Quand on croise Kolb et Tricot-Musial…

Après avoir assisté à plusieurs interventions de chercheurs qui ont insisté sur l’importance d’ancrer la formation des enseignants dans le réel, je me suis dit que c’était une voie à investiguer. Si je trouve l’idée très séduisante, la mise en pratique ne me semble pas évidente et j’ai voulu identifier des gestes professionnels du formateur pour faire vivre cette démarche.

1 – Le modèle de Kolb

L’approche de Kolb peut être un cadre structurant pour identifier les différents temps de la formation. Ce cycle qui se rapproche de la logique de l’amélioration continue donne un cadre pour l’enchaînement des étapes de la formation avec 4 temps distincts :

  1. Observation réflexive ;
  2. Conceptualisation abstraite ;
  3. Expérimentation active ;
  4. Expérience concrète.

2 – Le modèle de Tricot et Musial

André Tricot et Manuel Musial proposent un modèle qui met en exergue les processus mis en œuvre dans une phase d’apprentissage.

Ils ont identifié 6 processus (en bleu sur le schéma) qu’ils décrivent ainsi :

ProcessusDescription du processus
ConceptualisationÉlaboration d’un concept, connaissance stable d’un aspect du monde. Processus inductif fondé sur le repérage de traits communs, la catégorisation, et la mise en relation avec d’autres concepts.
CompréhensionÉlaboration d’une connaissance spécifique, issue de la confrontation d’une source aux connaissances de l’apprenant.
ProcéduralisationÉlaboration d’une connaissance procédurale. Il se décompose en trois étapes : Reconnaître les connaissances utile à la résolution d’une situation problème ; associer la solution à la situation ; créer des règles d’appariement entre une condition et une action.
AutomatisationTransformation d’une méthode ou d’un savoir-faire en automatisme
MémorisationÉlaboration d’une trace littérale en mémoire. Elle dépend de la fréquence de son utilisation
Prise de conscienceÉlaboration d’une connaissance déclarative de quelque chose que l’on sait faire. Ce processus est soutenu par l’analyse de l’action et l’explicitation.

Ce modèle est présenté ici https://blogs.univ-tlse2.fr/ip3a/theorie-ip-des-3-actes/ (nouvel onglet)

3 – Intégration des deux modèles

Ces deux modèles me semblent complémentaires. En effet, l’un présente une démarche générale structurante quand l’autre apporte un éclairage sur les processus mis en œuvre par l’apprenant et que le formateur (ou l’enseignant) doit soutenir. Ainsi, on pourrait le présenter comme suit :

Etape de KolbProcessus de Musial et TricotStratégies utilisables en formation
Observation réflexivePrise de conscience CompréhensionAnalyse de traces du réel
Confrontation avec les pratiques des participants
Conceptualisation abstraiteConceptualisationSynthèse d’échanges, structuration,  mise en perspective.
Apports de la recherche
Expérimentation activeProcéduralisationAide à la transposition, Appropriation d’outils,
Partage d‘expériences entre pairs
Expérience concrèteProcéduralisationPratique en classe,
Visite croisée
 Automatisation MémorisationAccompagnement dans la durée

une version graphique de ce tableau pourrait se présenter comme suit :

En conclusion

Ce travail est tout frais, il « sent encore la peinture » 😉 … Il permet d’identifier des stratégies utilisables en formation, de caractériser comment elles peuvent être pertinentes, de les mettre en perspective les unes par rapport aux autres. Voilà une base qui devrait être utile pour planifier de prochaines actions de formation de formateurs…

En fait, ce billet s’apparente à appel à réactions. Il serait, par exemple, intéressant de préciser la liste et la catégorisation des stratégies envisageables en formation. Apportez votre point de vue, des évolutions, des adaptations, que nous puissions avancer ensemble !

ChatGPT et l’enseignement supérieur, un rapport de l’UNESCO

L’UNESCO a publié un document intéressant sur ChatGPT et les IA génératives et leur impact sur l’enseignement supérieur. Des éléments me semblent très intéressants.

1 – Les rôles que l’on peut donner à une IA en formation

On trouve page 9 un tableau récapitulant différents rôles que l’on peut donner aux IA génératives en formation, en voici une version traduite …

  • Un moteur de formulation : utiliser la fonction « régénérer » pour produire des formulations différentes d’une même idée et comparer les différentes alternatives.
  • Un débatteur opposant : utiliser l’IA comme un débatteur afin de se préparer à une discussion. L’IA peut réfuter les arguments présentés ou proposer des contre-arguments.
  • Un support pour la collaboration : L’IA peut être utilisée comme outl de base pour un travail collaboratif, aussi bien pour trouver des informations que pour construire un début de solution au problème posé.
  • Un moteur d’étayage : l’enseignant peut utiliser l’IA pour générer du contenu, des consignes et des conseils pour soutenir les apprentissages des étudiants.
  • Un tuteur personnel : l’IA peut apporter une rétroaction instantanée aux contributions des étudiants.
  • Un co-designer de formation : l’IA peut être utilisée pour planifier, organiser, concevoir, retravailler une formation.
  • Un exploratorium : l’IA peut permettre de mener des activités créatives de recherche à partir de quelques informations proposées. Cet exercice peut être utilisé pour le développement des compétences en communication.
  • Un pair : expliquer son niveau de maîtrise d’un sujet à l’IA et lui demander de nous aider à mettre en place une stratégie pour progresser sur le sujet.
  • Un stimulateur : utiliser l’IA pour générer des activités stimulantes (quiz, exercices, ..) pour stimuler l’apprentissage.
  • Un évaluateur instantané : Après une phase de travail avec l’IA, l’étudiant demande une rétroaction synthétique de la séance à l’IA pour la partager avec son enseignant.

2 – Les questions éthiques

Par la suite, le rapport présente les principales questions éthiques liées à l’usage de telles technologies dans l’enseignement supérieur. La première est, sans surprise, la question du plagiat dans les productions des étudiants, mais aussi l’absence de régulation de ces outils. De même, la présence de biais cognitifs et les risques de discrimination. Sont aussi abordées les questions d’accessibilité et des enjeux commerciaux liés à ces outils.

3 – Des stratégies d’adaptation

Plusieurs pistes sont proposées pour engager les institutions dans un processus d’évolution / adaptation :

  • Initier des temps de discussion autour de ces IA ;
  • Co-construire une charte des usages de ces IA avec toute la communauté éducative (administratifs, enseignants, étudiants) ;
  • Faire le lien entre les IA génératives et les apprentissages visés pour expliquer les attentes et les modalités d’usage ;
  • Revoir les modalités d’évaluation ;
  • Intégrer les usages des IA dans la politique d’honnêteté et d’intégrité de l’institution ;
  • Accompagner tous les acteurs dans leurs usages des IA génératives, spécifiquement pour la rédaction de commandes (prompt)

En conclusion

Personnellement, je trouve que l’arrivée de ChatGPT et des intelligences artificielles est un vrai sujet d’étude et je suis frappé de voir comme nombre de commandes (ou prompts) qu’on lui soumet seraient d’excellents sujets de travail collectif entre pairs, que ce soit pour concevoir une formation, envisager différentes formulations d’une même idée, penser l’étayage ou concevoir des activités ludiques… Toutes ces demandes sont de formidables occasions de travailler en équipe et d’apprendre collectivement. Une telle stratégie nécessite un temps certain comparé à l’instantanéité des réponses de la machine, mais elle permet un réel développement des compétences de l’ensemble des participants.

Ce rapport me semble intéressant par le balisage du sujet qu’il apporte, les questions qu’il soulève et les pistes de travail qu’il propose. Maintenant, il reste encore à voir comment les différentes institutions peuvent s’en emparer…

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Engager les participants dans une formation

On m’a récemment demandé d’intervenir pour présenter l’apprentissage expérientiel à des formateurs du 1er degré. Je vous propose ci-dessous un retour sur cette intervention en présentant le contexte, le déroulé et le fruit des échanges. Un très bon moment d’animation, stimulant et riche.

1 – Le contexte de la formation

Si l’on veut qu’une telle intervention soit utile, il me semble essentiel qu’elle s’ancre dans le quotidien professionnel des participants. Tous les participants sont animateurs d’au moins une constellation du plan français du 1er degré. Ces constellations sont des groupes d’une petite dizaine d’enseignants qui se retrouvent 5 à 6 fois par an pour travailler ensemble sur une difficulté partagée dans l’enseignement du français, dans une logique de lesson study. Ce concept est présenté ici et se déroule en 6 étapes :

  1. Choix du sujet d’enseignement ;
  2. Étude de ce sujet ;
  3. Planification ;
  4. Mise en œuvre et observation ;
  5. Débriefing ;
  6. Diffusion.

En amont de la rencontre, j’avais travaillé avec les organisatrices pour identifier les « points de blocage » que rencontrent les participants afin d’être au plus proche du réel. Il est vite apparu que l’engagement des participants dans le dispositif était une difficulté récurrente et que cela pouvait être un bon « cas d’étude » pour notre demi-journée.

2 – L’apprentissage expérientiel

L’apprentissage expérientiel a été conceptualisé par David Kolb et peut se présenter comme suit.

Il faut noter que la phase d’analyse est une relecture de ce qui s’est passé alors que la phase de généralisation est la confrontation avec d’autres points de vue : ce que dit la recherche, des échanges entre pairs, …On peut tout de suite remarquer le lien fort entre cette stratégie d’apprentissage et les lesson studies.

La vidéo ci-dessous présente ma vision des choses sur l’intérêt et la mise en œuvre en classe et dans une logique d’apprentissage tout au long de la vie.

Ainsi, le sujet de travail pour cette demi-journée était « l’engagement des participants dans une formation de type constellation » et la forme suivait la démarche de l’apprentissage expérientiel. Nous avons alterné des temps en petits groupes (pour chaque question) et des temps de synthèse collective pour capitaliser les contributions de chaque groupe et permettre quelques réactions.

3 – Première partie : le point de vue du formateur

a) Quels comportements permettent d’identifier ce comportement négatif ?

Il est important d’être vigilent à ces différents signes pour pouvoir s’ajuster au plus vite et adopter la posture qui nous semble la plus adaptée. Voici donc une liste des signes identifiés : bras croisés, utilisation du téléphone, éléments de discours, silence, autres occupation (correction de copies, de cahiers), absence, retard, départ anticipé, manteau conservé, pas de prise de note, pas de regard, retrait  »physique’ par rapport au groupe, humour déplacé, résistance à la démarche (« je veux des conférences de chercheurs »), soupirs, lever les yeux au ciel, changement de sujet (avec un sujet périphérique qui devient principal), discours contre l’institution, bavardage, regroupement physique des réticents.

remarque : Les différentes listes présentées dans cet article ne visent pas l’exhaustivité, ce sont les contributions des participants. Celle-ci permet quand-même de repérer un bon nombre d’éléments d’alerte.

b) Comment je me suis senti ?

Ces éléments d’alerte ne sont pas qu’externes, on peut aussi en ressentir intérieurement, ils sont aussi à identifier. Je me suis senti : agressé, diminué, vexé, isolé, en alerte, irrité, en colère, remis en question dans ma professionnalité, visé personnellement, déstabilisé, démuni, interrogatif, résigné, compréhensif, stimulé, challengé, partagé (partir ou rester ?).

Il me semble particulièrement intéressant de repérer que si les formateurs se sentent majoritairement blessés et agressés, il est aussi possible de s’appuyer sur ces réactions pour en tirer de l’énergie (stimulation, challenge).

La verbalisation de ces différentes émotions devrait permettre d’y être plus attentif une prochaine fois, de mieux les identifier et, si possible, retourner cette énergie en positif.

c) Comment j’ai réagi ?

Il est maintenant temps de partager comment chacun a réagi dans cette situation. Cela permet, personnellement, de clore la phase d’analyse et, collectivement, d’engager la phase de généralisation.

  • S’appuyer sur son capital sympathie ;
  • Feindre l’indifférence ;
  • Chercher dans ma « bibliothèque de stratégies » ;
  • Poser un cadre clair au départ, logique de contrat par rapport aux attitudes indésirables (manger, téléphone, …) ;
  • S’appuyer sur l’humour ;
  • Lâcher prise : prendre le temps avant de juger, compréhension, écouter le groupe ;
  • Prendre des notes pendant les échanges pour rebondir sur ce qu’ils disent et les valoriser ;
  • Aller dans du contenu pour gagner en légitimité. Cela nécessite d’être confiant dans les apports que l’on va faire qui doivent être solides, penser à nourrir le groupe ;
  • Créer les conditions de l’écoute.

On peut classer ces différentes modalités d’action en 2 catégories : d’une part, celles qui peuvent être anticipées et qui vont permettre de poser un cadre, de créer les conditions de l’écoute ; et d’autre part, celles qui se décident dans l’instant et que l’on va choisir dans notre bibliothèque de stratégies. La phase de transfert correspond ainsi à la préparation de tout ce qui semble pertinent d’anticiper et de se construire ce catalogue de stratégies, à choisir « au débotté ».

4 – Deuxième partie : le point de vue du participant

a) Quels sont les freins ?

Nous abordons maintenant le même sujet en changeant de point de vue. Cela nous permettra d’adopter un autre cheminement, complémentaire au précédent. Les freins identifiés chez les participants sont importants à identifier pour pouvoir les anticiper. Voici ceux que nous avons répertoriés : Les préoccupations extérieures à la constellation / au travail, les horaires, le lieu, le sentiment du travail non reconnu (cela vient se surajouter à tout le reste), les résistances à l’égard de l’institution, le contenu ‘imposé’ (Français ou Maths et pas climat scolaire ou différenciation, …) la peur de s’exposer au groupe, peur des visites croisées, peur de travailler ensemble, en équipe, l’ancienneté de la personne, le côté infantilisant de la formation, les désaccords entre pairs, le mauvais feeling avec le formateur, avec ‘leur histoire de formation’, l’image du conseiller pédagogique perçu comme l’œil de Moscou, la disponibilité intellectuelle (charge mentale) après une journée de classe, les formations sur temps scolaire sont ‘plus porteuses’, la posture du directeur qui n’a pas été pensée dans la constellation, les visites croisées imposées, la question du remplacement.

Comme on peut le constater, cette étape d’analyse permet d’identifier de multiples freins et le formateur n’a malheureusement pas prise sur tous…

b) Comment rassurer et donner envie de s’engager ?

Après avoir identifié les freins, il va falloir chercher à les lever. Voici les propositions qui sont sorties des différents groupes lors de cette phase de généralisation :

  • Être explicite sur le cadre, les attentes, les rôles, que le contrat soit clair.
  • Anticiper sur ce que l’on va donner comme contenu, sur ce qu’on va faire la fois suivante, rappeler par un mail, envoyer des bilans, utiliser des outils numériques pour documenter, capitaliser, …
  • L’idée de contrat est primordiale : tout le monde est engagé (droits et devoirs).
  • Recueil des besoins des enseignants sur leurs attentes.
  • Montrer l’intérêt de la constellation : prendre le temps pour construire sur un point bien précis.
  • Le temps long qui peut paraître un frein est mis à profit pour construire dans la durée. C’est profitable.
  • Penser la différenciation entre les collègues (niveau d’expertise) pour que tout le monde y trouve son compte : ancien maître formateur qui est associé (pour son expertise), content de partager ce qu’il savait, content d’observer des enseignants experts. Un réel point d’appui pour mettre en valeur les geste pro des enseignants.
  • Penser le matériel comme indicateur de ce qui va se passer (c’est rassurant).
  • Penser l’enrôlement du directeur.
  • Le formateur mène la première séance de visite croisée pour libérer les participants.
  • Le cadre est présent mais il offre une certaine liberté ! Choix de ce qui va être mis en œuvre, dans l’organisation, …
  • Logique de co-construction : impliquer tous les participants dans un travail collectif, une dynamique de groupe.
  • Prendre les notes pour donner des bonnes conditions, montrer le sérieux du formateur pour libérer les participants des aspects matériels.

La grande majorité des pistes proposées touchent au cadre que le formateur met en place, aussi bien au niveau de l’organisation matérielle et temporelle que sur la prise en compte des réalités de chaque participant.

c) Que mettre en place ?

L’objectif est maintenant d’identifier ce que l’on peut mettre en place concrètement pour formaliser ce cadre. Il était prévu de travailler sur une charte de la constellation mais nous n’avons malheureusement pas pu mener ce dernier temps… Les organisatrices de la rencontre devraient pouvoir organiser un temps de travail en ce sens ultérieurement.

Il était aussi possible de travailler sur les observations croisées en identifiant des observables intéressants et mettre en place des grilles d’observation.

5 – Des éléments complémentaires

Durant chaque temps de travail en groupe, il était proposé à un participant d’être observateur. Nous prenions 2 minutes ensemble pour identifier un objet d’observation : l’ambiance générale, l’organisation de la prise de parole, l’écoute, la prise de note, … L’observateur faisait un petit compte-rendu à la fin du temps de travail.

Deux participantes m’ont interpelé sur le vocabulaire que j’utilisais qui était plus du domaine affectif que professionnel (« rassurer » plutôt que « sécuriser »). Je trouve cette remarque très pertinente. Je ne fais pas toujours attention au vocabulaire que j’utilise et j’apprécie ce retour précis et professionnel. Il va falloir que j’y veille pour mes prochaines interventions.

Enfin, j’ai repris une idée de François Muller en proposant qu’une personne note « les 10 bonnes idées » identifiées lors de cette demi-journée. Les voici :

  1. Mettre en place un contrat de communication ;
  2. Pour une mise en commun « démocratique » : une idée par groupe, pour permettre à tous les groupes d’échanger en respectant les tours de parole
  3. Bluffer : des formateurs qui font croire aux enseignants qu’ils sont « engagés » (par exemple : tout le monde a répondu au questionnaire ou partager des expériences de classe non vécues)
  4. Poser des observateurs avec une focale
  5. Laisser aller l’atmosphère, d’une certaine manière, lâcher prise sur la forme de l’animation
  6. Après la collecte, le formateur qui souligne des points importants (les mots en gras dans le texte de cet articles). Cela renvoie au groupe un éclairage, redynamise
  7. Chercher en individuel puis collectif
  8. Donner des rôles dédiés aux réfractaires
  9. Garder les bonnes idées
  10. Soutenir le discours avec des images : ça peut apporter de l’humour, de la provocation, de la poésie…

Voilà, vous savez tout sur cette intervention qui fut un réel plaisir à animer, tant le groupe était enthousiaste, dynamique et pertinent.
Merci Stéphanie et Yasmina de m’avoir fait signe, à une prochaine fois !

Des traces d’apprentissage

Dans le cadre de mon activité, nous nous questionnons sur l’attestation des formations que nous proposons. Après échange avec quelques formateurs, nous avons identifié plusieurs usages différents de ces attestations par les participants allant de la justification de présence à la trace d’apprentissage. Il me semble ainsi intéressant d’identifier la variété de ces traces d’apprentissages. Pour cela je me suis appuyé sur le document « Compétences de médecine générale et traces d’apprentissages – Mode d’emploi à l’usage des internes, maîtres de stages et tuteurs » qui est contextualisé pour la formation des internes en médecine. Le décalage entre la médecine et la formation m’a paru intéressant pour mettre en relief ce qui tient du métier et ce qui tient de l’apprentissage Voici donc quelques traces identifiées, et recontextualisées dans le cadre de la formation d’enseignants.

1 – Le récit de situation complexe

C’est un récit descriptif et analytique d’une situation professionnelle vécue, ‘authentique’ et ‘complexe’. Il est complété par une analyse de la situation, les questions induites, les réponses apportées et l’analyse critique de celles-ci.

Ce travail de récit peut (doit ?) être travaillé avec un tuteur ou un pair. Il peut être intéressant d’identifier les compétences mises en œuvre.

2 – Le Journal de bord

Ce journal de bord informe du quotidien de son auteur, de façon chronologique et structurée. Il informe de la continuité des apprentissages, la façon dont ils évoluent, les écueils auquel l’auteur est confronté, les problématiques à résoudre, etc.

Ce journal est à priori personnel, sauf si l’auteur souhaite le partager (en totalité ou partiellement).

Partant du postulat que l’apprentissage s’appuie sur l’action vécue, Pascal Galvini propose le journal des Kairos, une stratégie en trois temporalités :

  • Un journal personnel, où l’on note les éléments marquants de la journée : ce qui s’est passé, ce qui s’est dit, comment je l’ai vécu, … Cela peut se faire sur un temps très court (5′ par jour, par exemple). On peut se limiter à quelques entrées simples : le geste pertinent, un moment de compréhension, un moment de bonheur.
  • La note réflexive (30 à 45 minutes toutes les 2 semaines) où l’on relit les situations relatées pour noter toutes les idées qui viennent : des questions, des réflexions, des constats. Elle peut intégrer un extrait du journal.
  • Ces notes réflexives sont synthétisées dans un rapport final, qu’il réponde à une attente institutionnelle (rapport de stage ou rapport d’activité ou personnelle (rapport annuel).

3 – Le document produit par l’apprenant

Cela peut être un article, une présentation, une vidéo, sur un sujet donné. Il peut, par exemple, s’insérer ou découler d’un projet ou illustrer la maîtrise d’un geste technique. On peut lui associer des éléments de contexte : analyse réflexive, réactions, questions soulevées, commentaires, …

4 – Compte rendu d’une réunion professionnelle ou d’une formation

Il doit être contextualisé, réflexif et peut déboucher sur des pistes d’améliorations ou stratégies pour l’avenir.

5 – Résumé d’article commenté et critiqué

Bon nombres d’articles scientifiques s’appuient sur des situations professionnelles, les analysent et proposent des éclairages intéressants. L’apprenant peut en faire un résumé rapide en présentant les apports, les limites identifiées et comment cela peut faire évoluer sa pratique professionnelle.

6 – Et mes usages à moi ?

Toutes ces pistes sont intéressantes. J’ai personnellement beaucoup plus investi les 4 dernières en animant ce blog qui est mon portfolio d’apprentissage. Il me semble aussi très riche de capitaliser les réactions de l’entourage (ou des lecteurs) qui sont stimulantes et ouvrent vers des perspectives parfois inattendues.

J’aimerais bien essayer le journal des Kairos, parce que cela me semble assurément très riche, mais la bonne excuse du temps contraint me désarme… Et vous, quelles sont vos traces d’apprentissages ? Comment vous organisez-vous concrètement pour progresser ?

Présenter l’envers du décor d’une formation

Nous proposons une nouvelle itération de notre formation de formateurs-concepteurs à distance (une analyse des versions précédentes est accessible ici). Cette année, nous avons décidé de présenter « l’envers du décor » pour chaque élément qui nous paraissait le mériter. Nous y présentons à chaque fois l’intention des formateurs, l’outil utilisé et l’engagement prévu du participant. Voici donc l’envers du décor de l’envers du décor…

L’intention des formateurs

Il nous a semblé intéressant de vous proposer le point de vue du formateur et les choix posés durant la conception de ce parcours. L’idée est d’expliciter le cheminement des formateurs selon 3 directions :

  1. L’intention des formateurs, pour vous présenter nos attentes (ou espérances) et la justification de chaque élément proposé ;
  2. L’outil utilisé, pour aborder les choix techniques faits, les astuces, et parfois les alternatives possibles ;
  3. L’engagement des participants, en s’appuyant sur le travail de Michelene Chi (présenté ici) qui propose un modèle à 4 niveaux : réceptif, actif, créatif et interactif. La recherche dit que la profondeur d’apprentissage est corrélée au niveau d’engagement des participants. Ces niveaux d’engagement sont souvent mis en balance avec l’exposition des participants et l’équilibre n’est jamais simple à trouver !

Ces différentes pages sont à priori cachées mais accessibles à tout moment, dès que vous le souhaitez. Il nous semble cependant pertinent que vous n’y accédiez qu’une fois que vous avez réalisé, ou au moins analysé, les activités exposées.

Voici les différents éléments analysés dans les différents modules :

Accueil

  • Les pages d’accueil ;
  • Faisons le point sur vos attentes et votre expérience de la formation à distance ;
  • Votre état d’esprit en 3 mots.

Module 1

  • Les ressources à disposition ;
  • Comparer deux scénarios ;

Module 2

  • L’auto-positionnement de chaque module ;
  • L’activité du formateur ;
  • L’analyse de ce parcours de formation.

Module 3

  • Les classes virtuelles ;
  • Les gazettes ;
  • La CV ça change, mais ça change quoi ?

Les activités clés

  • Pourquoi proposer des badges ?
  • Proposer une évaluation des compétences développées tout au long de cette formation
  • L’activité « votre parcours d’apprentissage

L’outil utilisé

Ces ressources sont présentées dans des sections (ie. pages du menu) spécifiques. Elles ne sont accessibles que si vous cochez un « marqueur d’achèvement » qui permet de gérer des restrictions de visibilité. Ainsi, sur la même page vous avez des éléments visibles uniquement si le marqueur est activé (les éléments présentés dans l’envers du décor) et d’autres éléments visibles uniquement si le marqueur n’est pas activé (un court texte de présentation).

Le niveau d’engagement des participants

Ces sections peuvent être consultées en toute autonomie, autant de fois que nécessaire, indépendamment du rythme de la formation. Le participant est autonome et responsable face à cette proposition. Il peut être dans une attitude réceptive (s’il se limite à une consultation) ou active (s’il prend des notes ou les résume). Il peut aussi être dans une attitude créative s’il teste les propositions dans le bac à sable, voire interactive s’il échange avec des pairs à ce sujet …

Si vous voulez en savoir plus …

Cette formation est présentée ci-dessous en vidéo.

Présentation de la formation de formateurs concepteurs à distance

N’hésitez pas à utiliser les commentaires pour poser vos questions ou partager vos réactions !

Concevoir une ‘auto-formation’ : choisir une activité

Vous devez mettre en place une auto-formation et vous ne savez pas trop quelle activité choisir. Voici quelques pistes pour soutenir votre réflexion.

1 – Les spécificités du contexte

La caractéristique des formations en libre accès est que les participants s’inscrivent à leur guise. Si vous n’envisagez pas un fonctionnement en cohorte (genre MOOC), il n’est donc pas envisageable de prévoir un accompagnement par une équipe de tuteurs. Les activités proposées doivent donc toutes être auto-suffisantes. Nous envisagerons ici deux types d’activités :

  • Les activités contributives qui permettent une consolidation de connaissance en mutualisant les contributions des différents participants
  • Les activités autonomes qui n’induisent pas d’interaction avec les autres participants

Remarque : cet article est à l’origine une entrée du wiki m@gistère, cela explique que nombres de liens pointent vers cet espace.

2 – Les activités contributives

On entend par activité contributives les activités où la contribution (ou la réponse) d’un participant vient enrichir la base des contributions déjà existantes dans une logique de capitalisation. Ces réponses des autres participants peuvent (ou pas, selon l’activité) n’être visibles qu’une fois que le participant a lui-même contribué. Dans cette logique, on ne fournit pas au participant une correction ou une bonne réponse mais plutôt l’ensemble des contributions apportées par la communauté. Libre au participant de se faire ensuite son avis sur les contributions les plus pertinentes.

Si vous utilisez une plateforme moodle, on peut classer dans cette catégorie les activités suivantes :

3 – Les activités autonomes

On entend comme activité autonome les activités où le participant qui réalise l’activité n’a aucune interaction avec les autres participants et n’a pas accès à leurs réponses. Dans cette logique, vous devrez proposer une correction ou des éléments de bonne réponse pour fournir une rétroaction aux participants.

Toujours sur une plateforme moodle, les activités suivantes sont dans cette logique :

4 – Les activités à bannir

Dans un parcours en libre accès, les activités synchrones ou ayant des contraintes temporelles sont à bannir car on ne peut pas gérer la temporalité des participants qui s’auto-inscrivent.

Ainsi, les activités suivantes doivent pas être utilisées dans un parcours en libre accès :

Par contre, l’enregistrement de tels temps synchrones (réalisés dans d’autres contextes) peut être une ressource utile.

Nous verrons dans un prochain article le choix d’activités pour une formation accompagnée.

Les gazettes de la formation

Nous avons identifié un peu plus de 1300 personnes dans l’académie qui sont concernées ou intéressées par la formation des enseignants. Ils ont été formateurs, le sont encore ou ont suivi une formation de formateur, voire même ont juste manifesté leur intérêt pour le sujet. L’EAFC (École Académique de la Formation Continue) de l’académie de Dijon souhaite les soutenir et les accompagner dans cette mission mais comment faire ? Voici les bases de notre réflexion et la première gazette produite et diffusée ce jour…

1 – L’analyse préliminaire

a) L’objectif visé

Il nous paraît important de soutenir les formateurs de l’académie dans leur mission. Pour cela,nous souhaitons :

  • Leur apporter des éléments pragmatiques, issus de la recherche ou de textes officiels. Ces contenus doivent fournir des repères et outils simples pour être facilement utilisables au quotidien.
  • Les inciter à analyser leurs pratiques, leur organisation et à partager ces analyses. Cette analyse réflexive est importante à faire personnellement pour percevoir le pouvoir stimulant et formateur que cela génère.

Indirectement, nous souhaitons aussi les ouvrir à des modalités de formation moins classiques que la journée de formation …

b) Le public et son contexte

Ces formateurs sont relativement nombreux, répartis sur tout le territoire bourguignon, et n’ont pas beaucoup de temps pour se former. Ils viennent, pour la plupart, du premier ou du second degré. Ce que nous proposons doit donc leur être accessible directement, à proximité (voire à domicile) et ne pas être long.

c) L’évaluation envisagée

Comme vous le verrez dans cette première gazette, il est essentiel de savoir comment on va évaluer l’efficacité de la formation en terme de montée en compétence et de réinvestissement des apprentissages dans les pratiques ‘quotidiennes’. Nous comptons nous appuyer sur les analyses de pratiques personnelles qui sont des éléments intéressants et peuvent nous fournir des indications sur l’évolution des compétences des formateurs. le nombre de formateurs qui partagent leur analyse est un indicateur du nombre de participants actifs dans ce dispositif (puisque cela nécessite en amont une analyse personnelle), la richesse de ces analyses (liens entre différentes notions, présence de références théoriques, …) donne une information, dans la durée sur l’évolution (ou pas) du niveau de compétences des formateurs. Enfin, les évaluations des formations proposées dans l’académie peuvent nous fournir le 3ème indicateur sur la transposition dans le quotidien professionnel.

Il est évident que l’évolution de pratiques en formation ne peut exclusivement découler de ces gazettes. Mais comme c’est l’effet principal recherché, on aura quand même gagné 😉

2 – La solution mise en œuvre

a) Une gazette

Je suis depuis peu interpellé par le potentiel formateur d’une bonne newsletter, vous savez, celle dont vous connaissez le jour de parution et que vous attendez. J’en apprécie particulièrement une : learnability. Par contre, je pense que si l’on veut vraiment envisager cela comme une formation, il faut y ajouter une mise en activité. Et pourquoi pas ?

L’idée étant d’être régulier, il faut proposer un rythme soutenable aussi bien pour ceux qui doivent les produire que pour le lecteur qui ne doit pas être submergé. Nous avons opté pour un rythme bimensuel.

b) Une vidéo

Nous avons pris le parti de nous appuyer sur des vidéos courtes (moins de 10 minutes) en trois temps :

  • Le cœur de la vidéo est la présentation d’une notion, d’une démarche ou d’un outil. Cela peut être en rapport avec le métier de formateur, le métier d’enseignant ou le métier d’élève. Ces trois dimensions nous semblent importantes pour bien couvrir toute l’envergure de la formation continue des enseignants.
  • Après cette présentation, un questionnement est proposé pour relire ses pratiques au prisme de ce qui vient d’être présenté. La voilà, notre mise en activité !
  • La vidéo suivante débutera par une synthèse et une analyse rapide des réponses partagées à la suite de ce questionnement.

Le fait de pouvoir voir et entendre la voix du formateur permet de créer une relation plus humaine qu’un texte ‘classique’ de newsletter. De même, la forme ‘artisanale’ est complètement assumée pour montrer que l’on peut proposer des vidéos dans des formations sans avoir un matériel spécifique et couteux et titiller les formateurs.

c) Un échange

La vidéo est diffusée grâce à un forum de magistère. Afin de ne pas inonder les messageries et de préserver une certaine confidentialité, les participants ne peuvent pas répondre directement au forum ; ils répondent par mail à une adresse précisée dans le message et rappelée dans la vidéo. C’est la synthèse de ces contributions qui sera présentée en ouverture de la prochaine vidéo.

d) Une capitalisation et une ouverture

Ces vidéos seront capitalisées dans l’espace magistère des formateurs de l’académie et peuvent facilement être diffusées plus largement… Ainsi, c’est avec plaisir que je vous partage la première gazette de la formation qui a été diffusée ce matin et dure 5’40 ». N’hésitez pas à la visionner, la partager, y répondre si cela vous stimule. Nous avons tout à gagner à partager nos points de vue et avancer ensemble.

Ces quelques éléments permettent donc de dresser les grandes lignes des Gazettes de la formation. Ce dispositif n’est pas figé et il est même fort probable qu’il évolue. Une de ses forces est son coût relativement peu élevé pour toucher un large public : il faut compter deux à trois heures pour construire une telle gazette.

Rendez-vous dans 15 jours pour une prochaine gazette de la formation !

De la posture de l’enseignant…

J’ai été interpelé ce matin par l’article de S. Downes (@oldaily) « facillitators » or « guides on the side » ? No thanks où il aborde la question de la posture de l’enseignant. Ainsi, il déclare ne pas chercher à faciliter ou guider dans les apprentissages mais plutôt à s’engager activement avec son auditoire pour travailler sur le sujet. Ce point de vue me semble louable mais m’interpelle…

En effet, il me semble que la posture de l’enseignant doit prendre en compte le contexte d’enseignement et s’aligner sur les objectifs visés ; et c’est à ce niveau-là qu’il faut creuser pour comprendre et justifier les différentes postures enseignantes envisageables.

1 – L’alignement constructiviste

John Biggs nous dit qu’il faut qu’il y ait une cohérence entre les objectifs visés, le dispositif mis en place et l’évaluation des apprentissages. Ainsi, il est normal que l’on ne mette pas en place le même dispositif si l’on souhaite développer les savoirs de nos élèves, leurs savoir-faire ou leur réflexion. Et là où cela devient compliqué, c’est que pour développer la capacité de réflexion (où l’on retrouve l’esprit critique, l’argumentation, la construction du discours…), il faut s’appuyer sur des savoirs et des savoir-faire.

De même, il ne semble pas aberrant d’adopter des modalités pédagogiques différentes quand on enseigne en primaire ou que l’on assure des formations auprès d’un public adulte. Et l’adaptation doit aussi prendre en compte la taille du groupe, la répartition géographique des personnes, etc.

Tous ces éléments plaident pour une diversité de méthodes et de postures.

2 – Mais alors, y a-t-il une ‘bonne’ démarche, une ‘bonne’ posture ?

Je suis convaincu qu’il n’y a pas de réponse universelle et que la bonne approche pédagogique est celle qui est choisie, voire construite, par l’enseignant (ou le formateur) pour atteindre les objectifs visés dans le contexte donné.

Ainsi, dans le cadre d’une mise en situation ‘professionnelle’ d’élèves, il peut être pertinent pour l’enseignant d’adopter une attitude plutôt magistrale pour rappeler les règles de sécurité liées à la situation de travail spécifique, de passer à une posture d’accompagnement pour développer des savoir-faire et savoir-être puis d’enchaîner sur un temps d’échange pour analyser le vécu et formaliser ce qui est attendu ou pertinent et les pistes de progrès.

La réponse est donc plus d’ordre méthodologique pour concevoir le dispositif en partant de l’analyse du contexte et la précision des objectifs. De là vont découler les critères d’évaluation d’atteinte des objectifs et le dispositif de formation dans son ensemble. Et c’est à ce moment-là que la question de la posture de l’enseignant peut être éclaircie. Et il est fort probable que cette posture évolue au cours du temps, en fonction du scénario pédagogique. Vous trouverez ici des éléments pour formaliser la démarche de scénarisation, basée sur le modèle IMAIP de Marcel Lebrun et l’alignement de Biggs. N’hésitez pas à vous l’approprier…

IMAIP et Biggs

Et si vous avez un avis sur la question, les commentaires vous sont ouverts !

Bilan d’une formation en ligne

Nous avons organisé l’année dernière une formation de formateurs en ligne avec plusieurs cohortes dont deux avaient plus de 600 inscrits. Il nous a semblé intéressant de relire ces expériences et de formaliser un peu ce retour. Voici donc une vidéo-bilan de ce que l’on en a retiré qui aborde les points listés ci-dessous :

  • Rappel du contexte et de l’enjeu
  • Des questions sur la scénarisation
  • Le parcours de l’apprenant
  • L’organisation tutorale
  • Des gazettes vidéos pour tisser des liens
  • Forum ou questionnaire : une question d’engagement
  • Prendre en main magistère : une proposition
  • Quelle activité pour travailler la scénarisation ?
  • Comment aider à prendre du temps ?

Tous ces points sont abordés dans la vidéo ci-dessous (14’50)

Le scénario de la formation réalisé avec l’outil Learning designer de l’UCL (de Londres, pas de Louvain 😉 ) est accessible en ligne.

scénario de la formation

N’hésitez pas à apporter vos remarques, vos demandes d’explicitation ou d’explication sur certains points, si nécessaire…

En vous souhaitant une excellente année 2022 !

Retours d’expérience et apprentissages

Les retours d’expérience sont souvent utilisés par les organisations pour aider les collaborateurs à monter en compétence. Il peut être intéressant de se questionner sur l’efficacité de ces pratiques et les modalités les plus pertinentes pour les organiser. Voici donc quelques éléments de réflexion en m’appuyant sur l’article de recherche « Les retours d’expériences dans la gestion de situations critiques » par Anne-Lise Marchand qui s’appuie sur des entretiens avec des pilotes d’avion et navigateurs.

1 – Contexte de l’étude

Cette étude s’attache a mettre en exergue l’utilité et l’efficacité des différents types de retour d’expérience dans des situations critiques. Elle s’est appuyée sur des entretiens avec des pilotes et navigateurs de l’armée de l’air autour de situations critiques afin d’identifier les connaissances sollicitées pour agir.

Il est souhaitable que la majorité des enseignants ne soient pas confrontés à des situations aussi critiques dans leur quotidien professionnel. Cependant, même si le niveau de stress n’est pas aussi élevé, il semble raisonnable d’étendre cette étude aux situations critiques ‘courantes’ des enseignants (perte d’autorité, de légitimité, gestion d’indiscipline grave ou de violence, etc.), surtout pour les jeunes collègues.

« Lorsqu’un individu est confronté à une situation de résolution de problème, il raisonne à un niveau de contrôle cognitif où il doit élaborer une nouvelle stratégie à partir des ressources qu’il a à sa disposition pour résoudre le problème posé. » Dans cette logique, l’auteure cherche à identifier si des retours d’expériences sont des ressources mobilisées dans les situations critiques.

2 – Éléments caractéristiques d’un retour d’expérience

L’article d’Anne-Lise Marchand propose plusieurs éléments pour caractériser un retour d’expérience : l’origine de l’épisode, l’objectif visé du retour d’expérience et le type de savoirs que l’on en ressort.

Il y a trois origines repérées :

  • Individuelle, c’est à dire issue de la confrontation directe de l’individu avec des événements imprévus ;
  • Collective, où le retour d’expérience est présenté de façon plus ou moins formelle par un pair ;
  • Organisationnelle, quand les retours d’expérience sont capitalisés dans une base de données.

De même un retour d’expérience peut viser trois objectifs distincts et complémentaires :

  • L’analyse d’événements spécifiques, on parle alors de retour d’expérience événementiel ;
  • La mise en valeur de pratiques positives pour les retour d’expérience positif ;
  • La détection d’événements précurseurs pour les retours d’expérience à signaux faibles.

Enfin, il peut ressortir de ces retours d’expérience trois types de savoirs :

  • Les savoirs analytiques qui permettent de caractériser la situation afin de mieux diagnostiquer le problème ;
  • Les savoirs procéduraux sur les actions réalisées et leur effet ;
  • Les savoirs réflexifs qui correspondent aux connaissances sur l’état de la personne durant la situation critique.

L’analyse des résultats quantitatifs de l’étude peut se présenter avec ce graphique qui présente le nombre de savoirs identifiés de chaque type dans les retours d’expérience mobilisés lors d’un entretien où les personnes interrogées relataient une situation critique, selon leur origine.

Synthèse quantitative des savoirs identifiés selon l’origine des retours d’expérience mobilisés

3 – Quelles sont les conclusions de l’étude ?

Les solutions proposées pour les 24 épisodes évoqués ont été évaluées par les sujets comme efficaces pour 14 épisodes et inefficaces pour 8 épisodes (deux des épisodes ne présentant pas de solution).

Les retours d’expérience collectifs apportent en moyenne 11 savoirs et les individuels 9. Ces deux types de retours d’expérience sont souvent mobilisés.

Les retours d’expérience organisationnels sont très peu mobilisés. L’auteure indique que cela est dû à la difficulté d’indexer de façon efficace une telle ressource pour pouvoir l’identifier facilement par la suite.

L’auteure a conscience de plusieurs biais dans l’étude : les données exploitées sont déclaratives et issues d’interviews à postériori et non pas pendant la situation de crise.

4 – Que pourrait-on en tirer pour la formation des enseignants ?

  • Cette étude identifie que les retours d’expérience sont des matériaux mobilisables dans les situation de crise et peuvent ainsi être un moyen de se ‘construire une expérience par procuration’. Il semble cependant important qu’ils soient précédés par un temps d’analyse réflexive de l’épisode pour en identifier les éléments significatifs le plus précisément possible.
  • La grille de lecture selon les 4 dimensions « caractérisation de la situation / événements précurseurs / pratiques / évaluation du résultat » peut permettre de mettre en exergue les éléments structurant de l’épisode et faciliter son appropriation et son transfert. L’émission de France Culture Superfail présente ainsi des ‘ratés’, des ‘erreurs’ en analysant le contexte, les actions menées et les conclusions à tirer ou les pratiques efficaces…
  • La capitalisation de tels retours d’expérience pour une mise à disposition ‘libre’ ne semble pas efficace. Cependant, une captation vidéo de ces témoignages pourrait s’avérer utile pour un usage en formation, sans mobiliser le témoin régulièrement.
  • L’analyse réflexive de sa propre pratique est aussi très efficace pour se construire son expérience et des schèmes opératoires, que ce soit au cours d’entretiens d’explicitation, ou de séances d’auto-confrontation.

Ces retours d’expérience semblent très utiles et sont souvent très appréciés des enseignants. C’est une stratégie efficace pour les outiller et les préparer aux situations aux limites (voire en dehors) de leur zone de confort. Ainsi, les formations des nouveaux enseignants, mais aussi des nouveaux formateurs et des accompagnateurs de constellations pourraient avantageusement s’appuyer sur de tels retours d’expérience pour les outiller efficacement et rapidement. De plus, les 5 focales de Roland Goigoux peuvent permettre d’identifier les éléments pertinents pour construire un tel retour d’expérience.

Les 5 focales de Roland Goigoux

5 – Pour aller un peu plus loin …

Il me semble que cette activité mentale qui consiste à exploiter l’expérience d’autrui rapportée lors de retours d’expérience vient s’imbriquer dans le modèle MADDEC proposé par Jean-Claude Coulet qui définit 3 boucles de rétroactions comme présenté ci-dessous. Ainsi les retours d’expérience de pairs viennent enrichir la ‘base de connaissance’ personnelle utile et nourrir les formes de régulation, au même titre que les feedbacks personnels issus des tâches antérieures réalisées.

Les 3 boucles de rétroactions (courte, longue, changement de schème)
Le modèle MADDEC de JC Coulet