, Actif
EnquêteActif, Créatif
PratiqueActif, Créatif
CollaborationCo-créatif
ProductionActif, Créatif
DiscussionCo-créatif

Le Modèle IMAIP

Nous utilisons le modèle IMAIP de Marcel Lebrun (présenté ici par l’auteur) pour identifier les éléments essentiels à prendre en considération lors de la conception d’une formation. Il apparaît tout de suite que les deux modèles ne se situent pas au même niveau. En effet ABC-LD intègre le pôle ‘activité’ du modèle IMAIP. Cependant, ces différentes activités sont en lien avec les autres pôles du modèle.

  • L’acquisition et l’enquête sont plus en lien avec l’acquisition de contenus et donc le pôle information (même si celui-ci intègre aussi les consignes, les conseils et outils méthodologiques et organisationnels) ;
  • La collaboration et la discussion sont en lien avec le pôle Interaction ;
  • La discussion est aussi liée à la rétroaction ;
  • La production est bien sûr en lien avec le pôle Production ;
  • La pratique n’est en lien qu’avec le pôle Activité.

L’alignement de Biggs

Dans notre démarche de conception de scénario pédagogique, nous avons l’habitude de nous appuyer sur l’alignement constructiviste afin d’assurer une cohérence entre les objectifs visés, les activités proposées et l’évaluation. Cet alignement doit se retrouver au niveau d’un dispositif global mais peut aussi se retrouver au niveau de chaque activité, à la manière d’un fractal. Il pourrait ainsi être intéressant de préciser, pour chaque activité, l’objectif visé, la production ou la trace attendue, le niveau d’exigence et/ou des critères d’évaluation ou de réussite. Avec le temps, ce dernier élément me semble de plus en plus essentiel pour aider chacun à s’auto-évaluer dans une logique d’apprentissage tout au long de la vie.

Voici donc une représentation schématique présentant l’intégration de ces différents modèles. Les bulles blanches correspondent au modèle IMAIP, les grises à l’alignement de Biggs, les bulles de couleur sont les 6 activités proposées par le modèle ABC-LD et les couleurs correspondent aux 4 niveaux d »engagement des apprenants.

Ces quelques réflexions mettent en avant la cohérence de ce modèle ABC-LD avec les autres modèles que j’utilise habituellement. Il apporte un élément complémentaire en explicitant la variété des activités proposées. Et nous savons bien que c’est un élément essentiel pour soutenir la motivation des apprenants…

La différenciation, une approche centrée sur les élèves

Il est illusoire de croire que tous les élèves vont pouvoir développer les mêmes connaissances et compétences au même rythme et selon la même chronologie stricte. Même si ce rêve est toujours dans la tête de certains, la réalité du terrain nous contraint à envisager des adaptations de ce mode de fonctionnement, sans forcément aller jusqu’à l’école mutuelle qui était l’alternative à l’éducation centralisée au XIXème siècle. Un juste milieu peut exister, où l’enseignant a toute sa place pour accompagner chaque élève dans ses apprentissages.

1 – De quoi parle-t-on ?

On peut facilement confondre plusieurs notions et il est intéressant de commencer par les définir :

  • L’individualisation est la prise en compte des spécificités d’un apprenant pour lui adapter un parcours de formation ‘sur mesure’. Cela peut se traduire par exemple par la dispense ou l’ajout de certains modules de formation selon le parcours antérieur de chacun. La modularisation de la formation facilite l’individualisation.
  • La personnalisation consiste à tisser des liens sociaux pour mettre en place un accompagnement afin d’intégrer l’apprenant au mieux dans le dispositif de formation : les rencontres, les forums, le tutorat sont des éléments de cette personnalisation de la formation.
  • La différenciation ‘consiste à mettre en œuvre un cadre souple où les apprentissages sont suffisamment explicités et diversifiés pour que les élèves puissent travailler selon leurs propres itinéraires d’appropriation tout en restant dans une démarche collective d’enseignement des savoirs et savoir-faire communs exigés.’ (Halina Przemyscki, La pédagogie différenciée, Hachette éducation, 2004)

2 – Que peut-on différencier et comment s’organiser ?

Les paramètres de la différenciation

Plusieurs paramètres d’une formation peuvent être adaptés dans une logique de différenciation : les ressources proposées, la guidance induite par les consignes, l’accompagnement, la production finale et l’organisation du travail des apprenants. Un dossier de l’IFE paru en novembre 2016 propose des pistes pour différencier ces différentes dimensions.

Voici un tableau pour présenter de façon pragmatique ces possibilités.

Axe de différenciationTemps enseignantTemps élèveRemarques
Ressources proposéesCréer ses propres ressources est très chronophage, mais beaucoup d’enseignants en ont déjà réalisées et les partagent volontiers : utilisez-les !
Guidance des consignesVous ne pouvez pas expliquer simultanément à tous les élèves des consignes différentes, il faut donc prendre le temps de les rédiger (ou de les enregistrer) pour que chacun puisse y avoir accès au bon moment. La rédaction de consignes claires et non équivoque peut être assez chronophage.
Organisation du travailProposer aux élèves de travailler seuls, à deux, en groupe (même pour une activité courte) ne demande pas beaucoup de temps. Cependant, cela ne se met pas en place calmement dès la première fois : c’est un changement de pratique qui nécessite un apprentissage avant de devenir une habitude. Le temps consacré à cet apprentissage doit être considéré comme un investissement.
AccompagnementAccompagner les élèves de façon différenciée ne demande pas de temps spécifique. Il faut par contre être vigilent à bien gérer ces moments différenciés pour se consacrer en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, sans négliger personne. Les élèves les plus avancés peuvent vous aider dans cette mission d’accompagnement.
Production finaleCette diversification peut s’avérer très chronophage pour vos élèves si vous leur demandez de produire une œuvre multimédia. De plus, il est souhaitable que vous sachiez produire une telle ressource avant de la demander à vos élèves afin de repérer les difficultés, le temps nécessaire et d’en définir les paramètres (taille, format, modalité de retour, …) pour vous faciliter l’évaluation.

On peur reprendre le schéma ci-dessous pour repérer les différents paramètres facilement différenciables : les interactions (travaux en groupe ou seul, présence plus moins directive de l’enseignant, intervention de partenaires externes), les ressources à disposition, les activités proposées et les productions attendues des élèves.

Enseignement et apprentissages

L’organisation de la différenciation

Le premier niveau de différenciation, séquentiel, consiste à proposer une diversification successive des activités et supports. Cela permet de varier les approches, les méthodes, les productions attendues, les ressources et soutient ainsi la motivation. Le second niveau consiste à réaliser une différenciation simultanée.  L’enseignant doit alors anticiper sa séquence pour baliser le chemin de chacun et ne rien oublier.

3 – La différenciation : une source de motivation

Rollland Viau, qui a étudié la motivation des étudiants, a répertorié 10 conditions pour motiver les élèves et la pédagogie différenciée en valide quatre :

  • Proposer des activités diversifiées,
  • Exiger un engagement cognitif pour l’élève,
  • Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix,
  • Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres.

Les autres facteurs de motivations (clarté des consignes, temps imparti pour réaliser l’activité et caractéristiques des activités proposées : sens, défi cognitif, authenticité, interdisciplinarité) sont tout aussi intégrables dans une pédagogie différenciée mais ne s’y trouvent pas « naturellement ».

4 – Des outils et des ressources pour différencier

Le premier travail dans la différenciation pédagogique est de planifier sa séquence en partant des objectifs visés afin de définir tous les paramètres essentiels et les dimensions qui seront différenciées. La grille présentée ci-dessous peut vous aider dans cette démarche.

La première page est la version vierge de la grille (visible ci-dessus), la seconde est un exemple de son utilisation lors d’une formation d’enseignant sur la classe inversée (visible si vous téléchargez le document en cliquant sur l’image …).

Une fois ce travail préparatoire réalisé, il est intéressant de voir comment les outils numériques peuvent aider à s’organiser pour ne pas être débordé :

  • L’ENT est l’espace à préférer pour capitaliser ses documents, mettre les ressources à disposition des élèves, les accompagner et récupérer leurs travaux.
  • Une multitude de ressources sont déjà disponibles sur internet et la ‘mode’ de la classe inversée a motivé de nombreux enseignants à se lancer dans la production de ressources. N’hésitez pas à parcourir des ’dépôts’ répertoriés, vous devriez déjà trouver des éléments pour commencer.
  • Il est intéressant d’organiser la différenciation avec des plans de travail. (Une présentation détaillée de cet outil et de son utilisation, avec des exemples est accessible ici). Ce plan de travail correspond à une présentation de la grille pédagogique (présentée ci-dessus) adaptée à l’élève en lui précisant l’organisation chronologique des activités proposées (si nécessaire, on peut prévoir des embranchements dans son scénario).

Enfin, si vous voulez avancer dans vos pratiques, voici deux conseils pragmatiques :

  1. Prenez le temps d’analyser à postériori comment les séquences que vous avez différenciées se sont déroulées : Les objectifs visés ont-ils été atteints ? Cela s’est-il déroulé comme prévu ? Avez-vous remarqué des élèves satisfaits/insatisfaits de la séance ? Tout ne se mettra pas en place tout de suite mais vous progresserez très vite en adoptant une démarche d’amélioration continue (comme le propose le cycle de Kolb). La rédaction d’un carnet de suivi vous permettra de constater rapidement vos progrès.
  2. Rapprochez-vous d’enseignants qui se sont déjà lancés ! Et comme il n’est pas sûr que vous en trouviez dans la classe d’à côté, n’hésitez pas à utiliser les réseaux sociaux pour entrer en contact avec des communautés actives autour de ces pratiques. L’apprentissage par les pairs est très efficace entre enseignants, rejoignez les communautés déjà existantes ! Vous pouvez par exemple commencer par quelques communautés sur twitter autour d’un hashtag : #NumEdu et #edumix peuvent être vos premières portes d’entrées, après vous pouvez aller sur #Num1D_OT si vous enseignez en primaire ou sur #cadre21, #eduprof, #tacEdChat ou #cocreatic si vous voulez voir ce qui se passe au Québec, nos amis de la belle province sont très dynamiques !

5 – En conclusion

La différenciation est une pratique riche, qui suscite la motivation des élèves et permet de faire progresser chacun. L’organisation de telles séquences peut être chronophage, surtout au début, mais vous n’êtes jamais obligé de tout différencier. Il est tout à fait compréhensible d’avancer pas à pas dans cette approche qui, vous le verrez, vous apportera de nombreuses satisfactions.

PS : Cet article a déjà été publié ici en 2017 http://dane.ac-dijon.fr/2017/07/06/la-differenciation-une-approche-centree-sur-les-eleves/

Continuité pédagogique V2 : quelques réflexions

La situation sanitaire actuelle incite à penser que la COVID-19 va créer des situations d’enseignements très diverses et parfois compliquées. Il peut être judicieux de profiter du temps que l’on a encore devant nous pour penser une organisation la plus pertinente possible, en nous appuyant sur l’expérience que nous avons maintenant. Voici quelques réflexions personnelles, dans une logique de ‘document martyre’ à amender pour aider à anticiper les différentes situations et organisations possibles… N’hésitez pas à réagir et apporter votre point de vue, tout apport constructif est bienvenu !

1 – Des principes généraux

Il semble normal de s’appuyer sur le fonctionnement ‘normal’ des établissements dans un cas d’une épidémie de grippe ou gastro : comment s’organise alors la continuité pédagogique ?

Les enseignants et chefs d’établissements attendent des directives supportables technologiquement, humainement et dans la durée. Ainsi la continuité synchrone avec caméra dans la classe fait porter une charge cognitive très importante sur l’enseignant et peut être très anxiogène. Si elle peut être envisageable, il peut être compliqué de la préconiser.

a) Les besoins d’un élève à distance

Un élève à distance peut être dans des conditions de travail compliquée : par rapport à l’ambiance de travail, à l’accès aux outils numériques et à internet. (cf. ici et ) Voici un récapitulatif de ce que l’institution scolaire peut apporter :

  • Un cadre favorable :
    • l’établissement peut intervenir pour prêter du matériel.
      Il était question de constituer une flotte de matériel de prêt au niveau académique et/ou national. Ce serait utile pour les élèves du 1er degré. Je ne sais pas où l’on en est.
    • Il était question d’accompagner les élèves pour la connectivité internet. Je ne sais pas où l’on en est.
    • Cette continuité doit être orientée vers le confort de l’élève : il est ainsi souhaitable que tous les enseignants utilisent les mêmes outils pour faciliter la vie de l’élève.
  • Un accompagnement pédagogique (cognitif, motivationnel, des consignes claires)
  • Un lien social (avec ses camarades et l’institution)
  • Un accompagnement médico-social, si besoin.

b) L’organisation de la continuité pédagogique pour répondre à ces besoins

L’organisation de la continuité est plus large que la question pédagogique et peut se prolonger jusqu’à la continuité affective et médico-sociale.

Il est de la responsabilité du chef d’établissement de coordonner cette continuité dans toutes ses dimensions : choix des outils communs, des modalités de communication, du rythme des échanges en classe virtuelle.

A minima, doivent être définis :

  • Un espace unique de dépôt des ressources pédagogiques : documents mis à disposition des élèves, résumés de cours, … Cet espace doit être accessible par toute la classe et organisé par discipline, par exemple en s’appuyant sur l’ENT (Cahier de texte, rubrique, …) A ce titre, il paraît important de spécifier ce qui se fait en classe (contenu de séance) et ce qui se fait hors classe (travail à faire). Quand la classe est fermée, il n’y a plus de travail en classe (contenu de séance), tout le travail se fait hors classe (travail à faire).
  • Les modalités de communication asynchrone entre enseignants et élèves : quel outil de messagerie utiliser ?
  • Les modalités de communication synchrone entre enseignants et élèves : classe virtuelle, téléphone, …

Les outils institutionnels sont à privilégier : ENT, classe virtuelle du CNED, …

2 – Propositions pour l’organisation de la continuité pédagogique

a) Quelques recommandations générales

  • Il est conseillé aux enseignants de s’appuyer le plus possible sur les ressources existantes (manuels scolaires, papier ou numérique) pour les apports de connaissances et les supports pour les activités (exercices, études de documents, …). En plus de ces ressources, si nécessaire, l’enseignant peut transmettre ‘l’essentiel du cours’ (ou ‘ce qu’il faut retenir’) et les consignes pour les activités à réaliser.
  • Les activités doivent être proposées en avance pour laisser à l’élève le temps de s’organiser en fonction des contraintes matérielles et organisationnelles de la famille.
  • Pour aider les élèves à s’organiser, il est important d’être très clair dans la progression pédagogique en précisant :
    • la chronologie des étapes ;
    • les ressources à utiliser à chaque étape ;
    • le temps que l’élève doit accorder à chaque activité.
  • Il peut être utile de proposer des éléments d’autoévaluation (grille ?) pour aider l’élève à évaluer son travail : c’est un élément fort de motivation et de régulation personnelle dans ses apprentissages.
  • La continuité pédagogique doit s’appuyer sur la complémentarité des échanges synchrones et asynchrones.

b) Situation où un ou plusieurs élèves sont en quarantaine

Les enseignants peuvent échanger par messagerie avec les élèves (un à deux messages par semaine suffisent pour conserver le lien disciplinaire et motivationnel) pour informer des travaux à réaliser, apporter une rétroaction sur les travaux remis, soutenir la motivation, …

Il serait intéressant de désigner un enseignant référent ‘absents’, pour échanger une fois par semaine de façon synchrone (classe virtuelle ou téléphone, 1h par semaine devrait suffire) avec les absents pour faire le lien méthodologique et organisationnel. Ce référent est le contact privilégié de ces élèves et partage à l’équipe pédagogique les fruits des échanges (difficultés rencontrées, notions non comprises, …). Il est intéressant de prévoir ces temps avec tous les absents d’un classe en même temps pour conserver un lien collectif et une dynamique liée à la classe. De même, il peut être important de planifier les temps d’échanges entre enseignants. Ce référent peut être désigné pour une période donnée (avec un roulement toutes les 3 à 4 semaines, par exemple)

c) Situation où une ou des classes sont fermées

Les enseignants peuvent toujours échanger par messagerie avec les élève (un à deux messages par semaine suffisent pour conserver le lien disciplinaire et motivationnel) pour informer des travaux à réaliser.

il peut être adapté d’organiser une classe virtuelle hebdomadaire dans chaque discipline pour faire le point avec la classe. Un temps de récréation (10 à 15 minutes) peut être proposé afin que les élèves échangent avec leurs camarades. Ces classes virtuelles sont des temps de régulation (échanges, rétroactions, clarification de consignes ou concepts) plus que de transmission de connaissances.

d) Situation où un établissement est fermé

Cette situation ne semble pas nécessiter de recommandations particulières par rapport à la situation où une classe est fermée.

e) Situation où un enseignant est en quarantaine

Comment fait-on actuellement quand un enseignant est malade ? Peut-on reproduire le même fonctionnement dans le contexte COVID ?

Deux cas sont alors à envisager :

  1. L’enseignant est cas contact : Il peut continuer à travailler de chez lui. L’enseignement pourrait se dérouler comme suit :
    • L’enseignant transmet les consignes et documents par l’outil choisi par l’établissement ;
    • Les élèves travaillent la discipline pendant les heures de cours définies selon l’emploi du temps ;
    • Cela nécessite la surveillance de la classe pendant les heures de cours concernées.
  2. L’enseignant est malade : On envisage un remplacement de la même façon que toute absence pour maladie.
    En cas d’impossibilité de remplacement, une réflexion pourrait être menée sur l’utilisation de ces heures pour du travail selon des modalités plus transversales où l’élève pourrait avoir plus d’autonomie (projet personnel ou collectif, pour aller plus loin, …)

Voici un rapide tour d’horizon des situations repérées et de quelques éléments de réponse possibles. Ce premier jet est évidemment perfectible, les commentaires vous sont ouverts pour apporter vos propositions …

Former un grand nombre d’enseignants en pair à pair : le ‘Plan français’

J’ai été récemment sollicité pour accompagner la mise en place de la formation des CPC (conseillers pédagogiques de circonscription, dans le 1er degré) référents français dans le cadre du Plan français. Le défi que représente ce projet me semble intéressant et je me permets donc de vous en faire une présentation rapide et vous partager mes réflexions. L’objectif de cet article n’est pas de lancer un débat pour ou contre ce plan de formation mais plutôt de formaliser quelques éléments autour des questions pédagogiques et d’organisation.

1 – Le Plan français : un défi de taille !

Ce plan prévoit la formation de la totalité des enseignants du 1er degré sur 5 ans en s’appuyant sur une formation entre pairs en petits groupes (appelés constellations). Dit comme ça, cela semble assez simple ; cela devient un défi quand on parle chiffres ! En effet, au niveau national, il y a environ 400 000 enseignants dans le 1er degré : on envisage donc des promotions de 80 000 personnes, regroupées en 10 000 constellations (6 à 8 enseignants par constellation), animées par 1 700 conseillers pédagogiques (un CPC anime 6 constellations).
Ce plan démarre maintenant et il faut commencer par former les conseillers pédagogiques à cette nouvelle mission.

2 – L’organisation prévue pour ces formations

a) La formation des CPC référents

Cette formation est articulée entre des temps nationaux (sous formes de classes virtuelles) et d’autres locaux. Le guide de présentation de ce plan prévoit de former ces CPC « à de nouvelles modalités de travail avec les enseignants, horizontales, en groupe et en réseau. »
Il est aussi précisé que le CPC « doit attester une maîtrise assurée de l’ensemble des aspects scientifiques, didactiques et pédagogiques de l’enseignement du français dans ses différents domaines. La grande majorité des 24 journées de formation sont consacrées à développer cette expertise ». N’étant pas compétent sur cette partie disciplinaire, c’est un aspect de la formation que je n’aborderai pas.

b) La formations des enseignants participants

Le guide mentionne aussi la lesson study comme modalité d’organisation possible pour les constellations. Cette approche structurée et appuyée sur la recherche nécessite, à mon avis, de développer la maîtrise de la démarche scientifique (problématique, recherche documentaire, hypothèse, expérimentation, analyse et interprétation, conclusion, diffusion) par les CPC concernés.

Dans une logique de cohérence, il semble important de chercher à aligner les objectifs, les modalités de formation et l’évaluation. Cette évaluation ne peut pas être une évaluation sanction ou certificative mais bien un ensemble de rétroactions pour aider chacun à évoluer dans ses pratiques professionnelles pour accompagner ‘au mieux’ les enseignants (pour les CPC) et les élèves (pour les enseignants). Reste à définir les critères et indicateurs nécessaires.

Voici un tableau récapitulatif des 2 formations à mener en parallèle (les CPC d’une part, les enseignants d’autre part)

 CPC référents françaisEnseignants
Nombre de personnes concernées dans notre académie4010 000 sur 5 ans, soit 2 000 par an.
Durée de la formation24 jours sur 3 ans : 6 jours (formation nationale délocalisée) + 18 formation académique18h sur une année + 12h de visites individuelles (4 x 3h)
Objectifs de la formationAnimer de petits groupes (constellations)
Intégrer la démarche scientifique
Développer les compétences pédagogiques et didactiques pour l’enseignement du français
Activités collectives prévues par le guide« Partage de ressources et de pratiques, analyse des modalités d’accompagnement, mutualisation de productions, etc. [entre CPC de l’académie] »« … de façon exceptionnelle en groupe complet [i.e. regroupant les 6 constellations du CPC] pour présenter le dispositif, réfléchir ensemble aux objets de travail prioritaires, ou faire un bilan du travail de l’année. »

3 – Un cadre de réflexion

Nancy Dixon, dans son article Ten big ideas of knowledge management (en anglais) récapitule dix éléments fondamentaux sur la connaissance et l’apprentissage que je vous présente rapidement, avec une traduction libre (et perfectible), et une structuration personnelle.

a) La connaissance

  • La connaissance se crée et se partage par des échanges.
  • Elle se présente sous différentes formes :
    • Les connaissances explicites peuvent être accessibles sous forme de documents ;
    • Les connaissances tacites nécessitent un échange, une discussion ;
    • Les connaissances tacites ne sont accessibles que par l’observation et/ou l’accompagnement.
  • Le questionnement ouvre la porte de la connaissance.

b) Les conditions d’apprentissage

  • Les petits groupes sont favorables aux échanges en profondeurs.
  • Le cercle est une disposition favorable, où chacun a sa place, sans hiérarchie.
  • On apprend en exposant et formalisant ses idées.
  • L’expérience nécessite une analyse réflexive pour être source d’apprentissage.

c) La collaboration

  • La confiance est un préalable nécessaire.
  • Le grand groupe (ou la communauté) est utile pour une consolidation collective.
  • La réciprocité est le moteur de l’apprentissage entre pairs.

4 – Des points de convergence

On constate que l’organisation proposée par le guide est globalement en phase avec les conseils de N. Dixon. De plus, ces conseils permettent de repérer quelques éléments qui sont de la responsabilité de l’animateur de constellation et donnent ainsi des pistes de critères d’évaluation pour leur formation :

  • Le degré de confiance qui règne dans le groupe ;
  • La dynamique et la qualité des échanges dans le groupe ;
  • La position de l’animateur et sa faculté à questionner plutôt qu’à ‘enseigner’.

A cette liste, il faut aussi ajouter la démarche de recherche scientifique et l’accompagnement des participants dans ce cheminement (ce qui est cohérent avec la faculté de questionnement de l’animateur).

Ces éléments d’évaluations, qui mériteraient d’être précisés, me font penser à une organisation de la formation par la pratique, avec des temps d’observation de constellations pour l’évaluation et une pratique de la constellation, aussi pendant la formation. Des observations croisées pourraient ainsi être très riches pour donner à chaque CPC un peu de recul sur ce qui se passe dans une constellation et sa pratique personnelle.

5 – Un décalage subsiste

N. Dixon insiste sur l’importance du grand groupe qui est à la fois caisse de résonnance qui permet de consolider les apprentissages de façon collective et espace de ‘réciprocité généralisée’ qui soutient l’engagement des participants dans le partage de la connaissance. Cet aspect n’est que très légèrement mentionné dans le guide : « L’accompagnement des différents groupes par le référent français et leur travail collaboratif en réseau impliquent la maîtrise à minima d’outils numériques adaptés. Les référents sont formés ou sensibilisés à l’utilisation de ces outils numériques »

Il se pose ainsi la question de l’organisation du travail en réseau des différentes constellations : partages, échanges, mutualisation, … autant d’aspects qui ne sont abordés qu’entre CPC d’une même académie, mais pas entre enseignants.

Cette absence de collaboration en grand groupe est dommage, elle pourrait enrichir avantageusement le dispositif.

6 – Une proposition d’organisation

a) Pour la formation des CPC référents

Il semble important de former les CPC par la pratique en les mettant en situation de collaboration dans des constellations, afin qu’ils puissent vivre de l’intérieur ce qui s’y passe (confrontation, négociation, consensus, blocage/déblocage, partage, …). Chacune de ces constellations de CPC doit être animée par un formateur et un temps d’analyse doit être proposé pour relire ce qui s’est passé et formaliser des ‘principes’ pour l’animation de ces groupes.

b) Pour la formation des enseignants

Il paraît utile de mettre en place un espace de partage/mutualisation entre constellations. Un outil comme stackoverflow ou le forum apprenant (basé sur Question2Answer) pourrait répondre avantageusement au besoin :

  • L’entrée se fait par une question : la problématique sur laquelle travaille la constellation.
  • A la fin de chaque rencontre, les éléments co-construits sont capitalisés dans le fil de discussion, sous la question.
  • Les contributeurs ne s’exposent pas trop : ils partagent le travail du groupe, qui a été construit et validé conjointement : cela donne une certaine légitimité et ôte l’aspect personnel de la contribution.
  • Tout un chacun peut suivre les avancées de chaque constellation, voire apporter une contribution en partageant un lien, une ressource, un témoignage, … Cela peut intéresser les enseignants des différentes constellations de voir ce qui se passe ailleurs, mais aussi les enseignants qui ne sont pas impliqués dans ce plan cette année, les formateurs et cadres qui suivent cette formation, … Enfin, cela peut ouvrir des portes à des chercheurs en mettant à disposition du matériau brut et en ouvrant les classes vers la recherche.
  • Avec 250 constellations dans l’académie, cela peut permettre de capitaliser rapidement un bon nombre de problématiques abordées et documentées.

Pour synthétiser l’organisation qui me semble pertinente, je reprends un schéma ‘historique’ de ce blog avec 4 cercles concentriques :

modèle des apprenants au centre
  • Les enseignants participants sont au centre, dans leur constellation. Le CPC référent français est en charge de l’animation du groupe (partager, collaborer, communiquer) selon une démarche scientifique.
  • Cette démarche se concrétise dans différentes activités (chercher, construire, concevoir, réaliser, créer, analyser).
  • Un travail réflexif permet de repérer et formaliser les ‘invariants’ de la démarche mise en place (comprendre, structurer, conserver, archiver).
  • Un espace de mutualisation entre les différentes constellations permet de mettre à disposition le travail accompli, au fil de l’eau, tout au long de l’année (partager, communiquer, exploiter).

7 – En conclusion

Le Plan français offre une opportunité intéressante de faire évoluer les pratiques de formation dans l’Éducation Nationale et il serait dommage de ne pas la saisir. Une partie de l’organisation est pilotée au niveau académique et offre donc une marge de manœuvre dans les modalités de déploiement et de mise en œuvre. Deux pistes semblent intéressantes à développer :

  • Former les CPC référents à la démarche scientifique en s’appuyant sur des petits groupes (constellations de CPC) pour faire vivre la démarche et l’analyser ;
  • Créer un espace d’échanges entre constellations, en ligne, pour assurer une capitalisation/mutualisation et un suivi des travaux.

N’hésitez pas à réagir pour apporter votre point de vue et votre contribution, les commentaires vous sont ouverts …

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