Comment apprenons-nous ?

Il me semble de plus en plus important de comprendre comment on apprend pour mieux enseigner ou former. L’objectif de ce billet est de synthétiser plusieurs éléments présentés dans ce blog. A plusieurs étapes de la construction de cette synthèse, vous trouverez des exemples d’activités envisageables en formation.

1 – L’apprentissage est une activité menée par l’apprenant

Ce principe qui semble couler de source et a été validé par la recherche, est à rappeler en préambule. Le rôle de l’enseignant (ou du formateur) est donc de créer les conditions favorables pour que les apprenants apprennent ! Ce contexte doit être pertinent, adapté, motivant, … C’est pour répondre à ces exigences qu’il me semble intéressant de formaliser les mécanismes mis en jeu lors d’un apprentissage ou qui facilitent cet apprentissage. C’est aussi pour cette raison que les schéma proposés utilisent (presque) exclusivement des verbes conjugués à la première personne du singulier.

2 – L’experiential learning de D. Kolb

Il me semble qu’une base de l’apprentissage repose sur le cycle de Kolb et l’apprentissage dans et par l’expérience. Ce cycle en 4 temps se vit au quotidien. Il peut s’apparenter à une transposition de la roue de Deming au monde de  l’apprentissage. Cette approche est adaptée pour développer des savoir-faire et des savoir-être qui peuvent être disciplinaires (par exemple maîtriser l’utilisation d’un appareil de mesure ou respecter les règles d’hygiène dans un contexte sensible) ou transversaux (par exemple rechercher une information pertinente ou favoriser la collaboration). Dans cette démarche, il est essentiel de voir l’apprentissage comme un processus dans la durée où la multiplication des mises en situations dans des contextes variés va permettre de développer et consolider ces compétences.

cycle de Kolb

cycle de Kolb

Toutes les activités d’analyse réflexive permettent de soutenir cette démarche. Même si c’est une activité plutôt personnelle, le formateur y a toute sa place pour initier la démarche, questionner et inciter à l’explicitation.

3 – L’apport d’informations

Il est évident que ce cycle n’est pas suffisant pour assurer un apprentissage plein : il doit être complété par l’apport d’informations. Selon l’autonomie des apprenants, on peut évoluer de « on m’informe » à « je m’informe ». La différence de sujet est fondamentale. Il me paraît indispensable qu’à terme, chacun soit  autonome pour s’informer.

Afin d’intégrer cette prise d’information au schéma, il me paraît cohérent de la lier à j’analyse pour expliciter la nécessaire analyse des informations. Cette analyse intègre l’esprit critique nécessaire mais aussi la création de lien avec les connaissances antérieures.

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Cette prise d’information peut se faire lors de rencontres, de conférences, à travers la lecture de livres ou d’articles. De même, la présentation d’un tour de main ou d’un savoir-faire peut être une bonne façon de transmettre des informations : on est alors dans l’apprentissage vicariant.

4 – La mémorisation

Les principes de mémorisations sont bien complexes pour moi : il arrive que je n’arrive pas à mémoriser une information qui me semble importante alors que je me rappelle très facilement d’autres qui sont malheureusement futiles.

Je pense que cette mémorisation est un phénomène latent qui intervient à toutes les moments de l’apprentissage, je propose donc de l’intégrer au schéma, sans pour autant le relier à l’une ou l’autre des étapes du processus.

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5 – La formalisation et le partage

Mémoriser nécessite de la volonté mais cela ne suffit pas toujours… Il me semble par contre clair qu’un travail personnel de formalisation des apprentissages (comme je le fais dans ce blog ou que l’on peut proposer à la fin d’une formation) facilite cette mémorisation par les liens que l’on arrive à expliciter entre les connaissances nouvelles et celles pré-acquises.

Le fait de partager cette formalisation implique que l’apprenant ne produit plus pour le formateur ou l’enseignant mais pour d’autres (au moins pour ses pairs, si le partage est cantonné au groupe). Cette contrainte élève le niveau d’exigence de la production visée.

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Cette formalisation peut intervenir à toute étape de l’apprentissage mais elle précède le partage. Elle peut par exemple prendre la forme d’un texte (plus ou moins long), d’un schéma, d’une vidéo ou d’une carte mentale. A cette étape, il me semble important de laisser la liberté à l’apprenant de choisir son mode d’expression car c’est pour lui qu’il réalise ce travail, pour l’aider à intégrer les nouvelles connaissances et faciliter leur exploitation ultérieure.

6 – ‘On apprend en soi, mais jamais sans les autres’

Cette affirmation de Philippe Carré me semble tout à fait pertinente et je trouve que ce schéma permet de préciser la part de l’apprentissage qui se déroule en soi et l’impact des autres sur l’apprentissage. De plus, on peut tout à fait envisager que ce que je partage devienne une source d’information pour d’autres. On rentre ainsi dans le social learning.

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A ce stade là, il est possible de proposer aux apprenants d’exposer un contenu, un point de vue, voire une controverse et d’organiser un échange ou un débat à la suite sur les informations présentées. Une autre possibilité est d’organiser une lecture croisée des productions : chacun lit et critique (avec bienveillance) le travail d’un ou quelques apprenants. Cette correction par les pairs permet d’une part, d’éveiller chacun à la variété des  approches et des réalisations et d’autre part, de proposer à chacun un (ou plusieurs) retour(s) sur sa production.

7 – Conclusion

Ce schéma me semble une bonne base pour organiser une formation en prenant en compte plusieurs processus d’apprentissages différents. Il n’est sans doute pas exhaustif, mais est-ce indispensable ?

Afin de l’éprouver, j’ai cherché à faire le lien avec le modèle IMAIP de M. Lebrun, présenté ci-dessous.

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On retrouve instantanément quatre pôles du process :

  • Information / je m’informe
  • Activité / je réalise
  • Production / je formalise
  • Interaction / je partage

La motivation n’est pas explicite dans notre schéma, car même si c’est un moteur de l’apprentissage, ça n’est pas une action volontaire de l’apprenant.

L’application de notre schéma dans un collectif (que ce soit un groupe, un réseau ou une communauté) induit naturellement une rétroaction puisque le partage des uns va susciter des réactions qui seront sources d’information.

Le résultat de cette confrontation me semble rassurant.

De même, j’écoutais récemment une émission sur la ferme biologique du Bec Hellouin qui pratique la permaculture. En analysant leur développement, on retrouve exactement toutes les étapes décrites ci-dessus :

  • prise d’information à partir de livres/sites anglo-saxons et japonais,
  • application des principes et analyse réflexive sur les pratiques, les résultats, les améliorations à envisager,
  • formalisation des connaissances dans un recueil,
  • partage de ces connaissances à travers des formations.

Voilà encore une confrontation encourageante !

Enfin, vous avez sans doute remarqué que je n’ai proposé aucune activité utilisant les technologies : c’est un choix délibéré pour mettre en avant le fait que l’on peut envisager des formations modernes et pertinentes, sans technologies. Mais rassurez-vous, un prochain article abordera cet aspect …

Voici une nouvelle version vidéo de cette présentation

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